Biography Louis Riel
Qu'on l'appelle prophète, homme d'État, gredin, saint, traître, martyr, visionnaire ou fou, Louis Riel est l'une des personnalités les plus controversées de l'histoire du Canada. Tous ces titres et bien d'autres, cet homme qui continue de hanter notre histoire plus d'un siècle après son exécution les a mérités. Et cela se comprend. Pendant seize ans, de 1869 à 1885, Riel fut le chef politique, sinon spirituel, des Métis dans leur lutte pour s'assurer une place dans la société de l'Ouest. Il joua un rôle décisif dans la Rébellion du Nord-Ouest qui ébranla le jeune Dominion jusqu'à la base et souleva de graves questions sur la place des minorités au Canada. Selon certains, la quête de Louis Riel n'est toujours pas terminée.
Né à la Rivière-Rouge (Winnipeg) en 1844, Louis Riel dirigea le mouvement de résistance qui, en 1869-1870, réussit à faire obstacle à la prise de possession unilatérale des territoires de l'Ouest par le Canada. Mais avant que Riel puisse revendiquer son titre légitime de Père manitobain de la Confédération, le gouvernement canadien se vengea en le forçant à s'exiler aux États-Unis. Après une odyssée qui dura dix ans, et pendant laquelle il fut élu député à la Chambre des Communes et fit deux séjours dans des asiles d'aliénés du Québec, Riel s'installa au Montana avec sa famille et devint instituteur. Son exil se termina subitement en 1884, lorsque les Métis de la Saskatchewan lui demandèrent de prendre leur cause en main.
Au début des années 1880, les Métis établis le long de la rivière Saskatchewan sud, entre les villes actuelles de Dundurn et Prince Albert, tentèrent d'obtenir qu'Ottawa les reconnaisse propriétaires de leurs lots riverains traditionnels, avant que toute la région soit ouverte à la colonisation. Le gouvernement fédéral ayant refusé à plusieurs reprises de répondre à leurs demandes, les Métis firent appel à Riel, le héros de la résistance de la Rivière-Rouge. Mais ils n'avaient plus affaire au même homme. Riel était toujours un chef charismatique, mais il se considérait désormais comme l'émissaire personnel de Dieu, et croyait que sa mission était de faire des territoires du Nord-Ouest la patrie des Métis et des autres peuples opprimés du monde, dans l'attente du Jugement dernier. Dans
le but de fortifier sa position de négociation, Riel s'efforçade forger
une alliance entre les Indiens et les Métis pendant l'étéet l'automne
de 1884. Mais les chefs cris, Big Bear et Poundmaker en
particulier,entendaient faire face à leur manière à l'intransigeancedu
gouvernement fédéral, et leur stratégie n'incluaitpas le recours aux
armes. Nullement découragé, Riel formaun gouvernement provisoire à
Batoche le 19 mars 1885 afin d'obligerOttawa à faire des concessions,
par la force si nécessaire.Une semaine plus tard, les Métis et la Police
montée s'affrontèrentà Beardy's Reserve, près du Lac-aux-Canards (Duck
Lake).
À la
nouvelle de la bataille du Lac-aux-Canards, Ottawa leva un corps
expéditionnaire afin de contenir et d'écraser ce qu'il considérait comme
l'insurrection des Indiens et des Métis. Riel décida de se retrancher à
Batoche, scellant ainsi le sort des Métis et éliminant toute
possibilité de prolonger le conflit. Temporairement arrêté par
l'embuscade de Fish Creek, à la fin d'avril 1885, le corps
expéditionnaire du Nord-Ouest reprit son avance, attaqua Batoche le 9
mai et s'en empara facilement trois jours plus tard. La crise était
passée; au cours des six semaines qui suivirent, les chefs indiens
impliqués dans les troubles et leurs partisans se rendirent aux
autorités. Riel
comparut pour haute trahison devant un tribunal de Régina le
20 juillet. Se croyant guidé par la main de Dieu, il s'était
rendu après la chute de Batoche en espérant avec naïveté
qu'il allait pouvoir faire de son procès une tribune pour promouvoir
sa cause. Ses avocats avaient plaidé l'aliénation mentale,
mais le discours qu'il adressa au jury à la fin du procès
n'était pas celui d'un fou. Il fut déclaré coupable
et condamné à mort. En dépit d'un recours en grâce
et de plusieurs appels, ainsi que des doutes qui subsistaient au sujet
de sa santé mentale, Riel fut pendu à Régina le
16 novembre. Son corps repose maintenant dans le cimetière de
la cathédrale de Saint-Boniface, au Manitoba.
Lorsqu'Ottawa
permit l'exécution de Riel, celui-ci ne cessa pas pour autant de jouer
un rôle dans la vie du pays. Non seulement le débat sur les causes de la
Rébellion se poursuit-il, mais Riel lui-même est devenu le symbole de
plusieurs mouvements, qu'il s'agisse de la tolérance raciale, de la
contestation dans l'Ouest, des droits des Aborigènes ou des intérêts des
groupes minoritaires. Le nom même de Riel évoque nombre d'images et
d'émotions qui parfois masquent ou font oublier son objectif et les
griefs des Métis. Les travaux de trois générations de spécialistes n'ont
pas encore réussi à faire la lumière sur la Rébellion du Nord-Ouest et
sur le rôle joué par Louis Riel.
Centre d'études canadiennes, Université Mount Allison
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