Biographie Morency Paul



Biographie Morency Paul

Paul Morency

Celui que j'appelle mon père naquit le 31 mars 1888 dans la gare de St-Éloi, non loin de la Pointe-à-la-Loupe qui fait borne entre L'Isle-Verte et Rivière-Trois-Pistoles. Assez tôt, il suivit la famille à la gare de St-Arsène où il vécut jusqu'à son mariage en 1911 avec Marie-Louise Massé de L'Isle-Verte.

Georges-Horace-Paul connut une adolescence maladive, et pour cause, son père dut le retirer du pensionnat de L'Islet à 15 ans. Ce qui lui permit par contre de se consacrer à l'étude de la télégraphie nouvellement implantée dans les gares du C N R.  Assistant de son père, envers qui il vouait d'ailleurs un véritable culte, il se familiarisa vite avec le métier de chef de gare, d'autant plus que l'anglais auquel il s'était initié dans un collège d'outre-frontière, lui facilita les choses.

A 19 ans, il obtenait son admission aux chemins de fer nationaux, comme suppléant des chefs de gare du district.  A l'époque de son mariage, sa situation se stabilisa davantage grâce à l'obtention d'une permanence en tant que télégraphiste.

En la personne de ma mère, il trouva une compagne fort douée, cultivée, courageuse et débrouillarde. Cependant, ses poumons fragiles affectèrent sa résistance et elle connut la maladie plus souvent qu'à son tour. Toutefois, huit enfants survécurent à autant grossesses avortées. Elle n'en suivi pas moins son mari dans les nombreuses gares qu'il choisit d'habiter. Soit dit en passant, ils déménagèrent quatorze fois, « les quatorze stations du chemin de croix » comme elle se plaisait à répéter, sur la fin de sa vie.

Avec tout le confort dont nous jouissons aujourd'hui, il demeure impossible pour la génération actuelle, d'imaginer ce qu'était la vie d'alors dans les gares de chemin de fer du Québec que je qualifierais pour y avoir vécu, de véritables hangars à façade victorienne, cynique  symbole de la  conquête.  Quand je pense à mes grands-parents, puis à mes parents qui acceptèrent de vivre et d'élever leur famille dans ces abris sordides, je salue bien bas leur héroïsme.  Ainsi s'est déroulée leur existence: rude, imprévisible, chaotique...

Mon père nourrissait une véritable passion pour son travail.  A l'instar de son aïeul Octave, il se voulait disponible 24 heures sur 24.  J'en veux pour preuve que vers la fin de la guerre 39-45, il demeura 15 jours dans le bureau de la gare sans dormir presque, fournissant à sa manière, son effort de guerre dans l'expédition des trains de militaires de Lévis à Halifax.

Est-ce assez dire que cet homme qui ne prenait jamais de vacance se ruina à la tâche, développant d'ailleurs une maladie nerveuse qui le mena forcément à une retraite anticipée. Mention honorable, cet employé zélé ne mérita que des bonnes notes de la part de ses supérieurs au cours des quarante années de sa carrière.  Son but était de bien servir le public et ce dernier l'appréciait.  Il choisit de finir ses jours dans la maison de son père bien-aimé, à Rivière-du-Loup, où il mourut d'une crise cardiaque en 1959, à l'âge de 71 ans.

C'était un homme d'une honnêteté peu commune.  De sa mère,; il hérita d'une nature à la fois rude et butée et par ailleurs craintive, pieuse et sujette aux scrupules.  Son comportement en tant que chef de famille, le rendait paradoxal, le plus souvent sévère et pessimiste en même temps qu'entreprenant et porté aux innovations.

Il faut considérer que la situation d'un éducateur de six garçons n'était pas une sinécure; elle exigeait avant tout de la poigne.  En tant que fille unique, je subis de loin cette dictature, compte tenu que mon père se révélait plutôt misogyne.  En dehors du pensionnat que la plupart de mes frères connurent, c'était la vie de caserne à la maison.  Aujourd'hui, peut-on contester le rigoureux paternalisme d'alors?  Au fond, c'était peut-être la meilleure manière de procéder.  La réussite de mes frères qui devinrent par la suite des citoyens honorables, le prouve éloquemment.

Pourtant, ce père économe et indifférent au confort, gardait malgré tout quelques fantaisies. De son aïeul Octave, il tenait la passion des chevaux; il en dompta d'ailleurs quelques uns. Puis vint l'époque motorisée; dès 1923, il conduisait son automobile. Mais, il s'éloignait peu de "sa gare", se contentant de faire le tour du comté en compagnie de sa famille le dimanche, ou à l'occasion, de suivre les assemblées politiques contradictoires, qui l'intéressaient au  plus haut point.  Digne fils d'Horace, il nourrissait des idées avant-gardistes: c'était le temps où les caisses populaires poussaient comme des champignons, de même que des coopératives de tout acabit.

Tout comme ses pères, Paul à Horace à Octave se payait parfois une pinte de bon sang, se déguisant en vagabond, en vieux médecin de famille...  Ceci dans un but bien précis toutefois, histoire de servir une bonne leçon à qui de droit, en l'occurrence un collègue en mal d'enfreindre les règlements de la compagnie, ou l'ivrogne du voisinage sous l'influence d'une cuite...  Décidément, la comédie a la vie dure dans la famille Morency.

Sur les derniers temps de sa vie dans sa retraite de Rivière-du-Loup, mon père qui aimait les livres, se familiarisa davantage avec la généalogie, domaine qui l'avait toujours attiré et qui ne le laissait pas indifférente, non plus ma mère, de sorte qu'elle le seconda efficacement dans ses recherches.

Naguère, un certain Bacon Vaughan, généalogiste  (Trois Têtes de Morency, ontarien, s'était porté en éclaireur lorsqu'il nous fit entrevoir la possibilité que la famille Beauché-Morency puisse se rattacher à la noblesse des de Montmorency... Plutôt sceptique et hélas ! compte tenu de ses tendances francophobes, mon père ne mordit guère à cette hypothèse pourtant vraisemblable, je l'avoue.  Ascendance, suite à la page

Il demeure tout de même que, malgré nos recherches exhaustives présentes, nous ne sommes pas plus avancés que ne l'était Bacon Vaughan.

Sur ce pont d'interrogation, je m'arrête...

D'ailleurs, mon père lui-même se présentait comme une énigme.  Son attitude paradoxales se composait d'un étonnant mélange d'influences paternelle et maternelle assez déconcertant.  Son comportement se rapprochait de celui d'un Juif, ses traits faciaux aussi, d'autant plus qu'il demeurait éternellement coiffé d'un feutre.  Dieu sait, qu'il sympathisait avec cette race élue vers laquelle il allait spontanément.  Étrange n'est-ce-pas ?  Mon père était un original !

Polyne Morency

dans Le Bauché dit Morency Bulletin de l'Association des familles Morency vol. 7 no 2 juin 1997


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