Biographie
SOREL EN 1724, LE FORT, OU L'ON RETROUVE LES DESCENDANTS DES PREMIERS COLONS
Les
guerres iroquoises ayant cessé, les colons peuvent se livrer au
défrichement sur des terres nouvelles. Des recrues importantes viennent
renforcer le noyau des travailleurs du sol. Durant le premier quart du
dix-huitième siècle, Sorel entre dans la voie du progrès. L’aspect du
bourg s’est modifié. Le nouveau fort, bâti de pierre, présente des
proportions plus imposantes. Il se dresse fièrement sur la pointe
formée par la rivière Richelieu et le grand fleuve et semble défier
l’ennemi avec ses quatre bastions Une palissade en pieux de cèdre, de
dix à douze pieds de hauteur, serrés les uns contre les autres,
l’entoure et forme un quadrilatère bastionné aux angles, de sorte que
toutes ses parties peuvent être vues et facilement défendues. Dans
l’enceinte fortifiée se trouvent le vieux manoir, l’église de cinquante
pieds de longueur et de vingt de largeur, bâtie en bois de charpente,
le presbytère, de trente-cinq pieds par vingt-deux, un corps de garde
pour loger les soldats en service, une écurie, deux étables, une
bergerie, le moulin à vent, bâti de pierres des champs, et une maison
de vingt-cinq pieds par dix-huit qui sert de logis au meunier.
Les
défrichements ont aussi progressé. Sur le domaine du seigneur, il y a
cent arpents de terre labourable et vingt-cinq de prairies. Dans la
seigneurie proprement dite se trouvent cinquante-deux habitants,
trente-huit maisons, trente-huit granges, quarante étables, 596 arpents
de terre labourable et environ soixante de prairies. Quels sont les
noms des braves qui, à cette époque reculée de deux siècles, vivent sur
ce coin de terre? Quel est alors l’état de leur fortune? — Un document
des plus précieux, l’Aveu et Dénombrement de 1724, l’indique.
(Référence : Archives du Parlement de Québec.) Si nous suivons la route
qui commence aux limites de la seigneurie d’Yamaska en remontant le
fleuve jusqu’au fort, nous rencontrons les habitants dont les noms
suivent. Le premier,
- Jean
Chevalier, possède six arpents de terre de front sur trente de
profondeur. An seigneur, il paye annuellement une redevance de treize
livres de rente, six chapons, un sol de cens par chacun des dits
arpents. Il jouit d’un droit de commune. Il a une maison, une grange,
une étable, quinze arpents de terre labourable. Né à Montréal, du
mariage de Joseph Chevalier et de Marie Barton, il a épousé, à la
Pointe-aux:Trembles, de Montréal, Catherine Lavallée, le 28 novembre
1701. Il eut dix enfants. Il meurt à Sorel le 28 novembre 1752; il y
compte encore des descendants.
- Jean
Bibault, son voisin, a trois arpents sur trente, chargés de trois
chapons de rente, un sol de cens, une maison, une grange, une étable,
quinze arpents de terre labourable. Il est le fils de François Bibault,
qui s’établit à Sorel vers 1680, et de Louise Esnard. Pierre Salvaye de
Tremont, au sud, a une terre de deux arpents de front sur trente. Il
paye une rente de quatre livres, dix sols, un sol de cens. Il a une
maison, une grange, une étable, sept arpents de terre labourable. Le
1er juin 1714, il épousa, à Sorel, Geneviève Hus, fille du sieur Paul
Hus. A cette époque, il a déjà une famille nombreuse. Il est inhumé à
Sorel le 14 juillet 1741.
- Louis Paul Hué (Note : Ou Paul Hus)
a une terre de neuf arpents, chargée de trente sols de rente, un sol de
cens, une maison, une grange, une étable, quinze arpents de terre en
valeur. Il est le fils du patriarche de ce nom que nous retrouvons plus
loin.
- Pierre
Hus Cournoyer a deux arpents sur quarante, une maison, une grange, une
étable, quinze arpents de terre labourable, quatre de prairies.
- Michel
Lamy a deux arpents sur quarante, une maison, une grange, une étable,
quinze arpents de terre labourable, quatre de prairies. Il est né du
mariage de Isaac Lamy et de Marie-Madeleine de Cheurainville, qui
figure au recensement de 1681. Il a.épousé, le 9 février 1723, sur
l’île Dupas, Marie-Madeleine Desrosiers-Dutremble.
- Charles
Vanct-Le Parisien a deux arpents sur quarante, une maison, une grange,
une étable, quinze arpents labou-rables, quatre de prairies. C’est un
ancien soldat du régiment de Carignan. Il fut inhumé à Sorel, le 22
avril 1723.
- Paul
Hus, père, a quatre arpents sur quarante, une maison, une grange, une
étable, vingt arpents de terre labourable, quatre de prairies. On le
rencontre à Sorel en 1681. De son mariage avec Jeanne Baillargeon, (Note
: D’après M. B. Suite, à son contrat de mariage, rédigé par lenotaire
Jean Cusson, au Cap-dë-la-Madeleine, le 16 juin 1669, il estdit
habitant de Québec et natif de Montigny, près de Rouen, fils deLéonard
Hus et de Marguerite Lanfant. Jeanne Baillargeon est fillede Mathurin
Baillargeon et de Marie Métayer, du Cap-de-la-Madeleine).il eut
quatorze enfants, neuf garçons et cinq filles. Il a fondé une véritable
dynastie de Paul, qui sont devenus les Paul Hus, les Hus Millet, les
Hus Cournoyer, les Hus Latraverse, les Hus Paulet, les Hus Capistran,
les Hus Lemoyne, les Hus Beauchemin. Le 2 octobre 1727, il divise ses
terres entre ses enfants et quelques-uns de ses petits-enfants. Toutes
sont situées dans l’île du chenal de Moine et autour de la baie de la
Vallière. A son fils Louis-Paul Hus, il donne onze arpents; à Pierre
Hus Cournoyer (Note : Il a épousé Marie-Angélique Niquet. Il est inhumé à Sorel, le 3 avrilk 1733.),
trois arpents et demi; à Etienne Loyseau, son gendre, l’île au Fantôme
; à ses petits-fils : Paul Hus, quatre arpents de terre de front sur
toute la profondeur jusqu’à la baie, un arpent en superficie dans l’île
aux Barques; à Pierre Hus Cournoyer trois arpents ; à Jean Lavallée,
son gendre, quatre arpents; à Jean Lavallée, son petit-fils, deux
arpents, ainsi qu’à Etienne Hus ; quatre arpents à Blanc Millet, son
fils, et à Blanc Despins; tous obtiennent alors un arpent dans l’île du
chenal du Moine et les droits de commune.
(Note : Plus tard, les droits de chacun s’embrouillèrent , écrit M.
Sulte, à la suite des ventes et des transactions, si bien que, en 1865,
l’honorable J.-B. Guévremont fit passer une loi érigeant les
propriétaires en corps constitué sous le nom : Le président des Îles du
Moine.)
- Michel
Pelletier, père, a dix arpents sur trente; il est issu d’une des plus
anciennes familles de Sorel. Il a une maison, une grange, une étable,
vingt-cinq arpents de terre labourable et cinq de prairies. Il porta le
nom de Pelletier dit Antaya. De son épouse, Françoise Meneux, il eut
onze enfants.
- Veuve
Pierre Letendre, née Catherine Lamy, que nous avons rencontrée au
recensement de 1681, a élevé une nombreuse famille sur sa terre de huit
arpents. Elle a une maison, une grange, une étable et vingt-cinq
arpents de terre labourable. Son mari fut inhumé le 14 avril 1714, à
Sorel; elle-même le suivit dans la tombe le 21 janvier 1750.
- Joseph Pelletier, fils, a quatre arpents sur trente, dix arpents de terre labourable.
- François Pelletier a quatre arpents sur quarante et quatre de terre labourable.
- Pierre Pelletier a une égale étendue de terre en superficie et en valeur.
- Germain
Le Roy a aussi quatre arpents sur quarante, en plus, une maison, une
grange, une étable et quinze arpents de terre labourable.
- Veuve
Julien Laforest a une terre de quatre arpents sur quarante, une maison,
une grange, une étable, vingt-cinq arpents de terre labourable.
Au-dessus
de cette terre est un domaine de dix arpents qui appartient au
seigneur, sur lequel sont le fort de Sorel et tous les édifices
mentionnés plus haut : le manoir, le moulin banal.
Sur la rive sud du Richelieu sont les habitants qui suivent :
- Louis Paul Hus, fils, a une terre de trois arpents sur quarante; il a une maison, une grange, cinq arpents de terre labourable.
- François
Plante est établi sur une terre de trois arpents sur quarante ; il a
une maison, une grange, une étable, quatre arpents de terre labourable.
- Joseph Chevalier, fils, a une terre de trois arpents mais point de bâtiments.
- Félix
Péloquin a une terre de quatre arpents sur quarante, une maison, une
grange, une étable, quinze arpents de terre labourable. Il est né du
mariage de François Péloquin dit Crédit, soldat, et de Marie Niquet. (Référence : Histoire de la famille et de la seigneurie de Saint-Ours, I, p. 218.)
Il a épousé Marie Pelletier dont il eut dix-sept enfants, qui
s’allièrent aux Lavallée, Mandeville, Hus, Salvaye, Letendre. La
descendance de ce patriarche est encore très nombreuse dans Sorel et
les paroisses avoisinantes.
- Le
sieur Etienne de Miray de l’Argenterie, qui a épousé le 22 décembre
1695, à Sorel, Délie Louise-Charlotte, fille de Pierre de Salvaye, et
de Dame Catherine Le Roy, possède quatre arpents de terre de front sur
quarante de profondeur. Il a vingt arpents de terre labourable.
- Jean
Mandeville a deux arpents de terre de front sur quarante, une maison,
une grange, une étable, dix arpents de terre labourable.
- Guillaume Arnaud dit Clermont a quatre arpents sur quarante, dix arpents de terre labourable, pas de bâtiments.
- Pierre
Péloquin a quatre arpents sur quarante, une maison, une grange, une
étable, huit arpents de terre labourable, quatre de prairies.
- Jean Le Merle a la même superficie, une maison, une grange, une étable.
- Jacques Hély a trois arpents sur quarante, maison, grange, étable, huit arpents de terre labourable, huit de prairies.
- Pierre
Lemire est établi sur une terre de trois arpents sur quarante, il a une
maison, une grange, une étable, dix arpents de terre labourable et
trois de prairies.
- Claude Jodoin a une égale superficie de terre et huit arpents de terre labourable.
Nicolas Sans pitié a huit arpents de terre labourable.
Du côté nord de la rivière Richelieu, à son entrée, et joignant le domaine du seigneur, sont les habitants qui suivent :
- Jean
Mandeville a trois arpents sur quarante, une maison, une grange, une
étable, vingt arpents de terre labourable, huit de prairies.
- Delle
de l’Argenterie a cinq arpents sur quarante, une maison, une grange,
une étable, vingt arpents de terre labourable et dix de prairies.
- Mathurin
Blette dit Gazaille a deux arpents et demi de terre de front sur
quarante, une maison, une grange, une étable, quinze arpents de terre
labourable et deux de prairies. Il est né à Sorel vers 1678, du mariage
de Jean Blette dit Gazaille et de Jeanne Bouveau.
(Note et référence : Le contrat de mariage fut rédigé le 16 avril 1671,
à Saint-Ours. Il était originaire de Sarrazat, diocèse de Périgueux.
Voir : Histoire de la famille et de la seigneurie de St-Ours, I, p.
326.). Il épousa à Sorel, le 5 février 1719, Geneviève Bégnier, qui lui donna plusieurs enfants.
- Jean
Niquet a quatre arpents sur quarante, une maison, une grange, une
étable, dix arpents de terre labourable. Il est né vers 1668, du
mariage de Pierre-René Niquet et de Françoise Lemoine. Une des sœurs de
Jean Niquet se maria à César Marin de la Malgue. Cette famille s’allia
aux Hus, Miville, Cartier.
Mathurin Blette a quatre arpents sur quarante, une maison, une grange, une étable, quinze arpents de terre labourable.
- Pierre
Blette dit Gazaille a quatre arpents sur quarante, une maison, une
grange, une étable, quinze arpents de terre labourable. Il est le frère
de Mathurin Blette Gazaille. 11 a épousé Angélique Niquet, fille de
Pierre-René, le 3 février 1726. Il mourut à Sorel et y fut inhumé le 25
janvier 1728.
- Jean Beignet a deux arpents sur quarante, dont dix de terre labourable; il n’a pas de bâtiments.
Charles Vanet dit Le Parisien possède dix arpents de terre labourable, quatre de prairies. Mme de Saurel a deux arpents sur quarante sans bâtiments, quinze arpents de terre labourable, quatre de prairies.
- La
veuve Charles Beignet a trois arpents sur quarante, une maison, une
grange, une étable, dix arpents de terre labourable, quatre de
prairies.
- Pierre
Hus-Millet a quatre arpents sur quarante, une maison, une grange, une
étable, quinze arpents de terre labourable, quatre de prairies.
- La
veuve Jean De Lisle a une égale étendue de terre dont dix arpents
labourable, quatre de prairies, une maison, une grange, une étable.
- Richard Hossang a six arpents par quarante, six de terre labourable, une maison, une grange, une étable.
- Jean Lagache a trois arpents par quarante, deux de terre labourable, maison, grange, étable.
- Nicaisse Lafeuillade a quatre arpents sur quarante, quatre de terre labourable, maison, grange, étable.
- Gilles Bourgault a trois arpents sur trente, quatre de terre labourable, maison, grange, étable.
- Philippe Guertin possède quatre arpents labourables, maison, grange, étable.
- Joseph Dcplaine a une même superficie : quatre arpents labourables, maison, grange, étable.
- Etienne De plaine : comme le précédent.
- Louis Lacroix a trois arpents sur trente, quatre de terre labourable, maison, grange, étable.
- François La Croix : comme le précédent, cinq arpents de terre labourable.
- Guillaume De plaine a cinq arpents de terre labourable.
- Antoine Courrier a trois arpents sur trente, une maison, une grange, une étable, cinq arpents de terre labourable.
- Etienne La Rue a trois arpents sur trente, quatre de terre labourable, une maison, une grange, une étable.
- Paul Guertin a trois arpents de terre labourable, une maison, une grange, une étable.
Dans
les îles, la colonisation a aussi progressé. L’île Ronde, en 1724,
appartient à M. Arnaud, curé de l’île Dupas. Il s’y trouve une maison,
une grange, quarante arpents de terre labourable et quarante de
prairies.
M. Michel Dagneau, écuyer, sieur de Douville (Note
et référence : Le 8 octobre 1736, M. Douville se fait concéder deux
lieues de terre de front par trois lieues de profondeur sur le lac
Champlain. Archives du Palais de Justice, Montréal : Greffe de Mézière.),
fut le premier concessionnaire. Par contrat en date du 19 novembre
1695, Mme de Saurel lui a cédé ses droits, moyennant une rente annuelle
de quatre livres, deux chapons vifs et six deniers de cens. M. Dagneau
vendit cette île pour la somme de 1,200 livres à un marchand qui a
laissé un nom célèbre dans nos annales : Etienne Volant Radisson, fils
de Claude Volant de St-Claude et de Françoise Radisson. (Note
: Etienne Volant est né le 29 octobre 1664. Il épouse à Sorel, le 9
décembre 1693, Délie Geneviève Le Tendre, veuve de François Pelletier.
Le contrat de mariage est fait sous seing privé en présence de Messire
de St-Claude, prêtre, de Jean-François et de Charles Volant de
St-Claude, ses frères, Pierre Le Tendre, frère de l’épouse, et du Frère
Laurent, curé de Sorel.). Il y avait alors sur l’île une maison
entourée de pieux de cèdres, une étable, un hangar, tous couverts en
paille, et vingt arpents de terre labourable.
Le
19 novembre 1694, le sieur de Radisson obtient du gouverneur de
Frontenac le fief Radisson comprenant les îles, îlets et battures « qui
se trouvent dans le lac Saint-Pierre, au-dessous des îles concédées à
M. de Saurel, depuis le bord du chenal du nord jusqu’au grand chenal de
l’île Plate, sur une distance de trois quarts de lieue de longueur et
autant de largeur. »
Le
14 janvier 1722, en présence de Charles Benoist et de Joseph
Philippeaux, à Ville-Maria, Radisson et son épouse Geneviève Le Tendre
vendent leurs droits « dans les îles et îlets de la Batture aux Carpes,
aux sieurs Pierre La-my père, Louis Lamy fils, et à Pierre Le Tendre, à
la charge de payer 500 livres de France, à raison d’une rente annuelle
de vingt-cinq livres, et de cinq sols de redevance envers les vendeurs,
à chaque mutation de propriétaire. » Ces îles joignent d’un côté
l’île-aux-Ours et de l’autre l’île-à-la-Cavalle. (Note
: Le 23 août 1754, Pierre Lamy vend à Dame Thérèse Duchouquet, veuve du
sieur de la Découverte, un tiers de ces îles. Montmarqué. La rente de
vingt-cinq livres est transportée par M. Duplessis-Faber, le 4 février
1754, au sieur de La Corne St-Luc, (Adhêmar) qui, le 15 octobre 1766,
la cède à Mme de la Découverte. Le 17 mai 1790, M. Pierre Martel,
exécuteur testamentaire de cette dame, vend le tout au sieur Edouard
Jessup, Juge de la Cour des Plaidoyers communs et Major des Milices.)
Vers le même temps, Radisson vend une autre partie de son fief au sieur
Duplessis-Faber. Il meurt à Montréal et est inhumé le 15 juin 1735.
En 1724, l’île-au-Ours (Note : Le Pailleur. M. de Ramezay accorde cette île le 17 janvier 1717.)
appartient au sieur de Richard-ville, gentilhomme canadien, fils de
Claude Drouet, écuyer, sieur de Richardville, officier dans les
troupes, et de Dame Marie-Françoise Desrosiers-Dutremble, dont le
mariage a été célébré à Champlain, le 18 mars 1687. On connaît six
enfants issus de cette alliance : Marie-Josephte, née le 23 janvier
1691 ; elle épousa, à Sorel, Louis Dandonneau, sieur du Sablé; Armand,
baptisé le 25 mars 1695; il épousa Délie Catherine Lamy. Il obtient
dans cette île une terre de cent arpents. Michel-Ignace, né le 14
octobre 1696. Antoine, baptisé le 6 avril 1699; il épousa Marie Lamy,
et en secondes noces Françoise Houtlas. Etienne, baptisé le 21 avril
1705; Claude, né en 1718, qui épousa, le 8 mai 1747, Marguerite de
Covtagne.
Le
14 janvier 1719, Claude Drouet accorde à ses fils, Armand, sieur de
Richardville, et à Antoine, sieur de la Colonnerie, une « îlette,
située entre l’île-aux-Ours et l’île-à-L’Orne. » (Note : Le document porte « Une y laitte autre lisle aux ours et lisle à Lornes, »)
Telle
est la belle famille que Claude Drouet a élevée sur son île. Plusieurs
de ses enfants ont servi dans l’armée et ses descendants se sont
perpétués durant plusieurs générations. En 1724, sur l’île-aux-Ours, se
trouvent cinquante arpents de terre labourable, trente de prairies, une
maison, une grange, une étable. Au sud-ouest de l’île, il y a un
domaine de quatre-vingts arpents en superficie appartenant au sieur
Sanschagrin, une maison, une grange, une étable, vingt-six arpents de
terre labourable et six de prairies.
L’île
Madame, concédée par Mme de Saurel, le 24 juillet 1724, aux frères
Laniy: Pierre, Claude et Noël, devient la propriété de Pierre qui, en
premières noces, épouse Catherine Badaillac-Laplante et, plus tard,
Délie Catherine Salvaye. Deux de ses filles entrent dans la famille
Drouet : Catherine, qui épouse Armand Drouet, sieur de Richardville, et
Marie, qui s’allie à Antoine Drouet, sieur de la Gravière. Quant à son
fils, Jean-Baptiste Lamy, il épouse Mme Thérèse Lefebvre-Duchouquct et
lui abandonne ses terres.
En
1724, Pierre Lamy, sieur Desfonds, possède une maison, deux granges,
deux étables, quatre arpents de terre labourable et vingt de prairies.
Depuis deux ans, il est !e propriétaire de la plus grande partie des
îles de la batture aux Carpes.
Sur l’île St-Ignace
se trouvent un domaine de vingt arpents de longueur, une maison, une
grange de soixante pieds par vingt-cinq, une étable, soixante arpents
de terre labourable et vingt de prairies. Du côté du nord-est, en
arrière de ce fief,
- Louis
Fafart a quatre-vingts arpents de terre en superficie, une maison, une
grange, une étable, quinze arpents de terre labourable, quatre de
prairies.
- Louis
Dutremble a trois arpents de terre sur trente-cinq, une maison, une
grange, une étable, douze, arpents de terre labourable, quatre de
prairies.
- Jean-Baptiste
Désorcy a trois arpents sur trente-cinq, une maison, une grange, une
étable, quinze arpents de terre labourable, quatre de prairies.
- La
veuve Michel Désorcy a trois arpents de terre sur trente-cinq, une
maison, une grange, une étable, quinze arpents de terre labourable,
quatre de prairies.
Gabriel Lespine possède une maison, une grange, une éta-ble, quinze arpents de terre labourable, quatre de prairies.
- Joseph-Marie
Denis possède trois arpents par trente-cinq, une maison, une grange,
une étable, dix arpents de terre labourable, trois de prairies.
- François
Lespine a trois arpents sur trente cinq, une maison, une grange, une
étable, dix arpents de terre labourable, trois de prairies.
- Joseph
Désorcy a une égale étendue de terre, une maison, une grange, une
étable, douze arpents de terre labourable, trois de prairies.
- Nicodème
Turcot a trois arpents de terre sur trente-cinq, une maison, une
grange, une étable, quinze arpents de terre labourable, quatre de
prairies.
- Gabriel
Désorcy a trois arpents sur trente-cinq, une maison, une grange, une
étable, douze arpents de terre labourable, trois de prairies.
- Jean
Champagne a trois arpents sur trente-cinq, une maison, une grange, une
étable, huit arpents de terre labourable, trois de prairies.
- Gabriel
Antaya-Pelletier a trois arpents sur quarante, une maison, une grange,
une étable, dix arpents labourables, trois de prairies.
- Jean
Plante a trois arpents sur quarante, une maison, une grange, une
étable, dix arpents de terre labourable, trois de prairies.
- Pierre
Fautenx a trois arpents sur quarante, une maison, une grange, une
étable, douze arpents de terre labourable, trois de prairies.
- Jean-Baptiste
de Sallières a trois arpents de terre sur quarante, une maison, une
grange, une étable, douze arpents de terre labourable, trois de
prairies.
- Jean
Plante a trois arpents sur quarante, une maison, une grange, une
étable, douze arpents de terre labourable, trois de prairies.
- François Plante a une égale superficie de terre défrichée et non défrichée, une maison, une grange, une étable.
Le
Sieur Douville, officier, a un arrière-fief, relevant du domaine, de
six arpents sur. trente, à la charge de Foy et Hommage, à chaque
mutation de propriétaire; il doit aussi porter à l’église de Sorel,
tous les ans, le jour de la St-Pierre, patron de la paroisse, un
bouquet de rieurs. Il a une maison, une grange, une étable, dix arpents
de terre labourable, quatre de prairies.
Sur
l’île, il a trois arpents de terre de front sur quarante, une maison,
une grange, une étable, quatre arpents de terre labourable.
- La
veuve Laroche a trois arpents sur trente, une maison, une grange, une
étable, douze arpents de terre labourable et quatre de prairies.
- André
Duclos a trois arpents sur trente, une maison, une grange, une étable,
quinze arpents de terre labourable, cinq de prairies.
- Léonard Dufaulx a cent arpents en superficie, une maison, une grange, une étable, quatre de désert.
- Nicolas
Lamy, du côté du sud-ouest de l’île, possède cent vingt-cinq arpents;
il a une maison, une grange, une étable, trente arpents de terre
labourable, dix de prairies.
La
seigneurie, on le voit, a fait beaucoup de progrès. Les descendants des
premiers colons y sont de plus en plus nombreux et tous s’attachent
fortement à la terre ancestrale.
Chapitre VIII
Durant
les premières années de la domination anglaise, la colonie a fait peu
de progrès. Les Canadiens appauvris n’ont pu encore réparer les pertes
que leur ont causées les dernières guerres. L’état d’incertitude dans
lequel ils vivent et le changement survenu dans l’administration des
affaires, contribuent à accroître le malaise dans tout le pays. Pour
comble de malheur, les colonies américaines lèvent l’étendard de la
révolte contre leur mère-patrie. Nos populations sont alors plongées
dans l’anxiété. La nouvelle se répand bientôt que les rebelles ont pris
le fort St-Jean. Celui de Chambly a le même sort peu après. Ce que
voyant, Carleton, gouverneur du Canada, ordonne au colonel McLean de se
transporter à Sorel dont le fort, très important, garde l’entrée du
Richelieu. Conformément à ces ordres, le colonel, à la tête de 350
Canadiens et soldats du régiment Royal Emigrant, montagnards écossais
du sieur Fraser, se dirige vers cet endroit où le gouverneur doit le
rencontrer. En passant aux Trois-Rivières, 67 miliciens viennent
renforcer la petite armée.
A
Sorel, McLean attend vainement Carleton. Impatienté, il s’avance sur le
Richelieu jusqu’à la paroisse de St-Denis, où il apprend la chute du
fort de Chambly. La population des paroisses riveraines semble mal
disposée; les ponts sont rompus en maints endroits ; il prend alors le
parti de rebrousser chemin. Plusieurs des siens, gagnés à la cause
révolutionnaire, se joignent à l’armée américaine. Découragé, le
colonel s’embarque avec une centaine de soldats en destination de
Québec. En apprenant ces mauvaises nouvelles, Carleton cherche son
salut dans la fuite. Il s’embarque à Montréal avec le major Prescott et
120 soldats dans le but de se retrancher dans Québec en attendant des
secours de l’Angleterre. Son voyage précipité n’est pas heureux. Les
vents contraires le forcent à jeter l’ancre vis-à-vis la paroisse de
Lavaltrie, où il apprend que les rebelles ont pris le fort de Sorel et
se disposent à s’emparer de sa personne et de sa suite. Cette fausse
rumeur le plonge dans la consternation. Afin de conjurer le danger, le
gouverneur ordonne aux capitaines des navires de se rendre à bord du
vaisseau amiral et les conjure de prendre les moyens les plus sûrs pour
l’empêcher de tomber entre les mains des ennemis. Le capitaine François
Belette, (Référence : Mémoires de la Société Royale, 1908, 1ère Section, p. 71 : Jean-Baptiste Bouchette, par M. B. Sulte.)
marin de grand courage, déclare sur sa tête pouvoir le sauver ainsi que
toute sa flotte ; il s’engage à fournir tant d’occupations aux
chaloupes américaines, si toutefois il ne les coule pas toutes à fond,
que le gouverneur aura tout le temps nécessaire pour se rendre à
destination.
Cependant,
le capitaine Bouchette, surnommé La Tourtre, a l’honneur d’être choisi
pour accomplir cette mission périlleuse. Le 17 novembre, le gouverneur
débarque sain et sauf à Québec.
Les troupes anglaises et rebelles visitent Sorel
Nous
n’avons pas à nous attarder sur le siège de cette ville par les
Américains. On sait, par ailleurs, en quelles circonstances le général
Montgommery meurt en escaladant la citadelle. Dès que cette nouvelle
tragique est connue, le désarroi se met dans les troupes
révolutionaires. Carleton saisit avec empressement cette occasion si
favorable et cherche à gagner le peuple canadien à la cause royale. Les
débris de l’armée américaine se replient sur Sorel sous la conduite du
général Thomas que la maladie emporte dans la tombe. Le commandement
passe au général Sullivan. Il y établit un camp afin de surveiller les
mouvements de l’armée anglaise.
Défaite du général Bourgoyne
Le
8 juin, le général Bourgoyne disperse un corps de 1,800 rebelles près
des Trois-Rivières et s’avance jusqu’à Sorel. Déconcerté, le général
Sullivan quitte son campement en toute hâte et se dirige vers Chambly
qu’il brûle ainsi que le fort St-Jean. Le général Bourgoyne le poursuit
jusqu’à Saratoga, mais bientôt, cerné à son tour, il doit mettre bas
les armes dans la journée du 16 octobre 1777. Cette victoire remportée
par les rebelles met fin à la guerre. Un traité de paix est conclu et
les colonies américaines prennent, dès lors, leur rang parmi les
nations libres de l’Amérique et de l’Univers.
A
la conclusion de la paix beaucoup de familles et de soldats américains,
préférant vivre sous la tutelle de l’Angleterre, demandent à s’établir
au Canada. Le gouvernement anglais favorise cette immigration. Il
accorde à ces nouveaux venus, qu’on désignera dans l’histoire sous le
nom de Loyalistes, des concessions de terre dans les Cantons de l’Est,
dans la Province d’Ontario, alors appelée le Haut-Canada, et même clans
la presqu’île de Gaspé. C’est dans l’intention de venir en aide à ces
expatriés que le gouverneur Haldimand achète, au nom de son souverain,
de MM. Greenwood et Higginson, pour la somme de 3,000 louis, la
seigneurie de Sorel, par contrat en date du 13 novembre 1781.
Les loyalistes à Sorel
Les
villages d’Yamaska, d’Yamachiche, comme celui de Sorel, reçoivent un
contingent de loyalistes. Le 8 septembre 1778, Edouard Foy s’adresse
aux capitaines des paroisses avoisinant cette dernière place, pour les
engager à y bâtir les magasins, les casernes, un hôpital destinés à
recevoir les nouvelles recrues. La plupart répondent à cet appel, mais
on remarque que le capitaine Charbonnier St-Laurent, de St-Ours, refuse
d’obéir et on le met en demeure d’expliquer sa conduite.
Les
loyalistes arrivent nombreux d’Albany, de Susquehanna, de Charlotte, de
Gloucester. Le 1er juillet 1779, le capitaine Daniel McAlpin, du 60e
régiment, apprend au gouverneur qu’il se trouve au pays 853 loyalistes
et que 87 d’entre eux résident à Sorel. Quatre compagnies, formant un
corps de troupes de 300 hommes, sont au fort avec leurs officiers sous
le commandement des capitaines Ebénézer Jessup, John Peter, Robert
Leeks, Samuel Adams. Il y a quelques enfants et une vingtaine de femmes
: Mmes Dalmage et son enfant, Foster, Parrot, Wilson. Celle-ci- a
quatre enfants. Mmes McKinnon, Mann, Hartman, Bus-tead, Maybee, Jones,
Rogers, Borden, Stephens, Mclntosh, MacDonnel, Hullibert, Harris;
la famille Cassel est représentée par « quatre enfants. Parmi les
hommes on remarque les sieurs S. Huntington, John Emberry, John Jones,
gardien des casernes, le capitaine Johnston, venu du fort Edouard, et
James Brackenridge, des environs de New-York. « Tous sont dans le
dénuement », ajoute McAlpin, et ont besoin d’un prompt secours ; il en
est ainsi de ceux qui ont été dirigés sur Yamachiche.
Le
2 juin 1783, les soldats du régiment de Brunswick sont à Sorel.
McAlpin, un mois plus tard, dit « qu’ils ont été si bien disciplinés
qu’ils pourraient entrer en campagne deux jours après en avoir reçu
l’ordre. »
Au
commencement de décembre, il y a à Sorel 132 loyalistes, et ce nombre
est porté à 653 en comptant ceux d’Yamaska. Le gouverneur est obligé de
pourvoir à leurs besoins. Il a fourni 306 verges de toile, 149 verges
de drap de laine, 73 draps, 110 paires de bas, 106 paires de chaussures
canadiennes.
Vers
cette époque, M. Martel, curé de Sorel, voit le cimetière profané par
les ordres du major Nairne, commandant au fort. Le colonel MacKenzie,
du 31e régiment étant décédé, le major demande la permission d’enterrer
sa dépouille dans le cimetière catholique. Le curé s’y refuse poliment
ajoutant « qu’il est mortifié de déplaire au major en ce point, que le
cimetière appartient aux catholiques et qu’il est de son devoir de ne
pas acquiescer à son désir, mais il ajoute qu’il est possible de
déposer le corps du colonel décemment, en dehors du cimetière, en
entourant sa tombe de pieux de cèdres et il s’engage à faire exécuter
ce travail par ses paroissiens s’il y a la moindre difficulté. » Le
major ne « s’est pas contenté de mes raisons, écrit le curé, dans une
lettre à son évêque, il a fait enfoncer la porte du cimetière et y a
enterré le colonel. Cette voie de faits m’a extraordinairement surpris…
».(Référence : Archives de l’Évêché de St-Hyacinthe.)
M.
de Montgolfier, alors Grand-Vicaire du diocèse, dans sa réponse
conseille au curé de bénir de nouveau ce champ des morts ainsi pollué.
Fondation de la ville
Un
ingénieur civil, probablement le major French, trace le plan de la
ville en forme de quadrilatère, avec des rues larges qui se coupent à
angles droits. Ces rues sont désignées sous les noms des principaux
personnages de la maison royale: Georges, King, Queen, Auguste, Sophie,
Prince, Phipps, Charlotte.... Au centre, on laisse une place publique
ou Place d’Armes ; c’est le Parc-Royal que le touriste admire de nos
jours. La ville est divisée en lots à bâtir. L’agent de la seigneurie,
Samuel Holland, les accorde sur billets dont on peut trouver encore des
spécimens. Chacun de ces lots est concédé en franc et commun socage,
sans aucune rente seigneuriale, tel que le veut la proclamation royale.
A la demande de Robert Jones, les autorités anglaises consentent à les
charger d’une rente, ce qui, plus tard, sera la cause d’un long débat
entre les citadins et le gouvernement.
Le
24 juillet 1787, l’agent de la seigneurie rapporte que 107 personnes
ont accepté des lots dans la ville. L’établissement des loyalistes,
dans la seigneurie, se fait aussi rapidement. En 1770, John Collins,
ingénieur civil, à la requête du sieur Edouard Harrison, agent de MM.
Grenwood et Higginson, de Londres, a tracé le plan de ce domaine.(Référence : Archives canadiennes, Ottawa. Catalogue de plans et cartes, p. 172, no. 1397.)
En 1795, M. S.-L. Watson a rempli la même fonction pour le gouverneur,
afin d’accorder aux loyaux sujets de Sa Majesté des concessions de
soixante acres en superficie. Comme les soldats ont droit à cent acres,
ils ont la faculté de prendre le surplus soit à Cataracoui, soit dans
d’autres endroits de la Province.
Le
gouvernement de la Métropole favorise le plan de Haldimand dont le but
est de fortifier l’élément anglais au Canada et d’arrêter l’expansion
de la race française. En établissant à Sorel, aux Trois-Rivières, à
Yamachiche, à Yamaska, dans les Cantons de l’Est et même à Gaspé, ces
essaims de loyalistes, il espère encercler les fils des pionniers du
pays et les noyer au milieu des nouveaux venus. Les desseins de la
Providence ne sont pas ceux des pauvres mortels : les loyalistes qui
devaient porter le coup de grâce à notre peuple, non seulement sont
disparus de Sorel et de ses environs mais, de nos jours, ils désertent
leur château-fort des Cantons de l’Est, où ils étaient les seuls
maîtres au commencement du siècle dernier. Nos compatriotes les
supplantent et y prennent de si profondes racines que jamais on ne
pourra les déloger. A Sorel, on ne rencontre plus qu’une poignée des
descendants des vrais loyalistes.
Son Altesse royale le prince William Henry
Au
mois de septembre 1787, le Canada reçoit la visite de Son Altesse
Royale, le Prince William Henry. Québec, Montréal, Chambly, lui font
des réceptions magnifiques. Sa visite à Sorel n’est pas banale. La
Gazette de Québec rapporte cet événement : « Hier après-midi, le 18
septembre, vers quatre heures, Son Altesse Royale, le Prince, en son
retour de Montréal et de Chambly, nous honora d’une visite.... Elle fut
saluée d’une décharge de l’artillerie de la garnison lorsqu’il mit pied
à terre à la maison seigneuriale, où l’honorable Samuel Holland,
écuyer, arpenteur-général de la province, lui ayant présenté un plan de
la ville, il plut à Son Altesse Royale de nous permettre l’honneur de
lui donner son nom: William-Henry. Après avoir dîné à la maison
seigneuriale, Son Altesse Royale fut conduite à la Place d’Armes où
elle fut saluée derechef par la garnison. Après quoi, ayant fait une
courte visite au magasin, elle traversa à Berthier, accompagnée du
colonel Dundas et du capitaine Smith, de l’Artillerie. Son Altesse
Royale fut saluée une troisième fois en entrant dans le bateau, par la
garnison et la milice canadienne.... Il est impossible de faire une
description des vives expressions de contentement et de satisfaction
qui se manifestaient sur le visage de tous ceux qui étaient présents en
cette auguste occasion. Nous nous flattons que tous les loyaux
habitants de William-Henry se ressouviendront longtemps de cet
événement avec une joie toujours nouvelle.... » De cette époque la
ville prend le nom de William-Henry qu’elle conserve durant
trois-quarts de siècle.
Les humbles commencements de cette ville
Dans
la ville proprement dite, il y a 75 maisons, bâties en bois, et 180
lots concédés. Robert Jones recommande au gouverneur de prélever une
rente annuelle sur chacun de ces lots et d’établir des chantiers pour
la construction des navires. Il réserve, dans ce but, trois lots de 250
pieds de front sur 600 de profondeur, situés sur le bord de la rivière
vis-à-vis la pointe de Saint-Joseph-de-Sorel. Dans sa lettre du 26 mars
1798, il conseille au gouverneur de faire labourer l’île Ronde, d’y
bâtir deux granges et de concéder les îles aux Corbeaux et au Cauchon.
Il recommande, en outre, de donner à louage la partie du domaine non
concédée et de prélever une rente annuelle sur tout ce terrain. Il
termine sa lettre en disant qu’il a réservé plusieurs lots pour y
asseoir une académie, une prison, un hôtel de ville et une maison du
gouvernement. Quant au moulin à scie, érigé dans le haut de la
seigneurie, il conseille de le louer à des particuliers moyennant une
rente annuelle. Il y a deux autres petits moulins qui, comme le
premier, doivent être réparés.
A
cette époque, Sorel renferme deux églises, l’une catholique, l’autre
protestante, les édifices du fort, les magasins, les casernes, un
hôpital, le château des gouverneurs dont le duc de Kent, père de la
Reine Victoria, devait faire un jour sa résidence, situé du côté
sud-est de la rivière Richelieu, au milieu d’un beau jardin. (Note
: Edouard-Auguste, duc de Kent, passa dans cette résidence la saison
d’été, de 1791 à 1794. Il était accompagné de Mme la comtesse
St-Laurent. En 1818, il épousa, en Allemagne, la veuve Leiningen; de ce
mariage est née la Reine Victoria, le 24 mai 1819. Il mourut le 20
janvier 1820. Le duc protégea les familles de St-Ours, de Salaberry,
Hatt, avec lesquelles il eut des relations fréquentes. Mme de Riedesel
a laissé des mémoires sur cette maison qui subsiste encore.) Sur
le coteau qui, de là, s’étend dans la direction du nord, les
commandants font ériger des ouvrages en terre afin de mettre la ville à
l’abri d’un coup de main. Le collège des Frères de la Charité est
précisément assis sur une partie de cette élévation de terrain d’où le
nom de Mont-Saint-Bernard.
Quel
est l’aspect de la ville naissante? Dans le fort proprement dit, se
trouvent le manoir seigneurial, le moulin banal, qui sera bientôt
transformé en magasin à poudre, les hangars et une maison pour le
meunier. Autour du fort se dresse toujours une palissade qui tombe en
ruines; il y a deux lots vacants dont l’un appartenant au sieur Jean Le
Roux-Provençal et l’autre, au sieur Desnoyers. Quelques pas plus loin
se rencontrent la maison de la Poste, celle de l’Ingénieur, les
hangars, les boulangeries, les brasseries et les forges. La plupart des
bâtiments sont en bois.
En
descendant du fort on trouve la maison du Commissaire Général, celle du
sieur Guilbault, de M. Farquharson, un emplacement bâti voisin de M. de
Couagne. Sur ce lot sont trois maisons sises sur le chemin qui conduit
à la rivière. Viennent ensuite la demeure de Aime de La Découverte, le
marché, le jardin du curé, l’église, les hangars, dont le terrain
touche à celui des casernes. En remontant la rivière, à gauche du
marché, on rencontre la maison du sieur Riverin, celle de Mme de La
Découverte et des sieurs Le Grand, Paterson, Mathis, Macferson.
Quelques pas plus loin, on voit les casernes, en face, la Place d’Armes
et les maisons de M. Barnes, de M. John Jones, gardien des casernes, du
capitaine Corbin, et les terres de Samuel Jacobs, de l’Espérance. Du
côté nord de la Place d’Armes sont les emplacements du sieur Macaulay,
de Mme de La Découverte, de la veuve Rageot et de Guillaume Farneif, la
nouvelle église anglicane, la maison presbytérale, les bâtiments.
En
1795, Isaac Weld, dans une de ses randonnées à travers l’Amérique,
ayant visité cette ville, l’a décrit en ces termes : « Sorelle est
située à l’embouchure d’une rivière du même nom qui tire ses eaux du
lac Champlain, et les décharge dans le fleuve St-Laurent. Sa fondation
ne date que de 1787. Le plan sur lequel elle a été tracée est vaste et
régulier avec des rues larges et une superbe place au milieu. Mais on
ne compte jusqu’à présent qu’une centaine de maisons, toutes
construites avec peu de goût et à une grande distance les unes des
autres. C’est la seule ville entre Montréal et Québec où la langue
anglaise soit la langue dominante. Les habitants sont en grande partie
des loyalistes des Etats-Unis qui se sont réfugiés au Canada. Leur plus
grand commerce est la construction des bateaux... (Référence : Isaac Weld Jr. Travels through the States of North America, pp. 333 et 334.)
Cette
citation du célèbre voyageur confirme le rapport de John Jones. Les
noms des loyalistes concessionnaires tant de la seigneurie que de la
ville nous ont été conservés. Ce
sont : le capitaine Joseph Jessup, Graham French, Samuel Rosé, John
Wilson, John Wilson junior, Silas Ham-den, Isaac Iriot, Reuben Hemley,
Jeremiah Heleaker, Abraham Heleaker, James Sea, Herman Sea, John Sea,
Alexander McNeil, John Gillis, Elike Northrup, Azor Northrup, John
Philipps, I. Rogers, William Rogers, Jesse Brown, Dan. Scott, William
Upton, Joseph Sutherland, Richard Harris, George
Campbell, Peter Plass, le major Jessup et sa famille, Grant Miller
(Note : Il obtient le lot no 105, sis du côté sud-est de la rue Prince,
et le 13 octobre 1794, il l’abandonne à Weilliam Nelson.), Aaron Bull,
David Castle, Simpson Jenny, David Beatty, Thomas Freeman, Jean Hogle,
James Walker, médecin, Joseph Guers, John Poovis, J. Kenny, James
Sutherland, John Bryan, Amasiah Howe, Michel Bilby, Patrick Nugent,
John Scully, John Gray, John Hall, Phillip Cook, le Révérend John Doty,
Dorgal Cameron, John Jones, gardien des casernes (Note : Du régiment des Dragons de Riedesel : il obtient le lot no 28.),
Daniel Dorge, Mathieu Buckley, Alex White, Patrick Smith, Jacob Dies,
Fred Williams, Félix Myers, Henry Dellenback, Samuel Buck, Daniel Buck,
George Rowe, Daniel Stuart, Peter Cramer, John Dawson, Stafford
Vassell, George Hare, Julius Ruth, Godfrey Sibert, Benjamin Gilloway,
Anth. Wilment, John Driver, Eskel Orterhart, Michel Dobbé, Jesse
Armstrong, John Robinson, George Foedle, Joseph Elworth, John Kluck,
Arch. Forester, Alexander McKenzie, Charles Fielding, Henry Hogland,
John Cole, John Thorne, Elias Holmes, les femmes Brown, Brooks, Rogers,
Gloser, McPherson, David Rogers, Nicolas Claus, Cato Teine, John Claus.
En
comptant les femmes et les enfants, il y a 316 personnes établies dans
la ville et la seigneurie. Plusieurs reçoivent des secours à l’hôpital
en qualité d’anciens miliciens ou loyalistes. Cet asile donne
l’hospitalité aux hommes invalides, aux femmes et aux enfants, jusque
vers 1830. En 1825, on y compte 34 hommes, 29 femmes et 5 enfants; en
1830, 34 hommes, 29 femmes et 5 enfants.
Par
décision du Conseil, en date du 26 décembre 1787, huit lots de ville
sont tirés au sort. Les heureux concessionnaires sont : Robert Monagh,
Robert Woolsey, John Askquith, Joseph Frobisher, Robert Lester, John
Gray, James McGill, John Antrobus. John Molson obtient le lot 199, de
188 pieds de front sur la rue Queen, et de 140 en profondeur sur la
rivière Richelieu.
Plusieurs descendants des premiers colons de la seigneurie y vivent à cette époque ; de la ligne seigneuriale d’Yamaska en remontant au fort,
sont : Pierre Bibeau, Charles Bibeau, Augustin Forcier, Jean-Baptiste
Chevalier, Jean-Baptiste Antaya, Pierre Antaya, Pierre Paul Hué, Pierre
La Traverse, Jean-Baptiste Paul, Menon Cournoyer, Louis Cournoyer,
Antoine Le Tendre, Joseph-Jean-Baptiste Paul, Pierre Pelletier, Antoine
La Traverse, Louis-Étienne Paul, Jean-Baptiste Salvaye, Ignace Aussan, Pierre Bergeron, Jean-Baptiste Lavallée, Louis-Michel Lavallée, Théberge, Young, Antoine-Paul Cournoyer, dont la terre borne l’emplacement du fort qui prend à l’embouchure du Richelieu en allant vers la ligne de St-Ours.
En remontant le Richelieu : Emmanuel Félix Péloquin, Pierre Péloquin, Jean-Baptiste Mandeville, Menon Paul, Joseph Graveline, Joseph Aussant.
Un terrain non concédé, la Veuve Joseph Cartier, Jean-Baptiste Félix,
Michel Lavallée, Antoine Cartier, Antoine Bérard, Catherine Mandeville,
Simon Roy, Louis Dumas, Joseph-Nicolas Bibault, Bernard Verdier,
Dauphiné, François A^an-dec, père, Julien, Joseph Bibault, Antoine
Menon Lavallée, Paul Babin, Jean-Baptiste Auger, Ignace Gosselin.
Au nord de la rivière Richelieu
il y a un domaine et les habitants qui suivent : Joseph Tessier,
François-Joseph Saint-Martin, Ignace Cournoyer, Pierre Cournoyer,
Pierre Beauchemin, Joseph Paul, Charles Mandeville, Charles Millet,
Antoine Saint-Martin, Joseph Gouin, Alexis Mandeville, Claude Fortier,
Michel Delisle, Alexis Mandeville, Charles Millette, Black, François
Péloquin, la veuve Châteauneuf, Antoine Vandal, Claude Millet, Menon
Lavallée, les mineurs Félix (Péloquin), la veuve Batoche Saint-Martin,
Jean-Baptiste Leclerc, Jean Tessier, Antoine Bibault, Cardinal et
Tessier.
A la côte de la Misère ou la pointe de Saint-Joseph de Sorel
se trouvent un domaine, deux moulins à vent, les hôpitaux militaires.
Là ont été érigées une maison pour le médecin et des bâtisses qui
servent à l’usage des officiers du gouvernement; il s’y rencontre un
vaste jardin. Le Dr James Walker, en 1787, a loué ce domaine pour la
somme de 200 louis. Il a réparé à ses frais tous les bâtiments, afin de
les mettre en bon état. En 1810, Joseph Jollief, par contrat en date du
26 octobre, obtient tout le terrain de 304 arpents ainsi que les 140
arpents du Dr Walker. Le locataire paiera 150 louis et devra indemniser
M. Walker.
Dans
son rapport à Finlay, M. le curé Martel déclare que dans la seigneurie
il y a 212 francs-tenanciers: 23 sur le fleuve, 30 an sud du Richelieu,
31 au nord, 30 sur l’île Saint-Ignace, 16 à la Misère, 10 au ruisseau
Raimbault, 33 au sud du Pot-au-Beurre, 12 au nord, 2 à la seconde
rivière du Pot-au-Beurre, 8 sur des emplacements en ville, un sur
l’île-aux-Ours, 5 en l’île Madame, 11 dans les concessions nouvelles.
Selon
Bouchette, en 1815, il y a une population de 1,500 âmes dans la ville
et 150 maisons, bâties en bois. Du 2 septembre 1786 au 10 mars 1791,
les revenus de la seigneurie ont été de 12,639 livres, 20 copres,
d’après le rapport de l’agent seigneurial.
Source: Histoire de sorel par Azarie Couillard-Després
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