Biographie Asselin Olivar
ASSELIN, OLIVAR (baptisé Joseph-François-Olivar), journaliste, auteur polémiste, rédacteur en chef et propriétaire de journaux, fonctionnaire, courtier, militaire et philanthrope, né le 8 novembre 1874 à Saint-Hilarion-de-Settrington (Saint-Hilarion, Québec), fils de Rieule Asselin et de Cédulie Tremblay ; le 3 août 1902, il épousa à L'Anse-au-Griffon (Gaspé, Québec) Alice Le Boutillier (Le Bouthillier), et ils eurent quatre fils ; décédé le 18 avril 1937 à Montréal.
Olivar Asselin est le quatrième enfant de Rieule Asselin, maître tanneur et cultivateur, marguillier et maire de Saint-Hilarion-de-Settrington, et de son épouse en troisièmes noces, Cédulie Tremblay. Le couple vénère l'instruction et les livres. D'allégeance libérale, le maître tanneur se trouve personnellement impliqué, à titre de témoin à charge, en 1876, dans le fameux procès pour « influence indue » du clergé qui suit la défaite du libéral Pierre-Alexis Tremblay* au profit du conservateur Hector-Louis Langevin* [V. sir Adolphe-Basile Routhier*]. C'est une époque où il ne fait pas bon s'afficher « rouge » dans un village isolé de la province de Québec où le curé, Jean-Baptiste-Ignace Langlais, contrôle la vie paroissiale et communautaire. Bien qu'Olivar n'ait que deux ans au moment de ces événements, ces derniers détermineront, grâce à la tradition orale tenace de la famille, les luttes du futur polémiste contre les ingérences du clergé dans la vie publique de son temps.
Après quatre ans de tracasseries de toutes sortes de la part du curé Langlais et de ses alliés conservateurs, Rieule Asselin part s'installer à Sainte-Flavie, sur la rive sud du Saint-Laurent. La famille compte six enfants lorsque le père y établit sa nouvelle tannerie. Olivar et son frère aîné, Raoul, se signalent par leurs succès scolaires à l'école de rang. Encouragés par le curé Charles-Godefroi Fournier, les Asselin inscrivent leurs deux fils au séminaire de Rimouski. Dès son entrée en 1886, le jeune Olivar attire l'attention par la précocité de son talent, son insatiable curiosité intellectuelle et ses performances spectaculaires dans toutes les matières, sport inclus. En dépit de la petite taille du collégien, son ascendant sur ses condisciples se fait déjà sentir. Son admiration pour Napoléon Bonaparte fait le reste : on le surnomme « le petit caporal ». À son arrivée en 1889, Mgr André-Albert Blais, coadjuteur et futur évêque du diocèse de Rimouski, le prend bientôt sous sa protection. Des années de scolarité couronnées de succès s'additionnent jusqu'en classe de rhétorique. En 1890, Olivar apprend que le feu vient d'anéantir la tannerie de son père et qu'il devra sans doute suspendre ses études pour subvenir aux besoins des siens. Comme des centaines de leurs concitoyens de la région du Bas-Saint-Laurent, les Asselin choisissent peu après la voie de l'exil vers les filatures de coton du Massachusetts.
Fall River, où la famille s'installe en 1892, est alors considéré comme le foyer de la vie française en Nouvelle-Angleterre. Malgré leur répugnance, Olivar et les aînés de la famille sont rapidement embauchés dans les usines avoisinantes. Boulimique de lecture, frustré dans ses ambitions intellectuelles et affecté par la mort de son père l'année suivante, Olivar entreprend des démarches pour se faire jésuite. Sur ces entrefaites, il découvre des piles de journaux de France accumulés dans le sous-sol de son église paroissiale. C'est le coup de foudre : il sera journaliste, et pamphlétaire à la manière du très parisien Henri Rochefort, marquis de Rochefort-Luçay !
En 1894, après quelques collaborations remarquées, Asselin est embauché par Adélard Lafond au Protecteur canadien. Affecté aux questions municipales, il prend conscience de l'extrême pauvreté urbaine qui sévit à Fall River. Il fréquente les démunis et partage avec eux son maigre salaire de 12 $ par semaine. Après un bref passage au National de Lowell la même année et au Jean-Baptiste de Pawtucket, dans l'État du Rhode Island, en 1895, il est promu secrétaire de rédaction à la Tribune de Woonsocket en 1896. Il s'y fait le promoteur de la naturalisation américaine pour les émigrés canadiens-français, dénonce les visées assimilatrices des évêques irlandais de Nouvelle-Angleterre, s'en prend à la « trahison » du premier ministre Wilfrid Laurier* dans le règlement de la crise des écoles séparées du Manitoba et fustige les revirements partisans de son organisateur, Joseph-Israël Tarte*.
En 1898, la guerre hispano-américaine vient distraire « le petit caporal » de ses éditoriaux et faire miroiter à ses yeux les perspectives de la gloire militaire. Asselin s'enrôle sans crier gare dans l'armée américaine, trop tard hélas pour parvenir à la zone des combats. La guerre terminée, il est démobilisé, en août, avec le modeste grade de… caporal.
Asselin arrive à Montréal en 1900. La journaliste montréalaise Robertine Barry*, l'égérie du poète Émile Nelligan* et dont il a fait la connaissance en 1894, l'a persuadé de se joindre à l'équipe qui, en décembre 1899, a commencé à publier les Débats. Il s'agit d'un hebdomadaire de combat et d'avant-garde littéraire et artistique que ses jeunes fondateurs mettent au service du nouveau leader nationaliste, Henri Bourassa* ; ce dernier vient de rompre avec le parti de sir Wilfrid Laurier en signe de protestation contre la participation du Canada à la guerre des Boers. Asselin y publie des vers, commente les soirées littéraires du château Ramezay, raconte l'assaut dont les locaux de l'université Laval à Montréal ont été l'objet de la part des étudiants de la McGill University, venus châtier leurs collègues canadiens-français pour leur refus de participer à la guerre ; il pourfend l'attitude de Mgr Paul Bruchési, prêt à tout pour rétablir la bonne entente, et les partis pris des journaux anglophones dans toute l'affaire. Il intitule ses reportages « Guerre de race ». La position éditoriale des Débats, toutefois, survit moins d'un an aux manœuvres de Tarte pour faire racheter le journal par des partisans de Laurier. Entre-temps, le fils du tanneur a fréquenté l'École littéraire de Montréal et s'est impliqué dans la Société de Saint-Vincent-de-Paul de Montréal pour venir en aide aux sans-abri du centre-ville.
En 1901, Asselin se retrouve donc sans emploi. Désireux de se marier et de s'établir, il accepte le poste de secrétaire de Lomer Gouin*, ministre provincial de la Colonisation et des Travaux publics dans le cabinet libéral de Simon-Napoléon Parent*. Il épouse Alice Le Boutillier à L'Anse-au-Griffon le 3 août 1902. L'année suivante, totalement engagé dans le mouvement nationaliste, il participe à la fondation de la Ligue nationaliste canadienne. Il devient l'organisateur des tournées de conférences qu'entreprend Bourassa dans le but d'en expliciter les grands principes : pour le Canada, le plus d'autonomie possible vis-à-vis de la Grande-Bretagne dans les domaines économique, politique et militaire ; pour les provinces canadiennes, le plus d'autonomie possible vis-à-vis du gouvernement fédéral ; adoption, par les gouvernements fédéral et provinciaux, d'une politique de développement économique et intellectuel essentiellement canadienne.
L'année suivante, estimant un journal indispensable à la diffusion des idées de la ligue, Asselin quitte son emploi et fonde le Nationaliste avec d'autres actionnaires dont Henri Bourassa et son père, Napoléon*. L'hebdomadaire montréalais réunit une brillante équipe de jeunes collaborateurs, notamment Éva Circé*, Jules Fournier*, Omer Héroux*, Arthur Laurendeau et Armand La Vergne. Pendant quatre ans, sous la direction d'Asselin, le Nationaliste est de tous les débats fédéraux et provinciaux. Parallèlement à sa carrière d'éditorialiste, le pamphlétaire se fera bientôt essayiste et commencera à publier, à compte d'auteur, ses fameuses « Feuilles de combat ». De 1909 à 1933, il rédigera une vingtaine de ces opuscules portant sur les thèmes polémiques les plus variés, par exemple, le nationalisme, la réforme de l'éducation, l'émigration, la langue française, les évêques et la guerre, la vie intellectuelle, l'héritage politique de sir Wilfrid Laurier, l'œuvre de l'abbé Lionel Groulx*, l'échec de la Confédération.
En 1904, Asselin se porte candidat nationaliste aux élections générales provinciales pour la circonscription de Terrebonne ; son adversaire, Jean Prévost*, l'emporte. Le journaliste accumule les dettes et les procès pour libelle. Il séjourne une première fois en prison en 1907 ; il y retourne en 1909 pour avoir giflé le ministre des Travaux publics et du Travail, Louis-Alexandre Taschereau*, sur le parquet de l'Assemblée législative.
Secrètement incommodé par les incartades d'Asselin et désireux de se doter d'un journal quotidien dont il assumerait lui-même la direction, Bourassa fonde le Devoir à Montréal en janvier 1910. Le concours de son bouillant lieutenant lui est cependant indispensable. Après quelques mois de collaboration malaisée, où l'ex-directeur du Nationaliste se voit relégué aux affaires municipales, tandis que Bourassa se réserve l'éditorial et la brûlante question de la marine de guerre, Asselin claque la porte du journal avec son ami Jules Fournier. Désormais père de quatre garçons, il se retrouve sans emploi.
Pour faire vivre sa famille, Asselin devient courtier en immeubles. Il collabore épisodiquement à l'Action, que fonde Fournier en 1911 à Montréal. La même année, il se porte candidat nationaliste dans la circonscription de Saint-Jacques à l'occasion des élections fédérales et subit la défaite. En 1912, Asselin quitte temporairement son emploi au Crédit métropolitain et voyage en Europe pour le compte du nouveau gouvernement fédéral conservateur de Robert Laird Borden, qui l'a chargé d'une enquête sur l'immigration. Dans la foulée de la lutte contre le Règlement 17 en Ontario [V. sir James Pliny Whitney*], il se trouve propulsé à la présidence de la Société Saint Jean-Baptiste de Montréal en 1913 et 1914. Il met sur pied la collecte du Sou de la pensée française pour contribuer à la survie du journal le Droit, qui paraît à Ottawa depuis le début de l'année 1913 pour défendre les droits scolaires brimés des Franco-Ontariens. La campagne rapporte 15 000 $ et assurera la stabilité du journal, qui subsistera jusqu'à nos jours.
Survient la Première Guerre mondiale. Bouleversé par l'occupation et les souffrances de la France, Asselin, après maintes hésitations, décide en novembre 1915 de se porter volontaire. Le ministre de la Milice et de la Défense, sir Samuel Hughes*, l'invite à lever un bataillon d'infanterie canadien-français à Montréal. Asselin, qui est sans emploi depuis les difficultés croissantes subies par le Crédit métropolitain et dont le fils aîné, Claude, vient de mourir, s'empresse d'accepter. La famille nationaliste - qui s'est déjà insurgée, en 1899, contre la participation du Canada à la guerre des Boers - devient franchement opposée à l'enrôlement à partir de 1915 et dénonce son geste. Se contentant du grade de major et du titre de commandant en second, Asselin confie le commandement de son unité à un militaire de carrière, le lieutenant-colonel Henri DesRosiers. Lui-même se révèle un chef respecté et admiré des 33 officiers et des 860 hommes et sous-officiers qu'il recrute pendant l'hiver.
Après quelques mois d'entraînement aux Bermudes, où il arrive en mai 1916, le 163e bataillon d'infanterie, dit des Poil-aux-pattes, est envoyé le 17 novembre en Angleterre et démantelé par le haut commandement britannique le 8 janvier suivant. Asselin est atterré. Ses précieuses recrues se trouvent dispersées dans d'autres bataillons. Tout en parachevant sa propre formation d'officier, Asselin demande aussitôt à être intégré au 22e bataillon d'infanterie, commandé par le lieutenant-colonel Thomas-Louis Tremblay et seule unité de langue française à combattre en France sur la ligne de front [V. Henri Chassé*]. Sa demande est agréée à temps, à la fin du mois de février 1917, pour lui permettre de participer à l'offensive de la crête de Vimy, en France, à titre de lieutenant. Il y récolte une citation spéciale pour actes de bravoure. D'avoir côtoyé de si près la mort et éprouvé l'indicible horreur du feu provoque son retour à la foi et à la pratique religieuses. Une malencontreuse attaque de fièvre des tranchées entraîne, en mai, son retrait provisoire du front. Des mésententes orageuses avec le commandant Tremblay sur des questions disciplinaires rendent sa réintégration au 22e bataillon plus qu'improbable. Durant les derniers mois de 1918, il obtient, en dernier recours, son affectation au sein du 87e bataillon d'infanterie (Canadian Grenadier Guards) et participe à la libération de villages frontaliers de France et de Belgique. Peu après l'armistice, Asselin se voit offrir un poste de conseiller auprès du ministre fédéral de la Justice, Charles Joseph Doherty, qui représente le Canada à la conférence de la Paix. Le traité de Versailles signé à l'issue de la conférence constituera une immense déception pour l'inconditionnel francophile qui, de son obscur poste de conseiller, appréhende avant tout le réarmement de l'Allemagne.
Après sa démobilisation, à l'été de 1919, Asselin se retrouve à Montréal, sans perspective d'emploi et avec 15 000 $ de dettes. Ulcérés par sa contribution militante à la défaite de Laurier, en 1911, les journaux libéraux lui ferment leurs portes. Lui-même s'est exclu volontairement du seul journal indépendant susceptible d'accueillir un nationaliste : le Devoir. Maigre consolation, il reçoit l'insigne de chevalier de la Légion d'honneur décerné par le gouvernement français. Il décroche bientôt un poste de publiciste dans une firme de courtiers en placements : Versailles, Vidricaire, Boulais Limitée. Pour un salaire annuel de 6 000 $, il y rédige un bulletin d'information expédié gratuitement à la clientèle, la Rente : guide de l'épargne et du placement. Il s'y fait le promoteur du nationalisme économique canadien-français et y dénonce les inégalités sociales, l'inculture américaine et les lacunes de la langue écrite dans la publicité et les journaux. Il occupera ce poste jusqu'en 1925, pour passer au service de la firme de courtiers L. G. Beaubien et Compagnie Limitée.
Pour le polémiste muselé, le séjour à la Rente équivaut à une longue traversée du désert. Cela n'empêche pas Asselin d'entretenir son goût pour la littérature. Avec Thérèse Fournier, épouse de Jules, décédé en 1918, il prépare l'édition posthume du manuscrit de l'Anthologie des poètes canadiens. Il en rédige la préface. Le volume paraît à Montréal en 1920. En 1922, toujours à Montréal, Asselin et Mme Fournier font paraître Mon encrier […], recueil en deux volumes des meilleurs articles politiques et littéraires du journaliste disparu. Encore une fois, Asselin en signe la préface. Il correspond régulièrement avec l'ex-religieux et critique littéraire Louis Dantin (pseudonyme d'Eugène Seers), exilé à la Harvard University, près de Boston. Il collabore à l'Action française de Montréal, revue fondée et dirigée par l'abbé Lionel Groulx. Par ses cours, ses conférences, ses articles, le prêtre historien, formé dans la tradition ultramontaine de Jules-Paul Tardivel*, commence à s'imposer auprès des disciples de Bourassa, déçus par le désengagement politique de leur chef. En dépit de ses racines nettement libérales, Asselin ne tarde pas à reconnaître lui aussi, dans le jeune abbé, le prochain chef de file de la pensée nationaliste. À l'Action française, il donne des articles fouillés, presque tous axés sur la nécessité de l'indépendance économique comme chemin obligé vers l'indépendance politique.
En 1925, par un concours de circonstances, Asselin prend la relève d'une œuvre de charité qui survit difficilement depuis sa mise sur pied, en 1915, par le bénévole Achille David. Il en assure bientôt la stabilité et le développement. La maison d'accueil devient, en 1926, le refuge Notre-Dame-de-la-Merci, situé rue Saint-Paul à Montréal. On y héberge des vieillards itinérants, malades ou abandonnés. Pour la prise en charge du refuge, Asselin fait appel aux Frères hospitaliers de Saint-Jean de Dieu, de Lyon, en France.
Véritablement habité par la cause des démunis, qui coïncide pour lui avec une intense période d'évolution spirituelle, Asselin associe toutes ses relations aux activités-bénéfice du refuge. Le sénateur Joseph-Marcellin Wilson, grand bailleur de fonds du Parti libéral et qui compte parmi les bienfaiteurs de l'œuvre, s'est littéralement entiché d'Asselin. En 1930, il voit en lui le meneur d'hommes, le journaliste prestigieux, seul capable de relancer l'organe du parti, le Canada, laissé sans direction depuis le départ de Fernand Rinfret, quatre ans plus tôt. Passant l'éponge sur l'affront subi en 1909, Taschereau - devenu premier ministre de la province de Québec en 1920 - offre à son ancien assaillant le poste de rédacteur en chef du Canada de Montréal. Au pamphlétaire-né, il propose simultanément un appât irrésistible : combattre la montée du leader populiste Camillien Houde*, promu chef du Parti conservateur provincial en 1929. Asselin accepte de relever l'improbable défi : concilier l'allégeance partisane du journal avec sa farouche indépendance d'esprit. Il y réussira médiocrement.
Asselin transforme toutefois radicalement la présentation du journal, promeut la pensée éditoriale en première page, recrute des jeunes gens de talent. Il fait figure de maître auprès des Willie Chevalier, Eustache Letellier de Saint-Just, Odette Oligny, Ernest Pallascio-Morin, Robert de Roquebrune et Edmond Turcotte. Il se montre intransigeant à l'égard de la correction linguistique. Il appuie le gouvernement Taschereau dans ses priorités accordées à la libre entreprise et sa répugnance à l'égard de l'intervention de l'État (et ce, même dans le domaine des richesses naturelles). Asselin prend ici ses distances avec les positions qu'il défendait, avant la guerre, dans le Nationaliste. Lorsque l'Action libérale nationale commencera à se manifester, il reportera vraisemblablement sur Paul Gouin* la piètre confiance que lui a inspirée son père, l'ex-premier ministre libéral sir Lomer Gouin.
Moins assujetti à la ligne du parti en matière de culture que de politique, le journal libéral dirigé par Asselin innove dans le traitement des arts et des lettres. Il ouvre largement ses colonnes à des rubriques de cinéma et de théâtre. Il traite de romans et d'essais souvent tenus en suspicion par le clergé. En 1934, usé par son long exercice du pouvoir, le gouvernement Taschereau bat de l'aile. Asselin ne se sent plus aussi justifié de lui accorder le soutien de sa plume et remet sa démission. À 59 ans, il rêve à nouveau de posséder son propre journal. Ce sera l'Ordre, quotidien montréalais, politique et littéraire, fondé dans l'enthousiasme le 10 mars 1934.
Asselin s'y révèle en pleine possession de ses dons d'éditorialiste et de rassembleur de jeunes talents, parmi lesquels figurent plusieurs de ses ex-collaborateurs du Canada. Les Jules Bazin, André Bowman, Berthelot Brunet, Gérard Dagenais*, Dollard Dansereau, Lucien Parizeau et Albert Pelletier font partie de sa brillante équipe. Des collaborateurs remarquables s'y joignent : les Jovette-Alice Bernier*, Alfred DesRochers*, Françoise Gaudet-Smet [Gaudet*], Jean-Charles Harvey*, Marie Le Franc, Clément Marchand, le frère Marie-Victorin [Kirouac*] et Gérard Morisset*. Conformément à l'évolution personnelle de son fondateur, l'Ordre professe un nationalisme qui s'exprime davantage dans la défense de la langue française et dans la promotion d'une véritable éducation nationale que dans le champ de l'engagement politique. Dans un contexte de crise économique, il tient en suspicion les rouages faussés du parlementarisme, mais avant tout l'intervention étatique, source appréhendée de centralisation des pouvoirs entre les mains du gouvernement fédéral. En matière économique, il fait désormais confiance à la libre entreprise pour assurer le retour de la prospérité.
Par ses positions particulièrement libérales en matière de culture et d'enseignement, le journal d'Asselin fait fréquemment l'objet de réserves de la part de l'épiscopat, qui ne manque pas de le laisser savoir. Influence cléricale amalgamée à des difficultés financières chroniques entraînent la fermeture du journal le 11 mai 1935. Dans le dernier numéro, le rédacteur en chef annonce l'édition prochaine, à Montréal, d'un nouvel hebdomadaire politique et littéraire, la Renaissance. Peu séduit par l'alternative que pourraient représenter l'opposition d'un Paul Gouin avec l'Action libérale nationale, puis celle d'un Maurice Le Noblet Duplessis* avec l'Union nationale, Asselin y opte pour « le moindre mal » en accordant un appui distant au Parti libéral. En dépit de sa haute tenue littéraire et de la qualité de ses collaborateurs - en grande partie de l'ancienne équipe de l'Ordre -, la Renaissance ne paraît que 26 fois avant de s'éteindre à son tour en décembre de la même année.
Le 11 juin 1936, peu avant que son parti ne subisse la défaite au profit de l'Union nationale, le premier ministre remet sa démission et passe les rênes du pouvoir à son ministre de l'Agriculture, Adélard Godbout*. Le jour même, ce dernier s'empresse de nommer Asselin à la présidence de la Commission des pensions de vieillesse, de Québec, instituée la veille par le gouvernement Taschereau. Après la victoire de son parti le 26 août de la même année, le nouveau premier ministre, Duplessis, accepte de maintenir dans ses fonctions l'ancien leader nationaliste affaibli et chroniquement dans le besoin. Dès le 12 février 1937 toutefois, Asselin est forcé de remettre sa démission. Il souffre d'artériosclérose. Sa demande de pension n'est pas agréée.
Olivar Asselin s'éteint à son domicile, rue Saint-Hubert à Montréal, le 18 avril suivant. À 62 ans, le pamphlétaire anticlérical est enseveli dans la bure des Frères hospitaliers de Saint-Jean de Dieu, auxquels il s'est récemment affilié en devenant membre de leur tiers ordre. À sa demande, ses décorations militaires sont épinglées sur sa poitrine. Un interminable cortège de miséreux et d'anciens prisonniers, clairsemé de notabilités, accompagne le corbillard jusqu'à l'église Saint-Jean-Baptiste, où l'abbé Groulx concélèbre, avec l'abbé Louis-Philippe Perrier, les funérailles de son plus paradoxal défenseur.
Source: Dictionnaire biographique du Canada
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