Biographie Labbe Paul
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BOXEUR
Un boxeur franco-américain à connaître: Paul Junior
Par Martin Achard
Très peu de Québécois aujourd’hui savent qui est Paul Junior, de son vrai nom Paul Labbé Junior. Pourtant, cet athlète né au Québec est l’un des meilleurs pugilistes franco-américains de toute l’histoire de la boxe. Voici quelques faits sur lui, sa famille, le milieu néo-anglais dans lequel il vécut, et son remarquable parcours dans le monde du noble art.
Origines et débuts dans la boxe
Paul Junior était le 17e d’une famille canadienne-française de 18 enfants établie dans l’État américain du Maine, d’abord dans la ville d’Augusta puis à Lewiston. Sa mère séjournant à Saint-Frédéric de Beauce l’été de sa naissance, c’est là qu’il vit le jour, le 27 juillet 1907. Alors qu’il n’était âgé que de 15 ans, son père P.-Achille subit une grave blessure au bras dans le moulin de Lewiston où il travaillait comme contremaître. Dès lors, la responsabilité de pourvoir aux besoins de la large famille Labbé échut à Junior et à ses frères. Plutôt que de se trouver un emploi journalier, il choisit d’entamer une carrière professionnelle en boxe, un sport qu’il pratiquait pour le plaisir depuis l’enfance.
Un nombre astronomique de combats
La base de données BoxRec recense 197 combats disputés par Junior entre 1928 et 1940, soit 158 victoires, 23 défaites et 16 matchs nuls. Ce palmarès est toutefois certainement incomplet, notamment parce que BoxRec ne mentionne aucun des combats auxquels il prit part entre 1922 et 1928. Junior lui-même prétendait avoir livré près de 500 matchs au cours de sa carrière, et certaines sources rapportent que son palmarès final s’établissait à 476 victoires et 17 défaites. Si ces chiffres pouvaient être avérés, Junior supplanterait alors l’Anglais Len Wickwar, détenteur d’un palmarès authentifié de 340 victoires, 87 défaites et 42 matchs nuls, comme le recordman pour le plus grand nombre de combats disputés et de victoires acquises dans l’histoire de la boxe professionnelle. Mais de telles statistiques concernant Junior sont probablement exagérées. L’estimé le plus fiable à son sujet paraît être celui effectué par l’historien de la boxe Dick Redmond et rapporté dans le numéro 115 de l’International Boxing Research Organisation Journal, selon lequel Junior aurait livré plus de 300 matchs au total.
Junior ayant boxé aussi souvent, on ne s’étonnera pas qu’il ait affronté certains adversaires à de multiples reprises. Ainsi, il s’est battu au moins 11 fois contre KO Castillo et au moins sept fois contre Golf Ball Bernard. Enfin, on notera qu’il a combattu au moins une dizaine de fois au Québec. C’est d’ailleurs à l’occasion de l’une de ses prestations à Sherbrooke qu’il rencontra sa future épouse, une Québécoise.
Les Labbé, une famille de boxeurs
Le père de Junior, P.-Achille, disputa vraisemblablement une vingtaine de combats dans les deux dernières décennies du 19e siècle, et trois de ses frères connurent des carrières professionnelles elles aussi riches en nombre de matchs:
– KO Labbé (Arthur Labbé), qui compila un palmarès de 108-33-22 entre 1929 et 1940 selon BoxRec.
– Dom Labbé (Dominique Labbé), qui compila un palmarès de 68-13-17 (et 2 no contests) entre 1932 et 1939 selon BoxRec.
– Baby Jack Renault (Jack Labbé), qui compila un palmarès de 37-38-15 (et 1 no contest) entre 1928 et 1940 selon BoxRec.
Les palmarès d’Arthur, de Dominique et de Jack sont certainement, comme celui de Junior, incomplets. Mais même sous cette forme, ils suffisent pour effectuer une comparaison frappante, que voici. Avec 551 matchs consignés dans BoxRec, les quatre frères Labbé ont livré au moins quatre fois plus de combats professionnels que les quatre frères de la célèbre famille Hilton (Alex, Dave, Matthew et Stewart) réunis. C’est tout dire sur le remarquable niveau d’activité des frères Labbé comme pugilistes.
Lewiston, une ville de boxe
Une partie de l’explication de cette surabondance de combats réside dans la grande popularité de la boxe dans la ville où habitait la famille Labbé, Lewiston, à une époque où les gens possédaient moins de moyens qu’aujourd’hui de se divertir le soir et les week-ends, et donc fréquentaient davantage certains types d’évènements, dont des évènements sportifs. Qu’on considère en effet les statistiques suivantes. Selon BoxRec, de 1930 à 1939, 194 programmes de boxe professionnelle furent présentés à Lewiston, une ville qui était alors à peine plus populeuse que Val-d’Or de nos jours. C’est une fois et demie plus que le nombre de programmes tenus à Montréal entre 2010 et 2019. Inutile de préciser que, au cours de cette période 1930-1939, chacun des quatre frères Labbé combattit à des dizaines de reprises dans sa ville.
Quelques faits d’armes
Paul Junior fut non seulement le plus actif des frères Labbé, mais aussi celui qui obtint le plus de succès dans le ring. Il remporta deux fois le titre de champion du Maine des poids légers et deux fois celui de champion de la Nouvelle-Angleterre des poids légers, en plus d’avoir été classé dans le top 10 mondial de la même catégorie de poids. En outre, il pouvait se vanter d’avoir vaincu l’ancien champion du monde des poids plumes et membre de l’International Boxing Hall of Fame Albert «Chalky» Wright, de même que Dave Castilloux, l’un des meilleurs boxeurs québécois de tous les temps.
Deux combats contre Henry Armstrong
Les deux points les plus saillants de la carrière de Junior sont peut-être toutefois ses tentatives pour ravir le championnat du monde des poids mi-moyens au légendaire Henry Armstrong, d’abord le 26 avril 1940 à Boston puis le 21 juin 1940 à Portland. Même s’il s’inclina les deux fois par mise hors de combat, respectivement au septième round et au troisième round, le fait qu’il se soit frotté à Armstrong le place sur la liste extrêmement courte des boxeurs québécois, canadiens-français ou franco-américains qui ont affronté ce qu’on pourrait appeler «la crème de la crème de la crème», c’est-à-dire un pugiliste qui pourrait légitimement prétendre au titre de plus grand boxeur de l’histoire, toutes catégories confondues. Figurent entre autres avec lui sur cette liste les noms de Jack Renault (Léonard Dumoulin), qui a subi deux défaites contre Harry Greb, d’Al McCoy (Florian Lebrasseur), qui a essuyé un revers contre Joe Louis, et de Maxie Berger, qui s’est fait passer le K.-O. par Sugar Ray Robinson.
Une après-carrière toujours marquée au sceau de la boxe
Après sa retraite comme boxeur, vers la fin de 1940, Junior occupa différents emplois, dont charpentier et propriétaire de café.
Il demeura cependant impliqué dans le monde de la boxe, notamment comme entraîneur et gérant, et il eut l’honneur d’être l’un des juges suppléants pour le second combat de championnat du monde des poids lourds entre Muhammad Ali et Sonny Liston, tenu à Lewiston le 25 mai 1965.
Il est mort le 28 novembre 1995, à Lewiston, à l’âge de 88 ans.
Sources utilisées
Anonyme, «Junior Gets Newspaper Verdict Over Castilloux», The Boston Globe, 28 mai 1937.
Anonyme, «Fighting Brothers Help Junior Train», The Boston Globe, 27 janvier 1939.
Entrevue avec Paul Labbé, réalisée par Mark Silber et Raymond Pelletier, le 18 février 1981 à Lewiston (Maine). [Je remercie la University of Maine de m’avoir fait parvenir une copie de la retranscription écrite de cette entrevue.]
Anonyme, «‘Paul Junior’ Dies at 88», Dayton Daily News, 30 novembre 1995.
Paulin Nappert, «Un peu d’histoire», Journal de Beauce-Nord, volume 22 (24), 16 juin 2010. [Note: cette source doit être utilisée avec précaution, car elle renferme plusieurs inexactitudes.]
Dick Redmond, «Paul Junior», International Boxing Research Organisation Journal, numéro 115, septembre 2012.
Rob Sneddon, The Phantom Punch: The Story Behind Boxing’s Most Controversial Bout, Camden, Down East Books, 2015.
James Myall, «Muhammad Ali’s Most Famous Fight Had a Decided French Accent», Bangor Daily News, 7 juin 2016.
BoxRec
Note: Les sources sont listées en ordre chronologique de publication, des plus anciennes aux plus récentes.
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