Biographie Picote Francois-Marie
PICOTÉ DE BELESTRE, FRANÇOIS-MARIE, officier dans les troupes de la Marine, conseiller législatif et
grand voyer, né à Lachine (Québec) le 17 novembre 1716, fils de
François-Marie Picoté de Belestre et de Marie-Catherine Trottier Desruisseaux,
décédé à Montréal le 30 mars 1793.
François-Marie
Picoté de Belestre embrassa, comme son père, la carrière militaire. Un an après
son mariage avec Marie-Anne Nivard Saint-Dizier, célébré le
28 juillet 1738, il participa à une campagne de répression contre les
Chicachas, sous les ordres de Charles Le Moyne* de Longueuil et de
Pierre-Joseph Céloron* de Blainville. Longuement préparée, cette vaste
offensive permit au gouverneur de la Louisiane, Jean-Baptiste Le Moyne* de
Bienville, d’obtenir une paix négociée avec cette tribu rébarbative. En avril
1742, le gouverneur Beauharnois* récompensa Picoté de Belestre en le
recommandant comme enseigne en second. De juin à octobre 1746, ce dernier
combattit en Acadie avec les troupes de Jean-Baptiste-Nicolas-Roch de Ramezay, et il se vit confier la tâche de
solliciter auprès de Charles Germain,
missionnaire chez les Malécites de la rivière Saint-Jean, des pilotes capables
de guider les vaisseaux français et de les soustraire à la flotte anglaise
amarrée à Port-La-Joie (Fort Amherst, Île-du-Prince-Édouard). En 1747, avec
Louis de La Corne*, dit le chevalier de La Corne, Luc de La Corne,
et François-Josué de La Corne* Dubreuil, il fut délégué auprès des Indiens
des pays d’en haut afin de les convier à Montréal. Sa popularité auprès des
nations indiennes ne fut pas étrangère à sa nomination comme commandant au fort
Saint-Joseph (Niles, Michigan), en août suivant.
Le traité
d’Aix-la-Chapelle de 1748 n’empêcha pas la pression de la colonisation
anglo-américaine de se faire sentir de plus en plus dans la vallée de l’Ohio.
L’attrait de nouvelles alliances commerciales entraîna la défection d’un bon
nombre de Miamis qui, sous la conduite du chef Memeskia (La Demoiselle,
Old Britain), voulurent échapper à la surveillance franco-canadienne de Détroit
en s’établissant plus au sud, sur la rivière à la Roche (rivière Great Miami,
Ohio). Ils y fondèrent le village de Pickawillany (Piqua, Ohio), qui devint
rapidement pour les Anglo-Américains « le principal centre d’échanges
commerciaux et d’intrigues politiques dans la région de l’Ohio ». Dans le
but de conjurer cette menace et de revendiquer les droits de la France sur
cette région, le commandant général Roland-Michel Barrin* de
La Galissonière y autorisa l’envoi, en 1749, d’une expédition militaire
sous le commandement de Céloron de Blainville qui, faute de disposer d’une
force de frappe suffisante, s’opposa à l’organisation d’une campagne de
répression en vue de l’anéantissement des Miamis récalcitrants. À l’automne de
1751, le nouveau gouverneur La Jonquière [Taffanel*] recourut aux services
de Picoté de Belestre, devenu lieutenant depuis avril, pour rendre compte en
France, au ministre de la Marine, de la grave détérioration de la situation
dans cette partie de l’Ouest.
Jusqu’à
la veille de la Conquête, Picoté de Belestre connut, parallèlement à son
activité militaire, des occupations commerciales assez florissantes. De 1749 à
1759, il signa près de 90 contrats d’engagement, en grande majorité pour
Détroit, parfois pour Michillimakinac (Mackinaw City, Michigan) et pour le fort
des Miamis (vraisemblablement à ou près de Fort Wayne, Indiana).
L’année
1756 marqua une recrudescence des engagements militaires contre les forts
anglais en Pennsylvanie, en Virginie et dans les Carolines. C’est dans ces
dernières provinces qu’au début de l’année, Picoté de Belestre, obéissant aux
ordres du commandant du fort Duquesne (Pittsburgh, Pennsylvanie), Jean-Daniel Dumas, tomba, avec l’aide de Miamis et de
Chaouanons, sur un village d’une quarantaine de maisons et un fortin, y faisant
300 prisonniers et mettant tout à feu et à sac, à la satisfaction du gouverneur
Vaudreuil [Rigaud]. Puis, en août
1757, il participa à la victorieuse offensive de Montcalm* contre le fort
George (appelé également fort William Henry ; aujourd’hui Lake George, New
York). À l’automne, il fut chargé par Vaudreuil d’aller semer la terreur sur la
rive nord de la Mohawk, au village des Palatins (appelé aussi German Flats,
près de l’embouchure du ruisseau West Canada, New York). Le gouverneur
désirait servir une leçon à ces émigrés allemands qui avaient refusé de se
rallier aux Français. Le crime dont ils s’étaient rendus coupables en
refusant de changer d’allégeance n’évoque-t-il pas, selon l’historien Guy
Frégault*, celui des Acadiens ? [V. Charles Lawrence*.] L’expédition
dura près de deux mois et se solda par 40 morts et 150 prisonniers. Vaudreuil pouvait
être content. La facilité avec laquelle Picoté de Belestre avait pénétré
en territoire ennemi par la Mohawk amena le gouverneur à penser, en 1758, à une
stratégie de diversion de ce côté-là dans le but d’y attirer une partie des
troupes du major général Abercromby qui
étaient concentrées sur l’Hudson en vue d’envahir le Canada par le lac
Champlain.
À la mort
de Jacques-Pierre Daneau* de Muy, survenue en mai 1758, Picoté de Belestre
devint commandant de Détroit, faisant ainsi honneur à la mémoire de son père
qui y avait jadis joué le rôle de commandant en second sous Alphonse de Tonty*.
En janvier 1759, il fut fait chevalier de Saint-Louis et nommé capitaine, en
même temps que son fils, François-Louis, était proposé comme enseigne en pied.
Ce dernier contribua à rallier de nombreux clans indiens à la cause française.
Fait prisonnier par les Cherokees, puis devenu un de leurs chefs, il réussit à
les entraîner à guerroyer contre les Anglais du côté de la Virginie et des
Carolines où ils firent d’importants ravages. François-Louis s’installa
définitivement en Louisiane et sa famille s’y perpétua jusqu’à la fin du xixe siècle.
À la
Conquête, les nations indiennes des pays d’en haut étaient toujours acquises
aux Français. À la veille de la reddition de Détroit, à l’automne de 1760, il y
eut un conseil d’Indiens (Hurons, Ouiatanons, Potéouatamis, Sauteux) à la
résidence de Picoté de Belestre, au cours duquel ils lui exprimèrent tout le
« chagrin » que son départ leur causait et l’espoir qu’ils entretenaient
de ne pas être abandonnés aux mains des Anglais. Ainsi, Picoté de Belestre, de
passage à Paris en 1762, put-il rapporter au ministre de la Marine, le duc de
Choiseul : « Ces nations sont dans la confiance que le Roy leur
Maître les retirera de l’Esclavage. » Ce sont ces mêmes nations indiennes
qui répondront, l’année suivante, à l’appel de Pondiac* cherchant à les
soulever contre les Britanniques. Après la reddition, le
29 novembre 1760 [V. Robert Rogers],
le dernier commandant français de Détroit et sa garnison furent amenés au fort
Pitt (Pittsburgh), puis dirigés sur New York où ils arrivèrent le
4 février 1761. C’est de là que Picoté de Belestre devait se rendre
en Europe où, le 16 juin 1762, il adressait de Paris au duc de
Choiseul une demande de compagnie en Louisiane pour son fils, François-Louis.
Outre ce
fils aîné, issu de son premier mariage, Picoté de Belestre avait eu deux autres
fils et trois filles. Trois ans après la mort de sa femme, il contracta un
second mariage, le 29 janvier 1753, avec Marie-Anne Magnan, dit
L’Espérance. Deux enfants naquirent de cette union. Durant l’absence de leur
père retenu en Europe, les deux filles aînées causèrent des soucis à leur
belle-mère, qui chercha à faire invalider leurs mariages contractés devant un
ministre protestant et à s’opposer à leurs demandes de reddition de comptes.
Les capitaines John Wharton et William Evans, ses nouveaux gendres, obtinrent
cependant gain de cause devant la Chambre des milices de Montréal. Picoté de
Belestre n’en tint pas, semble-t-il, rigueur à ses filles. En rédigeant son
testament, le 8 juin 1791, il inscrivit ses deux aînées, ou à défaut
ses petits-enfants, bénéficiaires d’une somme de £50 chacune.
Le retour
de Picoté de Belestre au Canada ne s’effectua pas, vraisemblablement, avant 1764.
À Montréal, il vécut assez retiré. En 1767, il fut mêlé aux insolites
rebondissements de la célèbre affaire du marchand Thomas Walker, par suite de la surprenante
arrestation, en novembre 1766, de six de ses concitoyens, dont certains bien en
vue, tels le juge John Fraser, Luc de La Corne, et le gendre de ce
dernier, John Campbell. Les
inculpés furent soumis au verdict d’un grand jury où, parmi les nouveaux sujets
canadiens, siégeaient Picoté de Belestre, Pierre-Roch de Saint-Ours
Deschaillons, Claude-Pierre Pécaudy de
Contrecœur et Joseph-Claude Boucher* de Niverville, tous chevaliers de
Saint-Louis. Désireux d’innocenter leur compatriote Luc de La Corne, ils
profitèrent de l’occasion pour prêter « allègrement » le serment
d’allégeance à la couronne britannique, à l’encontre de l’engagement que leur
imposait l’ordre de Saint-Louis « de ne jamais quitter le service du roi
de France pour entrer à celui d’un prince étranger sans la permission et
l’agrément écrit de Sa Majesté ». Cette rupture d’allégeance à leur ancien
souverain leur valut d’être placés sur la liste de choix que le gouverneur Guy
Carleton* présenta au secrétaire d’État des Colonies américaines, lord
Hillsborough, en mars 1769, en prévision des futures nominations au Conseil
législatif.
À peine
Picoté de Belestre s’initiait-il à son nouveau rôle de conseiller législatif,
en 1775, que l’invasion américaine le rappela sur les champs de bataille, dans
la région du Richelieu cette fois-ci. Le fort Saint-Jean étant menacé, une
centaine de volontaires canadiens, dont un bon nombre d’anciens officiers, se
portèrent spontanément à sa défense, sous les ordres de l’ancien commandant de
Détroit et de Joseph-Dominique-Emmanuel Le Moyne* de Longueuil. Picoté de
Belestre fit figure de chef de file parmi les représentants de la noblesse
canadienne. Le siège du fort dura 45 jours. Ses vaillants défenseurs
durent capituler le 2 novembre, 15 jours après la reddition du fort
Chambly. Prisonnier de guerre une seconde fois, Picoté de Belestre connut l’exil
à Albany (New York) et au New Jersey. À son retour, Carleton le nomma grand
voyer de la province de Québec, le let mai 1776. Il ne semble pas cependant
avoir activement rempli son rôle, à cause de son « âge » et de ses
« infirmités », comme le constata Haldimand,
successeur de Carleton. Un dernier honneur vint couronner la carrière de Picoté
de Belestre. Le 12 juillet 1790, il reçut le titre de
lieutenant-colonel provincial, en reconnaissance pour les services rendus lors
de l’invasion américaine.
La scène
politique n’offrit pas à Picoté de Belestre l’occasion de se distinguer par des
actions d’éclat comme celles qu’il avait eu la possibilité d’accomplir durant
sa carrière militaire. Ayant été nommé membre du Conseil législatif alors qu’il
approchait de la soixantaine, il exerça cette fonction dans un esprit de loyale
et fidèle allégeance à Sa Majesté britannique, mais avec un sentiment de
profond attachement aux valeurs socio-culturelles héritées de son ancienne mère
patrie. C’est ce qui explique sa participation aux différentes démarches de ses
compatriotes en vue de préserver ce précieux héritage tant sur le plan civil
que religieux. Il se solidarisa avec les membres du French party au sein du
Conseil législatif. Il s’intégra si bien au nouveau régime établi en vertu de
l’Acte de Québec qu’il s’en fit un tenace défenseur face à la poussée du
mouvement réformiste [V. Pierre Du Calvet] qui, ralliant les forces
bourgeoises de la colonie, tant du côté anglo-écossais que du côté canadien,
prônait l’établissement d’un mode de gouvernement représentatif, conformément
aux droits et privilèges de sujets britanniques. L’avènement de la constitution
de 1791 dut le rassurer, car il put conserver ses prérogatives de conseiller
législatif. Le 30 mars 1793, François-Marie Picoté de Belestre
s’éteignit à l’âge « de 76 ans, 4 mois, 13 jours ».
« Le convoi prodigieux », qui accompagna la dépouille mortelle,
témoigna de la haute estime dans laquelle ses concitoyens le tenaient. www.biographi.ca (Pierre Toussignant et Madeleine Dionne)
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