Biographie Beaugrand Marie-Louis-Honore



Biographie Beaugrand Marie-Louis-Honore

BEAUGRAND, HONORÉ (baptisé Marie-Louis-Honoré), militaire, journaliste, propriétaire de journaux, homme politique et auteur, né le 24 mars 1848 à Saint-Joseph-de-Lanoraie (Lanoraie, Québec), fils de Louis Beaugrand, dit Champagne, navigateur, et de Marie-Josephte (Joséphine) Marion ; le 5 octobre 1873, il épousa à l’église méthodiste St Paul de Fall River, Massachusetts, Eliza Walker (1854–1934), et ils eurent une fille, Estelle (1881–1918) ; décédé le 7 octobre 1906 à Montréal.

         Après des études écourtées au collège Joliette et quelques mois de noviciat chez les Clercs de Saint-Viateur, Honoré Beaugrand reçoit un bref entraînement à l’école militaire de Montréal. Âgé de 17 ans, il part aussitôt à l’étranger, pour ne revenir définitivement au Canada que 13 ans plus tard. Il va d’abord au Mexique, où il combat pendant 18 mois dans l’armée de l’empereur Maximilien. À la fin de la guerre, en 1867, il suit les troupes en France et y demeure un certain temps avant de revenir aux États-Unis et au Mexique, où il exerce divers métiers.

         En 1871, on retrouve Beaugrand à Fall River, où il devient bientôt un personnage important dans le monde des immigrés originaires du Québec. Il fonde des sociétés patriotiques et culturelles, et représente ses concitoyens aux fêtes de la Saint-Jean-Baptiste célébrées à Montréal en 1874 [V. Ferdinand Gagnon*], où il donne lecture d’un Rapport sur la population canadienne française de Fall River, Mass. Surtout, il lance un journal, l’Écho du Canada, où il prend la défense des Franco-Américains et affiche des positions de plus en plus libérales. Après la vente de l’Écho du Canada, il vient passer l’été de 1875 dans la province de Québec, comme rédacteur au Courrier de Montréal de Laurent-Olivier David* et de Cléophas Beausoleil. Mais il repart dès l’automne et fonde un nouveau journal, la République, qu’il déplacera de Boston à Fall River, puis à Saint Louis, au Missouri, et de nouveau à Fall River. C’est là que s’affirme le plus fortement le radicalisme du Beaugrand de cette époque, devenu franc-maçon en 1873. Il se déclare ouvertement anticlérical, déiste et républicain. Pendant ces années en Nouvelle-Angleterre, Beaugrand publie de très nombreux articles, mais aussi quelques récits (dont « le Fantôme de l’avare » et « Anita : souvenirs de la campagne du Mexique »), et surtout un roman, Jeanne la fileuse : épisode de l’émigration franco-canadienne aux États-Unis, paru à Fall River au printemps de 1878. Autant pamphlet qu’œuvre de fiction, l’ouvrage se veut un document sur les causes de l’émigration et les conditions de vie des exilés. Malgré maintes maladresses, ce livre tranche sur la production littéraire de l’époque par son caractère de roman social, son inspiration résolument laïque et son « engagement ».

         Dès lors commence une nouvelle phase dans la vie de Beaugrand. Profitant de ce que les libéraux sont au pouvoir, il s’établit à Ottawa et fonde le Fédéral, qui durera jusqu’en septembre 1878. Un mois plus tard, Beaugrand est à Montréal, où il lance encore des journaux : d’abord un hebdomadaire satirique, le Farceur, puis, en février 1879, à la demande du Parti libéral, un quotidien promis cette fois au plus brillant avenir, la Patrie, dont il demeurera propriétaire jusqu’en 1897.

         Pendant les 10 ou 12 années qui suivent, l’essentiel de l’activité de Beaugrand va à la politique et à l’administration de son journal. En politique, il défend la plus pure tradition libérale, ce qui non seulement l’entraîne dans de vives polémiques avec les conservateurs et le clergé, mais l’oppose aussi aux libéraux modérés, comme Honoré Mercier*, dont il dénonce la coalition avec les conservateurs nationaux, et Wilfrid Laurier*, qui se méfie de lui et réussira bientôt à l’écarter. Plus heureux sur la scène municipale, Beaugrand est élu deux fois maire de Montréal (1885–1887) [V. Jean-Louis Beaudry*] ; il se signale par ses interventions en faveur de la vaccination obligatoire lors de l’épidémie de petite vérole [V. Alphonse-Barnabé Larocque* de Rochbrune]. En affaires, par contre, les choses tournent rondement, et la Patrie est une grande réussite commerciale, fait peu commun à l’époque ; c’est que son directeur a compris qu’un journal de combat ne saurait subsister sans devenir financièrement indépendant des partis et donc sans rejoindre le plus vaste public possible.

         Affecté d’une santé fragile, Beaugrand se retire progressivement de la scène politique à partir du tournant des années 1890. Jouissant d’une fortune appréciable, décoré de la Légion d’honneur, il passera les 15 dernières années de sa vie à voyager et à s’adonner à l’écriture, tout en s’occupant par ailleurs de diverses sociétés culturelles (Alliance française, Société des traditions populaires, Canadian Folklore Society). En partie pour soigner ses poumons, en partie par curiosité d’ethnologue et de géographe amateur, il parcourt successivement le bassin méditerranéen (1888–1889), le Sud-Ouest américain (1889–1890), l’Extrême-Orient (1892–1893), et fait de nombreux séjours prolongés aux États-Unis et en Europe. De ces périples, il publie le récit dans des lettres à la Patrie, qui sont parfois reprises en volumes : Lettres de voyage : France – Italie – Sicile – Malte – Tunisie – Algérie – Espagne (Montréal, 1889) ; Six mois dans les Montagnes-Rocheuses : Colorado, Utah, Nouveau-Mexique (Montréal, 1890). À titre d’homme de lettres, Beaugrand rédige des conférences, qu’il publie à Montréal en 1888 sous le titre de Mélanges ; trois conférences, et surtout écrit quelques études et plusieurs récits inspirés tantôt des mœurs forestières et villageoises, tantôt de ses lectures sur l’ethnologie ou la science. Ces textes paraissent en français dans la Patrie (1891–1892) et divers périodiques, et en anglais dans des revues torontoises et new-yorkaises. En 1900, l’auteur prépare lui-même une magnifique édition à tirage limité de deux recueils de ses écrits de cette période. Le premier, qui s’intitule la Chasse galerie : légendes canadiennes, réunit « la Chasse-galerie », « le Loup-garou », « la Bête à grand’queue », « Macloune » et « le Père Louison ». L’autre, intitulé la Chasse galerie and other Canadian stories, rassemble la traduction de « la Chasse-galerie » et deux récits anglais, « The werwolves » et « la Quête de l’Enfant Jésus ». Quatre ans plus tard, un troisième recueil de même facture paraîtra, toujours à Montréal, sous le titre de New studies of Canadian folk lore.

         Tout au long de sa carrière journalistique, Beaugrand n’a cessé, par ses idées et ses prises de position, de susciter le scandale ou la polémique. Sa mort même donnera lieu à la controverse, certains – comme son ami Joseph-Israël Tarte – affirmant qu’il s’est repenti et converti in extremis, d’autres – comme sa veuve – démentant formellement ces rumeurs. Chose certaine, dans les dernières années de sa vie, Beaugrand affichait toujours ses opinions de libre-penseur : il participait en 1897 à la fondation de la loge montréalaise L’Émancipation, de tendance radicale, et restait proche par la suite des milieux anticléricaux. Sa dépouille est inhumée au cimetière juif de Montréal.

         Si, de son temps, Honoré Beaugrand a surtout été contesté ou admiré pour ses idées et pour son action politique, aujourd’hui c’est avant tout comme écrivain qu’on s’intéresse à lui. Sur ce plan, il apparaît de plus en plus comme l’une des figures les plus attachantes de la fin du xixe siècle, non tant pour la qualité esthétique de ses écrits que par certains aspects de sa vie et de sa carrière : exilé volontaire dans sa jeunesse, homme de culture dans son âge mûr, passionné de liberté et d’idées nouvelles, il incarne à sa manière, dans le paysage idéologique et culturel de son temps, une « modernité » que la critique et l’histoire ont eu jusqu’ici tendance à méconnaître ou à mal évaluer.

François Ricard

À propos des écrits d’Honoré Beaugrand mentionnés dans cette biographie, ajoutons que le Rapport sur la population [...] a probablement été publié en 1874 et est conservé à la Salle Gagnon de la Bibliothèque de la ville de Montréal ; que Jeanne la fileuse a connu une deuxième édition (Montréal, 1888) et une édition préparée par Roger LeMoine (Montréal, 1980) ; que la Chasse-galerie : légendes canadiennes a été réédité à Montréal en 1973 et en 1979, et que François Ricard a préparé une édition critique de tous les récits brefs de Beaugrand sous le titre de la Chasse-galerie et autres récits (Montréal, 1989) ; que les trois conférences publiées dans les Mélanges [...] s’intitulent « De Montréal à Victoria » ; « le Journal : son origine et son histoire » ; « Anita : souvenirs d’un contre-guérillas ». La liste des écrits de Beaugrand comprend, en outre, Catalogue de la bibliothèque de H. Beaugrand (Montréal, 1884), dont une première édition est conservée à la Thomas Fischer Rare Book Library de la Univ. of Toronto. et une deuxième édition (Montréal, 1884) à la Lande Coll. de la McGill Univ. Libraries, Dept. of Rare Books and Special Coll., Montréal.

         On trouve un exemplaire des deux journaux fondés par Beaugrand aux États-Unis, l’Écho du Canada (Fall River, Mass. ; Boston) et la République (Boston ; Fall River ; St Louis, Mo.) à la Salle Gagnon de la Bibliothèque de la ville de Montréal et à l’American Antiquarian Soc. de Worcester, au Massachusetts.

         À part une trentaine de lettres de Beaugrand conservées aux AN, aucun autre document autographe n’a pu être retrouvé. Il semble que ses archives personnelles ainsi que ses collections (livres, œuvres d’art, meubles) aient été dispersées.

         AN, MG 26, G ; MG 29, D27 ; D40.— ANQ-M, CE5-4, 24 mars 1848.— L’Album universel (Montréal), 20 oct. 1906.— Le Canada, 8 oct. 1906.— Le Courrier du Canada, 31 déc. 1896.— Le Journal de Françoise (Montréal), 19 oct. 1907.— La Patrie, 4 janv. 1897, 8 oct. 1906, 27 oct. 1957.— Pierre Bance, « Beaugrand et son temps » (thèse de ph.d., univ. d’Ottawa, 1964).— Aurélien Boivin, « Chronologie et Bibliographie », dans Honoré Beaugrand, la Chasse-galerie (Montréal, 1979).— Charles ab der Halden, Études de littérature canadienne française, introd. de Louis Herbette (Paris, 1904).— Maurice Poteet, « Notre premier roman bourgeois ? » Voix et Images (Montréal), 6 (1980–1981) : 327–332.— Léon Trépanier, « Figures de maires », Cahiers des Dix, 20 (1955) : 160–165.
Source: Dictionnaire biographique en ligne
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