Biographie Martel Noel-Timothee
Le couple s’établit au lot 256 du rang
Rivière Est (aujourd'hui 1116 Rivière-Est) à Ste-Brigide d’Iberville, terre de
deux arpents de large par trente de profondeur. Cinq arpents de cette terre
sont défrichés et une grange y est érigée; Thomas Sheridan, le vendeur, se
réserve le droit d’y garder son foin jusqu’à l’hiver. « Le père de Timothé
est venu les conduire à leur ferme et, chemin faisant, ils se sont arrêtés à
Ste-Angèle de Monnoir chez la marraine de Timothé, Zoé Choquette, pour la
saluer. Cette dernière offrit une poule en cadeau de noces aux jeunes mariés.
La forêt envahit le pourtour de la maison,
une petite maison en bois rond, isolée avec de la paille et de la bouse de
vache recouvertes de chaux, au plancher de terre battue. Timothé a bûché pour
couper tous ces arbres et faire reculer la forêt! Il défriche un ou deux
arpents par année. Il remplit le sleigh de billots et va les porter au moulin à
scie de Marieville, celui d'Honoréville étant fermé depuis 1848-60. Ça lui
prend toute une journée. Il n’a qu’une vache, quatre moutonnes et un cheval.
Rien ne laisse présager qu’il aura la première moissonneuse à Ste-Brigide.
Il essouche au printemps et utilise une herse à dents de bois pour
enlever les racines. Il apporte toujours avec lui une poche de dents de herse
qu’il a taillées durant l’hiver et peut ainsi remplacer celles qui se brisent.
Il pêche anguilles et barbottes à la petite
rivière Sud-Ouest qui coule derrière la ferme. Il prépare lui-même les
chaussures de sa famille, des souliers de « beu », faits de cuir de
boeuf cousu avec de la babiche en peau d’anguille, plus accessible et plus
imperméable que la peau d’orignal, qui était également utilisée.
Au recensement 1881, Timothé 32 ans est
cultivateur à Ste-Brigide et vit avec Marie 30 ans, Napoléon 8 ans, Henri 7
ans, Azilda 5 ans, Délia 3 ans et Délima 1 an.
Cléophas Leduc, le père de Marie, veuf et aveugle à 69 ans, vit avec
eux. Il y reste probablement jusqu’à sa mort en 1884.
Timothé et Marie cultivent du lin et le
récoltent à la main avec une faucille. La quantité de tiges qu'ils peuvent
ramasser dans une main porte le nom de "menée". On dit alors de celui
ou celle qui a de petites mains qu'il "n'en mène pas large". Parions
que Timothé en menait large!
Ils battent les tiges au fléau pour en
retirer la partie blanche à l’intérieur, celle qui sera utilisée. Le fléau est
composé de deux bâtons de bois franc attachés bout à bout par des courroies de
cuir; l’un sert de battoir et l’autre de manche. Marie file le lin et en tisse
des draps, probablement aussi des essuie-vaisselle et des nappes.
Timothé
tond les moutons et Marie récupère la laine, la file et la carde. Elle a
l'habitude de garder derrière le poêle du "mordent", solution souvent
constituée d'urine qu'elle ajoute à ses teintures naturelles car l'acide urique
fixe la couleur. Elle s'assoit à son métier à tisser et commence soit des jupes
pour ses filles, soit des couvertures de laine. Elle doit assembler avec un fil
de laine deux panneaux d'environ 36 pouces de largeur, son métier n'excédant pas
cette mesure.
Marie-Josephte tresse les chapeaux de paille
pour sa famille au cours de l’hiver, mais il a fallu préparer ce travail l’été
précédent en choisissant, pendant les étapes de la récolte de blé, des tiges
bien constituées, conformes aux exigences de la paille tressée. Elle suspend
ces pailles en paquets au grenier en attendant la saison du tressage. À ce
moment, elle les coupe en longueur de 30 à 36 centimètres et
les dépose dans une auge remplie d’eau tiède. Les tiges de blé deviennent très
souples, et l’artisane peut les plier sans crainte de les briser. Elle lie
ensemble cinq, sept ou neuf tiges de pailles et en commence le tressage. Elle
en obtient une bande de paille qu’elle enroule et garde précieusement en vue de
la fabrication des chapeaux à l’approche de l’été.
Avant d’entreprendre la fabrication de
ses chapeaux, elle doit mouiller abondamment sa paille tressée. Elle la presse
entre deux rouleaux pour l’amincir et lui donner une épaisseur régulière. Elle
commence sa calotte de chapeau par une bande ronde formée de lanières de paille
tressée, cousues du fil de lin qu’elle a filé, et contraintes d’adopter une
forme ronde.
Quand le fond de la calotte sera assez
grand, elle orientera les lanières de paille dans un autre sens pour former la
calotte. A la calotte, elle ajoutera un rebord très large, s’il s’agit d’un
chapeau de femme, plus étroit, s’il s’agit d’un chapeau d’homme ou d’enfant.
Ses filles maîtrisent suffisamment l’art de la confection des chapeaux pour
vendre le produit de leur travail à Saint-Jean.
Pour habiller et nourrir tous ces enfants,
Marie doit coudre les vêtements, jardiner et cuisiner. D’immenses chaudrons de
soupe mijotent sur le poêle à bois qu’elle alimente de bûches rentrées par son
époux Timothé ou ses garçons Napoléon ou Henri ou les suivants, à mesure qu’ils
sont en âge de le faire. Et ça arrive vite, cet âge-là!
Marie est une vraie machine à tricoter. Si un enfant perd une mitaine à
l'école ou ailleurs, le soir même, sa mère en tricote une autre pour la
remplacer. Le lendemain, il a sa mitaine.
Bien qu’illettré,
Timothé fut conseiller municipal de février 1905 à février 1906.
Au recensement 1901, Timothé 51 ans est cultivateur à Ste-Brigide et
vit avec Marie 49 ans, "Henry" 26 ans, cultivateur, Azilda 24 ans,
Anna, institutrice de 19 ans, Noël 15 ans, Amanda et Alva 13 ans, Edéas et
Agenor 11 ans, "Alphège" 10 ans, "Lorient" 7 ans, Rosario 4
ans et Josaphat 2 ans. En 1911, Timothé 61 ans est encore cultivateur; il ne
reste que cinq enfants à la maison: Edéas et Agenor, Laurien, Rosario et Josaphat.
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