Biography Garigue Claude
Dans la matinée du 1er août 1682, le marchand Claude Garigue, de
Lachine, s’adonne à passer devant la maison de Jean Milot. L’épouse de
ce dernier, Mathurine Tibault, se tient sur le seuil de la porte et
elle crie à Garigue qu’il « estoit un coquin de Fripon qui débauchoit
son mary ». Le lendemain, Garigue demande à la cour bailliagère de
sévir contre l’auteur de pareille calomnie. André de Vautours,
charpentier au service du gouverneur Perrot, et Jean Émard, maçon et
tailleur de pierre, tous deux de La Prairie, sont assignés comme
témoins. Sur leurs dépositions, la tapageuse prévenue est condamnée à
une amende pécuniaire.
Mais il n'y a pas de fumée sans feu. À
vrai dire, les propos de la femme Milot ont leur part de vérité.
Garigue n'est pas un chérubin. Ses beuveries et ses disputes sont bien
connues à Lachine. Tout ce beau monde habite près du fort Rolland.
Au
début de 1690, Michel Garnier voit Claude Garigue « mal traitter
Tainette Alton sa femme en la trainant par les cheveux jusqu’au milieu
de la rue comme une beste morte, la frappant à coups de baston et entre
autre la vouloir assommer avec une hache ». Mais Garnier attendra au
jour de Noël 1692 pour se rendre chez le tabellion Jean-Baptiste
Pottier avec l’intention d’y parapher une déposition contre Garigue.
Saura-t-on jamais ce qui détermine Garnier à se taire si longtemps ?
Crainte ou indifférence ?
Le 14 janvier 1693, la femme Alton
s’adresse au tribunal baillager pour obtenir séparation de corps d’avec
son mari. La requérante fait état des mauvais traitements qu’elle subit
journellement « ainsy que de la dissipation de ses biens ». Bien plus,
« son mary la roue de coupz de baston de poing et de pied, la traisne
par terre et la voulu esgorger en la foullant aux pieds ». Bref, la
malheureuse « couroit risque de sa vie ». Fort heureusement qu'à ses
cris, plusieurs personnes se portent à son secours.
Mais le mari
débauché ne s'en tient pas à ces batteries. Au foyer, les disputes se
succèdent du matin au soir. Selon la déposante, ce climat va « la faire
mourir en langueur tandis que luy (Garigue) fait bonne chère et ce
saoule aux despens de son bien et des grains qu’elle a recueilly »
L'homme n’a-t-il pas toujours bien mangé et bien bu?
Si Garigue
s’en tenait aux plaisirs de la table et de l’alcôve, passe encore. Mais
au dire de sa femme, c'est un sadique qui éprouve le besoin maladif de
se livrer périodiquement à la plus grossière brutalité. Un soir, par
exemple, après avoir battu la déposante comme à l’accoutumée, il la
trainée dans la boue et lui a mit « de la fiente de vache dans sa
bouche pour l’empêcher de crier » Prise de peur et de dégout, la pauvre
femme se sauve chez ses enfants.
Qu’on invoque l’envoutement, le
maléfice ou le mauvais traitement, retenons que plusieurs ne
considèrent plus les liens matrimoniaux comme indissolubles, vers la
fin du 17e siècle.
Source : Séguin Robert-Lionel « La vie libertine en Nouvelle-France au 17ème siècle » Leméac, 1972 (Pierre Lalonde)
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