Biographie Marie-Anne Couillaud



Biographie Marie-Anne Couillaud

L'affaire Marie Couillaud et La Chaume

«Commis avec préméditation, le meurtre passionnel n'en est que plus sordide et moins excusable. Tel cet attentat survenu à Saint-Ours au tout début du XVIIIe siècle.

En ce temps-là un nommé La Chaume et son épouse, Marie Couillaud, habitent à cet endroit. Pour leur malheur, Pierre Viau dit Larose, soldat de la Compagnie du sieur de Saint-Ours, loge chez un voisin. Histoire de tuer le temps, Larose va souvent causer chez les La Chaume. Beau parleur, le militaire a vite fait de bouleverser le coeur de son accueillante hôtesse. Cette passion la mène droit au crime. Maintenant qu'elle est la maîtresse de Larose, Marie Couillau décide tout bonnement de se débarasser de son mari. Elle a tôt fait de mettre son amant au courant du projet. Le 28 février 1702, Marie Couillau et Pierre Viau décident d'en finir avec La Chaume «dans le temps quil Estoit Endormy». La nuit même, le mari aurait été transpercé de trois coups d'épée par l'amant de sa femme. La mort est instantanée.

Marie Couillau reste introuvable pendant que son présumé complice est incarcéré à Montréal. La disparition de la femme La Chaume tient du roman-feuilleton. Pour la soustraire aux poursuites de la justice, son oncle, Pierre Laporte dit Saint-Georges se serait mis en frais de la conduire en Nouvelle-Angleterre. En route, il rencontre des indigènes à qui il confie sa nièce pour qu'ils l'escortent jusqu'à destination. Entre temps, le procès se poursuit à Québec. Finalement convaincus de meurtre, les deux amants sont «condamnez à faire amande honorable nud Teste Et En Chemise La corde au Col Tenant En leur mains vne Torche de Cire ardente du poids de deux Liures audeuant de la porte Et prinsipalle Entrée de lEglise parroissialle de lad ville de Montreal ou Ils Seroient menez par l'Executeur de la haute justice Et la Estans nuds Teste Et genoux declarer que mechamment Et Sans aucun Sujet Ils ont commis Et fait led meurtre dont Ils Se repentent Et En demandant pardon a Dieu, au Roy Et a Justice, apres quoy Estre conduits par led Executeur En la Place publique ed lad ville pour y Estre pendus Et Etranglez Jusqu'à ce que mort Sensuiue a vne potence qui pour cet Effet Seroit dressée En lad place, Leur corps y demeurer douze heures Et Ensuite leurs Testes portées par led Executeur Et mise chacune Sur vn pieu debout Sur le lieu ou Ils ont fait led assassinat Et dans l'Endroit le plus passant»

Cette horrible mise en scène est conforme à la mentalité du temps. En frappant le peuple de terreur, on pensait l'éloigner à jamais des sentiers du crime.

Enfin, les biens des condamnés sont confisqués; il en sera prelevée une amende de trois cents livres au bénéfice du roi. Mais la femme Couillau, qui a la jambe aussi légère que la cuisse, échappe à toute sentence, si sévère soit-elle. Pour sauver la face, le tribunal décide que «Seroit Icelle Sentence Executée par Efigie allencontre de lad Marie Couillau defaillante qui pour cet Effet Seroit pinte dans vn tableau qui Seroit attaché a lad Potence par led Executeur de la haute justice, au bas de laquelle Sentence Est mention de la prononciation d'Icelle» C'est tout simplement pendre quelqu'un en effigie. Chose surprenante: telle parodie n'est plus l'oeuvre de manifestants mais bien de responsables de l'ordre et de la justice. Ne pouvant atteindre un condamné dans sa personne, le pouvoir judiciaire se rabattait sur son honneur et sa dignité.

 Le 25 du même mois, Pierre Viau en appelle de la sentence de mort que le tribunal a prononcée contre lui. De nouveaux témoins sont assignés, entre autres « vne des filles du nommé Lagazaille et Anne Bellet, femme de François Quercy dit Laviolette, habitant de Saint-Ours. « La cour prend suffisamment de temps pour étudier toute l'affaire. Finalement, le 17 octobre, Viau est amené «Entre les deux guichets du Cachot ou Il Est detenu » pour apprendre que la première condamnation est maintenue dans toute sa rigueur. N'ayant rien à perdre, le condamné « Estant nud Teste Et a genoux a dit Quil souffriroit volontiers lad question pour la Justification de son Innoncence» En Nouvelle-France, des accusés sont soumis à la question comme il est de coutume en Europe. La question est la torture qu'on donne aux criminels pour savoir la vérité de quelque crime qualifié. C'est le détecteur de mensonge du temps. Dans les causes criminelles, on donne la question si l'accusé est prevenu d'un crime capital, & qui mérite la mort, & si le crime est constant, il peut être condamné à la question, s'il y a preuve considérable contre lui, & que cependant la preuve ne soit pas suffisante pour le convaincre, & pour le condamner à mort Le brodequin est l'appareil qui sert généralement à appliquer la question ordinaire et extraordinaire.

 Enfin, la terre et l'habitation que la victime possédait, en la seigneurie de Saint-Ours, seront vendue «ainsy qui la moytié du bled qui Est prouenu d'Icelle par la récolte de la présente année Et ce pardeuant le Juge Royal dud Montréal pour les deniers En prouenans Estre Employez a payer tous les frais du Proces Et le Surplus sil y En a, En oeuures pieuses pour le repos de lame dud La Chaume»

 Le même jour, comme il en a exprimé le désir, Viau «Sera apliqué à la question ordinaire Et Extraordinaire» en présence du conseiller Delino. L'interrogatoire portera « Sur les faits contenus au Proces Et retenu qu'au cas que le corps dud deffunt La Chaume ayt Esté trouué percé de trois coups d'Eppée que led Viau a auoué donné» Cette nouvelle procédure ne changera rien au sort réservé à Viau.

 Il reste un fait capital qu'aurait présentement retenu tout jury. Si l'amant de Marie Couillau a avoué son crime, allant même jusqu'à dire de quelle façon il l'a executé, le corps de la victime n'a pourtant jamais été retrouvé. On a présumé que son assassin l'a jeté dans le Richelieu. Vers la mi-octobre, le procureur du roi est informé qu'«En la Seigneurie de Beaumont ou Il auroit Esté trouué des le mois de Juin dernier un corps mort Sur la riuage qui pourrit Estre celuy du dit La Chaume autour duquel le Curé dur dit lieur auroit fait amasser des pierres et du sable pour sepulturer attendu la grande corruption ou Il se trouuoit». En apprenant la nouvelle, le Conseil ordonne « que le dit Sr de lamartinière, le dit Procureur general Et Le greffier En chef Se transporteront auec le Sieur Sarrazin medecin Et Chirurgien Et auec vn huissier En la dite Seig.rie de Beaumont pour visiter le dit corps mort». Les quatre hommes s'acquittent de cette mission le lundi 23 du même mois. Malheureusement, cette démarche n'apporte rien qui puisse éclairer la justice.

 La mise en accusation d'un témoin donnera une nouvelle tournure à cette sordide histoire. Par compassion, Pierre Laporte dit Saint-Georges aurait favorisé la fuite de sa nièce en Nouvelle-Angleterre. C'est du moins ce qu'il a déclaré, lors d'une première audience. Mais le récit de cette pérégrination, à travers bois, n'est pas acceptable, du moins sur divers points. Si bien que l'oncle trop bavard est accusé« d'auoir tué lad Marie Couillau Sa niepce En ce quil dit lauoir conduitte vers le pays de la nouuelle angleterre Et de lauoir liurée a des Sauuages quil ne connoissoit pas.» Arrêté par « décret de prise de corps», Laporte réitère la déposition qu'il a antérieurement faite à titre de témoin.

 L'affaire en reste là, sans que personne ne puisse apporter aucun éclaircissement sur les mystérieuse disparitions du couple La Chaume. La femme n'est nulle part, alors que le corps du mari n'est jamais retrouvé.»

Source: La Vie libertine en Nouvelle-France au XVIIe Siècle, par l'historien Robert Lionel Séguin

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