Biographie Boucher Wilfrid
Pierre, Wilfrid Boucher reçoit le baptême le jeudi 10 mars 1870 à St-Paulin. Sont de la cérémonnie, le parrain Pierre Côté, Odile Lemay, marraine, Nestor-Odilon Larue, officiant, et le père, Maxime Boucher.
De son enfance, nous savons que Wilfrid est élevé sur une ferme. Il apprend très jeune les rudiments du métier de cultivateur mais aussi de celui de travailleur des bois. De son propre aveu à ses enfants, il ne sait ni lire ni écrire, bref il n'aurait jamais fréquenté une école. Il appose toujours une croix en guise de signature. Pourtant, sa mère avait été "maîtresse d'école" et Wilfrid lira, ou en tout cas regardera, le journal tous les jours... Il saura également calculer le dépenses et les revenus de ses chantiers.
Dernier enfant d'une famille qui en compte douze, il unit sa vie à celle de Marie-Louise Elliott, également cadette de sa famille. Ce samedi 18 août 1889, il a dix-neuf ans, elle en a dix-sept. Wilfrid hérite du bien paternel, c'est-à-dire de la terre et de ses parents comme l'usage de l'époque le commande.Ils auront aussi douze enfants. Ils habitent au bout d'un rang d'environ un kilomètre appelé "rang des Boucher" parce que les trois frères Boucher Maxime, Dolphis et Wilfrid y vivent.
Fabriquée en bois non peinturée, la maison, toute petite, n'a pas l'eau courante. Elle comporte la chambre des parents, celle des grands-parents et la cuisine-salle de séjour au rez-de-chaussée, ainsi que la chambre des garçons sous le toit. Le four à pain et le puits sont à l'extérieur.
En 1903, Wilfrid fait construire une nouvelle maison, plus spacieuse et plus gaie. Les deux petits derniers doivent dormir dans sa chambre, le garçon couche sur un petit lit au pied de celui de ses parents, le bébé-fille dort dans le berceau fabriqué par Wilfrid. Avec la grand-mère Aurélie et sa petite-fille orpheline de mère, la table familiale rassemble dix personnes.
La terre longe la Rivière-du-Loup, appelée ainsi parce que, dans les premiers temps de la colonie, les loups de mer remontaient le fleuve St-Laurent jusqu'à cette rivière où est Louiseville aujourd'hui. Tout près de la maison, se trouvent deux chutes séparées par une petite île. Ensuite, un pont relie la terre ferme à une grande île habitée par une famille très sympathique. Une menue plage de sable magnifique permet aux enfants de s'ébattre dans l'eau.
Puis, des rapides se succèdent sur quelques arpents entre des rochers escarpés jusqu'à une cascade d'environ dix mètres. C'est au pied de cette chute que les enfants Boucher pêchent la barbotte, le jeudi soir, pour le repas sans viande du vendredi. De magnifiques montagnes recouvertes d'érables, de hêtres, de chênes, de pins et de merisiers complètent le tableau.
Jusqu'à l'âge de 77 ans, Wilfrid cultivera la terre l'été et deviendra bûcheron puis contracteur de bois à la saison morte. Aussitôt les récoltes et le battage terminés, il part pour les chantiers avec ses deux chevaux et quelques employés et il ne revient à la maison que pour la fête de Noël. Il repart ensuite pour ne revenir qu'au mois de mars. Il prépare alors le bois de chauffage pour l'année. Le poêle à bois utilisé à cette époque sert à la fois pour cuisiner et pour chauffer la maison. Au printemps, Wilfrid entaille quelques érables pour en boire l'eau et pour en fabriquer du sucre.
Les enfants qui sont en âge de fréquenter l'école marchent plus d'un kilomètre pour se rendre à celle du poste. Des produits de la ferme composent leur repas du midi qu'ils apportent: pain, beurre, oeufs à la coque, etc. Au retour, une bonne tranche de pain recouverte de mélasse ou trempée dans de la crème et garnie de sucre redonne l'énergie nécessaire pour "faire le train" ainsi que pour rentrer le bois de chauffage du lendemain.
Les jeunes trouvent toujours le temps de jouer. Selon les saisons, ils profitent des nombreux côteaux des environs pour glisser sur la neige ou encore pour tendre des collets aux lièvres. Lorsqu'un de ces petits animeux vit encore, les gamins ont la permission de le garder dans le haut de la bergerie. Ils imitent les travaux de la ferme dans la petite grange qu'ils construisent sur la montange en face de la maison.Ils fabriquent également une grande cheminée comme celles des premiers temps de la colonie; heureusement pour eux, son intuition de mère pousse Marie-Louise à effectuer une visite dans le secteur le jour où ils ont décidé d'allumer cette cheminée.
Un moment excitant dans la vie des enfants est la drave du printemps. Le bruit des billots frappant les rochers s'entend jusqu'à la maison. Alors, les gamins courent sur le pont pour voir les bûches plonger et disparaître pour remonter à la surface un peu plus bas. Les chutes et les rapides occasionnent des ambâcles que les draveurs doivent défaire à l'aide de câbles, sinon de dynamite. À l'explosion, la masse des bois se soulève dans un enchevêtrement indescriptible avant de prendre la descente de la rivière. Malgré la défense de leurs parents, les petits Boucher vont jouer sur les billots. Ils s'aventurent d'abord sur ceux de la rive et, petit à petit, vers le courant où l'eau est toute blanche.
Marie-Louise confectionne tous les vêtements de la famille. Elle tresse les chapeaux avec la paille du blé, tisse les draps pour les paillasses de paille qui servent de matelas, file la laine de leurs moutons, tricote, avec sa belle-mère, les bas, mitaines et tuques à pompons aux belles couleurs. Avec les peaux de leurs vaches, leur voisin leur fabrique les "souliers de boeuf", chaussures des pauvres de l'époque que les enfants ne portent que l'hiver et pour la messe du dimanche.
Vers 1912, sous lapression de l'aîné qui n'aime pas la terre, Wilfrid échange la ferme contre le moulin à scie et à farine de ses neveux, garçons de son frère Dolphis. Les réparations au moulin, l'éclatement d'une guerre mondiale, la chute de la vente du bois et la circonscription(sic) (obligation pour tous les hommes d'aller à la geurre) sont les motifs qui obligent Wilfrid à vendre le commerce et décider d'aller s'établir sur une ferme au Témiscamingue.
En août 1915, Wilfrid, sa femme et les dix enfants encore à la maison montent dans un premier train jusqu'à Montréal, puis dans un second qui s'arrête au Long Sault, au sud du lac Témiscamingue que l'on remonte sur le bateau nommé Météor jusqu'à Ville-Marie. À leur arrivée, il fait noir. Dolphis, frère de Wilfrid, les emmène passer quelques jours chez-lui à Lorrainville, village voisin. Le lendemain, les hommes retournent au quai prendre les bagages, le ménage, les instruments aratoires, les chevaux, les vaches et le chien Ti-Fin.
Le mari de l'orpheline Maggie élevée à la maison conduit à son tour les voyageurs à sa demeure de Fugèreville, deux paroisses plus à l'est. Marie-Louise refuse de s'aventurer plus loin dans la forêt malgré le fait que wilfrid ait réservé trois lots du gouvernement dans le rang 9 de Latulipe, encore plus à l'est. Avec l'aide du curé Fugère de l'endroit, la famille Boucher achète de Polycarpe Tessier les lots 3 et 4 dans le rang 8.
Wilfrid arrive avec tellement de marchandise que les voisins pensent avoir affaire à un commerçant. La terre est à demi-déboisée, mais ne comporte que huit acres labourées. L'étable, sans grange, parvient à contenir les deux chevaux et les deux vaches, sans plus. La maison, construite par un célibataire, mesure environ 5m x 6m (16' x 20'). L'eau courante et la salle de bain sont, évidemment absentes. Un lit-corniche, relevé le jour, accueille les parents la nuit venue. Les enfants, excepté le bébé d'un an, couchent sous le toît qu'ils atteignent par une échelle.
Malgré l'exiguité du logement, Marie-Louise se trouve très heureuse: ses voisins sont magnifiques, l'esprit d'entraide qui existe dans la paroisse est remarquable, la famille est bien nourrie et bien habillée. En plus de cultiver un grand jardin-potager, elle sème des fleurs, elle est même la première de la paroisse à décorer ainsi le devant de la maison.
La vie de labeur reprend son cours. L'on abat les arbres, défriche, laboure, sème à l'aide des chevaux. L'on construit une grange, agrandit l'étable, augmente le troupeau de vaches, de veaux, de porcs et de poules. Au début, l'on va chez Emery Trudel, voisin d'en face, chercher l'eau ou écrémer le lait. Il faut fondre la neige et la chauffer sur le poêle à bois avant d'effectuer la lessive.
Les épreuves n'abattent pas les Boucher. À l'automne 1915, les fièvres thyphoïdes attaquent sérieusement Edmond et Marie-Rose. Deux ans plus tard, Irénée, dont la femme vient de décéder, retourne habiter chez ses parents avec ses deux enfants. Lors de l'épidémie de grippe espagnole en 1920, toute la famille est atteinte et Emery, nouvellement marié, décède. Eugène viendra aussi habiter la maison familiale avec ses sept enfants après le décès de son épouse.
Les Boucher puisent probablement force et réconfort dans le chapelet et les prières qu'ils récitent tous les soirs. Ils assistent à tous les offices religieux: messe du dimanche, des jours de carême et du mois du rosaire, vêpres, etc.
Très habile dans tous les travaux domestiques, Marie-Louise sait aussi jouer de l'accordéon et de la musique à bouche. Elle chante agréablement en travaillant ou lors de rencontres du Jour de l'An. Elle est une mère très admirée de ses enfants à cause de son courage et de sa patience. La mort l'arrache aux siens à l'automne 1967. Elle est alors âgée de 95 ans et 6 mois.
Wilfrid se montre comme un père relativement sévère, mais très bon. Il est très religieux, mais comme il doit nourrir une grosse famille, il organise son travail en conséquence. Encore actif, il décède à 77 ans et demi.
En août 1949, la famille, ainsi que les paroissiens de Fugèreville, inaugurent l'ouverture officielle de leur salle en célébrant les noces de diamant (60 ans) de Wilfrid Boucher et de Marie-Louise Elliott.
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