Biographie Jacques Ferron
Écrivain imaginatif et prolifique, médecin compatissant, citoyen
polémiste et fondateur du Parti Rhinocéros, il a marqué la société
québécoise de son empreinte. « Je pense que Ferron, l’auteur et
l’homme, est tout simplement allé aussi loin que sa sensibilité à fleur
de peau, son moi trop éponge, son projet noble mais démesuré lui
permettait de se rendre », a écrit de lui Pierre Migneault, psychiatre.
Admirateur enthousiaste de Jacques Ferron, le Dr Migneault, de 16 ans
son cadet, a surtout connu l’écrivain par son oeuvre, mais aussi à
travers sa soeur, la peintre Marcelle Ferron à laquelle il était lié.
Alors jeune spécialiste, il a croisé l’auteur à plusieurs reprises dans
des lancements de livre. « Il disait de lui-même qu’il était bon,
méchant, ironique et infiniment triste, et c’était vrai. » Pierre
Migneault a été séduit par l’univers de Jacques Ferron. «Avec lui, on
fait une puissante et affolante plongée dans tous les registres de la
condition ou trajectoire humaine, jusqu’à la Mort qui prévient la
folie… comme ultime issue, pour reprendre le titre de l’un de ses
textes testaments. »
Sous la plume de Jacques Ferron, à
travers ses phrases parfois lumineuses et ses histoires déroutantes,
apparaissent les grands thèmes de la vie : la mort, la naissance, la
folie, la souffrance. Mais l’écrivain s’est également aventuré dans les
sujets tabous du monde médical : le désarroi du clinicien,
l’impuissance de la médecine et la santé mentale du soignant. « C’est
un métier dangereux, la médecine, confiera Jacques Ferron à Pierre
L’Hérault au cours de leurs entretiens publiés dans le livre Par la
porte d’en arrière (Lanctôt, 1997). Dangereux pour le malade, bien sûr,
mais on devient imprégné par la situation dans laquelle se trouve le
malade. Ça devient mon danger à moi et je dois l’écarter d’une façon
rapide, habile, sans commettre d’erreur. » L’omnipraticien raconte
alors qu’il a été voir à domicile un patient dont l’infarctus du
myocarde avait la forme d’une gastro-entérite aiguë. Dix minutes après
son départ, l’homme est mort…
Mais il y a aussi le Ferron
cinglant, polémique, mordant qui n’épargne ni les politiciens ni ses
collègues ni sa profession. « La médecine a un tel besoin de la lésion
qu’à défaut de la trouver, elle la crée », dénonce-t-il dans un de ses
récits, révolté qu’il était par les lobotomies. Il écrit également de
nombreuses lettres incisives dans les journaux et de multiples
éditoriaux corrosifs dans l’Information médicale et paramédicale,
publication à laquelle il collaborera pendant une trentaine d’années.
Ferron
est un témoin actif du Québec des années 50, 60 et 70. Il a vu la fin
du duplessisme, le début du mouvement souverainiste, l’arrivée de
l’assurance maladie et la laïcisation des services sociaux. « Ferron
est un grand personnage historique du Québec contemporain. Il a été de
tous les principaux mouvements d’idées politiques et sociaux. Il a
collaboré aux principales revues littéraires. Il ouvre la porte sur
toute une connaissance du Québec et du monde où il a vécu », estime Luc
Gauvreau, secrétaire de la Société des amis de Jacques Ferron.
Né
en Mauricie en 1921, Jacques Ferron est l’aîné d’une famille de cinq
enfants qui compte une autre romancière, Madeleine, la peintre
Marcelle, Thérèse, moins connue, et un second médecin, Paul. Le jeune
Jacques a des ambitions littéraires. Mais il sait qu’il lui faut
choisir un métier qui lui permette de gagner sa vie. À la suite d’une
dispute avec son père, qui souhaitait le voir notaire, comme lui, il
annonce qu’il deviendra médecin. Ce choix sera déterminant. « On prend
un métier et on s’adapte à lui ; il nous transforme», reconnaîtra
Jacques Ferron. En 1945, le jeune homme termine ses études de médecine,
puis pratique un an dans l’armée. Il jette ensuite son dévolu sur la
Gaspésie. Le futur romancier se laisse séduire par le vocabulaire et la
manière de parler des habitants. Il s’installe donc à Rivière-Madeleine
avec sa femme Magdeleine, qu’il a rencontrée alors qu’ils étaient
étudiants. Lorsqu’il commence à pratiquer, c’est le choc pour le jeune
omnipraticien. Dans ses cours de médecine, à l’Université Laval, les
malades présentaient des symptômes qui correspondaient aux affections
qu’il avait étudiées. Mais, une fois médecin, la vraie vie lui saute au
visage. « Vous commencez à pratiquer, vous avez des malades et vous ne
retrouvez pas les maladies, ce qui est extrêmement frustrant ! Vous
croyez que vous êtes mauvais médecin ou vous croyez que vous avez des
mauvais malades », expliquera-il plus tard.
Les premiers contes Parcourant
les vastes paysages gaspésiens, le Dr Ferron se rend dans plusieurs
villages faire des visites à domicile. En sa qualité de médecin, il
peut pénétrer dans l’intimité des gens. Il entre modestement par la
porte d’en arrière. Il recevra ainsi les confidences de petites gens,
s’introduira dans leur monde, connaîtra leur vie, les écoutera relater,
avec leur talent inné de conteurs, les histoires du pays. Sur les côtes
gaspésiennes, Jacques Ferron commence à écrire ses premiers contes. Il
s’agit d’univers fantastiques et déroutants où tantôt un médecin est
poursuivi par des cochons, tantôt un archange lévite, tantôt une
vieille accepte de se séparer de son veau pour qu’il fasse des études
de droit. Ferron ressuscite des personnages mythiques, comme la
Mi-Carême qui, expliquait-on aux enfants gaspésiens, bat les mères et
leur laisse un bébé avant de s’enfuir. Les contes de Ferron sont ainsi
faits de villageois, d’originaux, de femmes un peu folles. On y croise
aussi des curés et des médecins. « Il y a dans l’oeuvre de Jacques
Ferron une acceptation de tous les êtres humains qui se trouvaient sur
son chemin avec toutes leurs folies, leurs bêtises, leurs bizarreries.
Il avait une préférence pour les faibles, les petits, les démunis, les
fous, les simples d’esprit, les clochards. Ce qui m’a frappée dès les
premières lectures, c’est sa façon de leur redonner la dignité dont la
société les a peut-être privés », explique Betty Bednarski, professeure
de littérature à l’Université Dalhousie, à Halifax, et traductrice de
Ferron. La pratique en Gaspésie, où il resta deux ans, marque Jacques
Ferron.
Le choc qu’il vit aura des répercussions profondes sur
sa pensée et son oeuvre, estime son biographe Marcel Olscamp. « Dans le
cadre de ses activités médicales, il est brutalement confronté (sic) à
la vraie pauvreté, ce qui le pousse à adhérer aux idéaux du communisme
», écrit-il dans Le fils du notaire (Fides, 1997).
La vie à Montréal En
1948, à 27 ans, Jacques Ferron déménage à Montréal. Il s’installe
d’abord à Rosemont. L’année suivante, il se sépare de sa femme, avec
qui il a eu une fillette. Il se remariera trois ans plus tard, avec sa
seconde épouse, Madeleine Lavallée, qui lui donnera trois autres enfants. En
1949, le Dr Ferron ouvre un cabinet à ville Jacques-Cartier, maintenant
Longueuil, une banlieue alors pauvre et dure. Paul, le frère de
Jacques, devenu lui aussi médecin, l’y rejoindra et pratiquera avec lui
pendant 30 ans. « Sa vie ce n’était pas la médecine, c’était l’écriture
», révèle le cadet dans le film Le Cabinet du docteur Ferron, de
Jean-Daniel Lafond. Même s’il estime que Jacques était un très bon
diagnosticien, Paul note qu’il n’a jamais vu de livre de médecine sur
son bureau. « Il écrivait la nuit ou tôt le matin avant l’arrivée des
patients, explique Mme Bednarski, qui s’était liée d’amitié avec
l’omnipraticien. Il rédigeait surtout des textes courts : des contes,
des historiettes, de brefs romans. Il ne pouvait se mettre à l’écriture
que pour quelques heures et était souvent interrompu.» Chez Jacques
Ferron, le médecin nourrit l’écrivain. Littéralement et littérairement.
Ses récits s’abreuvent grandement de ses expériences professionnelles.
De nombreuses histoires mettent d’ailleurs en scène un narrateur ou un
personnage médecin. Cotnoir (1962), La charrette (1968), Gaspé-Mattempa
(1980), Rosaire – L’exécution de Maski (1981).
En 1962, à 41
ans, Jacques Ferron reçoit le prix du Gouverneur général pour ses
Contes du pays incertain qu’il vient de publier. C’est à l’occasion de
la traduction de ce recueil que Betty Bednarski fait connaissance avec
l’auteur. « Dans le privé, c’était un homme doux et d’une très grande
bonté. Il avait le sens de l’absurde, et dans le regard, une douce
ironie. Mais il ne paraissait pas toujours très sûr de lui. Il y avait
parfois quelque chose d’hésitant en lui, contrairement à ce qu’on
pouvait croire en le lisant, car il écrivait avec une telle assurance
et ses textes polémiques étaient véhéments et même très durs. »
La médecine doit être humble On
retrouve souvent, dans la littérature de Jacques Ferron, des médecins
modestes. Lui-même l’était. « J’ai toujours pratiqué une humble
médecine, hors des hôpitaux. » Une médecine de cabinet et de visites à
domicile. Le généraliste, que certains surnommaient le «médecin des
pauvres », reproche d’ailleurs à ses confrères leur richesse et leur
arrogance qui rendent, selon lui, la médecine grotesque. « Il y a avec
cette fortune outrageante, il y a la tendance du médecin à prendre
beaucoup d’assurance parce qu’il est en contact avec des gens inquiets,
des gens malades », estimait le Dr Ferron dans une interview reproduite
dans Le Portuna (L’Aurore, 1975). L’exercice de la médecine est à ses
yeux un travail humble. Un travail d’entretien du corps. Il croit
d’ailleurs que la science n’apporte qu’une aide limitée aux patients. «
Beaucoup de gens viennent nous voir qui, autrefois, allaient voir le
curé. Il s’agit souvent de les écouter afin qu’ils puissent s’exprimer
; c’est la meilleure solution. Ils t’exposent leur problème et tu le
leur rends parce que tu le prends pour le leur redonner. Cette relation
a une signification curative, enfin satisfaisante », expliquait
également Jacques Ferron dans ses entretiens avec Pierre L’Hérault.
La
médecine préventive ? Ferron y croit encore moins. « Il disait qu’on
était en train de chercher des malades chez les gens en bonne santé et,
du coup, on négligeait ceux qui souffraient – les mourants, par
exemple. La médecine déplaçait son attention, ce qui, à ses yeux, était
dangereux », précise Mme Bednarski.
Conte et compassion Pour
plusieurs médecins, Jacques Ferron exprime ce qu’ils ressentent
obscurément. « Je trouve cela remarquable qu’il dise comme
écrivain-médecin que la médecine est une activité d’entretien. Les
médecins ne doivent jamais oublier qu’ils sont là pour entretenir les
corps, entretenir les âmes, les esprits s’ils veulent. La santé ne
repose pas entre leurs mains », estime Jean Désy, lui-même médecin et
auteur. Dans le cours Souffrance, littérature et humanisme qu’il donne
à l’Université Laval, le Dr Désy fait lire à des étudiants en médecine
et en lettres les Contes. L’un de ses préférés est Les Méchins,
l’histoire d’un médecin toxicomane qui donne sa dose d’opium à un
cheval plongé dans une détresse plus profonde que la sienne. Le
clinicien découvre alors la compassion. « C’est un conte d’une profonde
humanité qui passe par les voies de l’imaginaire et de l’inconscient.
Il est d’une efficacité extraordinaire. Ferron y remet en même temps en
question toute cette espèce de gloriole fallacieuse autour du rôle du
médecin. Dans ce conte, le clinicien est narcomane. Il faut le faire »,
fait remarquer le Dr Désy. Désy, qui pratique la médecine générale
depuis 27 ans, se penche sur certains écrits de son collègue comme
au-dessus d’un miroir. « Je me sens proche de Ferron parce qu’il m’a
toujours laissé sentir, sans me le dire directement, qu’il avait un
rapport conflictuel avec la médecine ou avec son activité médicale. Que
la médecine faisait bien plus souffrir que jouir. »
Grandeurs et misères de la folie La
folie et les malades mentaux semblent avoir particulièrement fasciné
Ferron. « Il n’a pas réussi, l’avouant d’ailleurs lui-même, à négocier
des rapports convenables avec son propre noyau psychotique, explique le
Dr Migneault. Il avait choisi la médecine entre autres comme garde-fou,
pour garder contact avec la réalité. » La folie imbibe de nombreux
contes, on la retrouve dans plusieurs récits, elle traîne en filigrane
dans divers romans. « Prépondérante, omniprésente sous ses formes les
plus variées, la folie n’est surtout pas chez Ferron limitée à la
maladie mentale, mais ouvre sur l’excentricité lumineuse, colorée du
zoo humain, au Québec et ailleurs », précise le psychiatre.
En
tant que médecin, le Dr Ferron a fait des incursions dans l’univers
psychiatrique. Des expériences déterminantes. En 1966, il entre au
Mont-Providence, maintenant l’Hôpital Rivière-des-Prairies, où pendant
un an, il prend soin des petits patients. Puis, en 1970, il commence à
travailler à l’Hospice Saint-Jean-de-Dieu, aujourd’hui l’Hôpital
Louis-H. Lafontaine, où il sera responsable pendant 16 mois des unités
de femmes. Ferron voit à Saint-Jean-de-Dieu, des patientes
lobotomisées, hystérectomisées, soumises à des électrochocs, abruties
de neuroleptiques. Il en est profondément choqué. Le récit dur, acéré,
douloureux qu’il en fait dans Le pas de Gamelin s’enfonce dans la chair
comme une série de lames. « Il ne prenait pas de distance. C’est comme
si c’était à lui, fou en dedans, qu’on faisait subir ces traitements »,
dit le Dr Pierre Migneault. Plusieurs des patientes de Jacques Ferron
sont de véritables personnages. Elles peupleront d’ailleurs certains de
ses récits. Il y a ainsi Louise, qui se prend non pas pour Dieu, mais
pour Dieu-plus-que-Dieu, et qui se rit de sa cravate couleur caca
d’oie. « Elle était à sa manière une artiste et ne délirait bellement
qu’avec un bon public. Encore le laissait-elle en appétit, ne daignant
jamais répéter ses trouvailles. Ce qui était dit, était dit ; elle n’y
revenait pas », mentionne-t-il dans Le pas de Gamelin. Après son départ
de l’institut psychiatrique, il la reverra, édentée. On lui avait
extrait les incisives pour qu’elle cesse de mordre.
Le
généraliste a également connu Céline qui, à 15 ans, avait prévenu
qu’elle cesserait de parler si on la renvoyait à l’institut
psychiatrique. Elle s’était ensuite tue pendant 28 ans, jusqu’à ce que
deux médecins débarqués de France, pleins de bonnes intentions, la
persuadent de parler à force d’attentions et de tendresse, raconte
Ferron dans un de ses récits. Quand ils s’en retournèrent, elle
s’aperçut qu’on avait pris ce qu’elle avait de plus précieux : son
silence. « Ce genre de folie-là, il faut la respecter, parce qu’on n’a
rien à offrir de mieux. Chacun a son coin de folie. Si certains
personnages s’y adonnent et y persévèrent à tel point que ça devient
leur personnalité d’être fou, qu’il y ait perte pour eux à redevenir
bêtement normaux », commentera plus tard l’auteur dans une interview.
La souffrance intérieure Empathique,
humain, doté d’une sensibilité à fleur de peau, Jacques Ferron dénonce
la prise en charge des malades mentaux. «Une des manières pour le
médecin de ne pas dialoguer avec le patient, c’est de lui coller un
diagnostic et de le classer maniaco-dépressif ou schizoïde,
schizophrène. De cette façon, tu ne le traites pas pour ce qu’il est,
mais en fonction de la maladie mentale qu’il est supposé avoir. » Le Dr
Ferron a mieux à proposer : «Repasser avec le patient, quand il veut
collaborer, toute son histoire et montrer qu’on la connaît. C’est déjà
quelque chose de très important qu’il sache qu’on peut en parler, qu’on
ne s’intéresse qu’à lui. C’est déjà un traitement. Parce que si tu ne
parles que de lui, il y a une part de toi-même qui peut le réconforter.
»
Avec les psychiatres, par contre, Ferron est impitoyable :
«Les psychiatres sont en général des couillons qui réduisent au sexe
tout ce qu’une société a d’aliénant », écrit-il dans un de ses textes,
Les psychiatres crieront au secours. Ferron lui-même souffrait. Il
gardait au fond de lui un désarroi qui transperce ses écrits. De
grandes douleurs l’avaient marqué. Sa mère morte de tuberculose alors
qu’il était enfant. Son père, ruiné, qui s’est suicidé 16 ans plus
tard. Mais peut-être était-il aussi affecté par des ambitions secrètes
déçues ou par les paradis artificiels que lui procuraient les
neuroleptiques. Plusieurs dépressions ont miné sa vie.
L’exécution de Maski Du
début des années 60 au commencement des années 70, Jacques Ferron écrit
beaucoup. Les titres se succèdent. La nuit, Papa Boss, Le ciel de
Québec, L’amélanchier, Les roses sauvages, Le Saint-Élias, etc. Il
pratique le jour, rédige surtout la nuit, ne dort presque plus. Il
s’épuise. Puis, au milieu des années 70, il bute contre un mur: le
livre sur la folie qu’il écrit n’arrive pas à prendre forme. « Ça
n’avait plus ni queue ni tête. Les lieux de la folie sont des endroits
dangereux. On ne s’en approche qu’avec des vertus particulières que je
n’avais pas », reconnaîtra Ferron. Il avait voulu parler de la fonction
de la folie, de sa nécessité et de sa beauté, mais sans y parvenir.
«Dans les écrits de la fin, il y a un sentiment de l’échec. On n’y
retrouve plus la verve, l’énergie, l’écriture robuste des premiers
textes. C’est un Ferron incertain, hésitant, inquiet qui prend le
dessus. Il a un sentiment d’échec à l’égard de son livre sur la folie,
mais aussi à l’égard de toute son oeuvre. Il était également découragé
par la situation politique. Toutes sortes d’échecs se conjuguaient »,
explique Mme Bednarski.
Puis, en 1981, arrive L’exécution de
Maski. Un récit profondément troublant où le narrateur décide
d’éliminer son double, Maski. Où l’écrivain tue le médecin. « Le
narrateur, qui est l’écrivain, a le sentiment que Maski, le médecin,
est toujours derrière lui à lui souffler toute l’histoire, explique Luc
Gauvreau. L’écrivain qui pensait faire une oeuvre souveraine s’aperçoit
qu’il doit tout à l’autre. Il se dit alors qu’il est temps de s’en
débarrasser. »
Le psychiatre qui suivait Ferron et l’avait
déjà hospitalisé espérait que le fait de poser symboliquement le geste
destructeur l’empêcherait de passer à l’acte. Ce ne fut pas le cas.
Fondateur du Parti Rhinocéros Ferron
a aussi marqué la scène politique. Il a été l’un des fondateurs du
burlesque Parti Rhinocéros, en 1963. Il s’est même présenté,
probablement sans grande illusion, comme candidat de son irrévérencieux
parti, mais aussi du Rassemblement pour l’indépendance nationale et du
Parti social démocrate, qui deviendra le NPD. « Jacques Ferron était un
homme de gauche, socialiste, communiste, explique Luc Gauvreau. Il a
été membre de petits partis, mais jamais très longtemps. Son engagement
politique pour la cause de la nation québécoise s’est fait
essentiellement en dehors des partis. » Nationaliste, il a par ailleurs
participé à la fondation de l’Action socialiste pour l’indépendance du
Québec. «Tant chez l’homme politique que chez l’écrivain, on retrouve
un comportement de médecin, note Betty Bednarski. Écrire était pour
lui, d’une certaine manière, soigner le pays, la collectivité. Ce qui
fait l’unité des engagements divers de ce médecin, écrivain et homme
politique, c’est l’énorme respect qu’il avait pour l’être humain et
pour sa dignité. »
Pour en savoir plus, voir le site « Jacques Ferron, écrivain » au www.ecrivain.net/ferron
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