Biographie Dansereau Arthur-Clement



Biographie Dansereau Arthur-Clement

DANSEREAU, ARTHUR (il signe aussi parfois Clément-Arthur, prénoms qu’il a reçus à son baptême), journaliste, rédacteur en chef et propriétaire de journal, et fonctionnaire, né le 5 juillet 1844 à Contrecœur, Bas-Canada, fils de Clément Dansereau et de Louise Fiset ; le 4 septembre 1866, il épousa à Longueuil, Bas-Canada, Cordélie Hurteau, fille cadette d’Isidore Hurteau*, notaire, et de Françoise Lamarre, et ils eurent deux garçons et deux filles qui lui survécurent, puis le 30 août 1880 à Saint-Eustache, Québec, Stephanie MacKay, et de ce mariage une fille et quatre garçons lui survécurent ; décédé le 27 mars 1918 à Montréal.

      Arthur Dansereau est issu d’une famille en vue de Contrecœur. Son père, cultivateur à l’aise, a fait ses études classiques au petit séminaire de Montréal où il s’est lié d’amitié avec George-Étienne Cartier*, dont il est un fidèle partisan dans la circonscription de Verchères. Sa mère, éduquée au couvent de Saint-Denis, sur le Richelieu, mettra dans l’éducation de ses 18 enfants – dont 11 vivront à un âge avancé – toutes les ressources d’une femme instruite, talentueuse et chrétienne. À huit ans, Arthur est mis en pension dans une famille irlandaise pour qu’il apprenne l’anglais, puis chez les Clercs de Saint-Viateur de Verchères, où il termine ses études primaires. De 1855 à 1862, Dansereau fait ses études classiques au collège de L’Assomption où il a Wilfrid Laurier comme condisciple. Il y laisse le souvenir d’un élève surdoué, grand liseur, entreprenant et enjoué. Il rédige durant ses deux années de philosophie les Annales historiques du collège de L’Assomption depuis sa fondation, qu’Eusèbe Senécal* publiera en 1864. À l’automne de 1862, il s’inscrit en droit au McGill College et, à la suggestion de Cartier, il entreprend son stage de clerc chez Désiré Girouard, tout en travaillant à la Minerve (Montréal) comme traducteur vers 1863. Il obtient une licence en droit de McGill en 1865 et est admis au barreau le 4 septembre de la même année.

      Dansereau ne se sent aucune appétence pour la pratique du droit, encore moins pour la vie parlementaire parce que, selon un de ses biographes, sa timidité naturelle le rend incapable de « pérorer coram populo ». Il demeure à la Minerve où, grâce à son talent et à la protection de Cartier, qui lui inspire ses premiers articles, il est promu journaliste, puis rédacteur en chef au moment du départ de Joseph-Alfred-Norbert Provencher* en 1869. Dansereau, qui partage le rêve politique de Cartier, se fait le publiciste de la Confédération canadienne et l’avocat du Parti libéral-conservateur. Il publie des articles percutants en faveur de l’acquisition de Rupert’s Land, de la construction d’un transcontinental et de l’entrée de la Colombie-Britannique dans la Confédération. Il associe la prospérité du pays en train de naître au fait que la route Hong-Kong–Londres via Vancouver et Québec est plus courte que sa rivale via San Francisco et New York. En septembre 1871, les propriétaires de la Minerve, Louis-Napoléon et Denis Duvernay, à court d’argent, en font un copropriétaire moyennant 8 000 $ que lui aurait prêtés le notaire et ministre de l’Agriculture et des Travaux publics Louis Archambeault* sur une hypothèque garantie par les terres de son père.

      Dansereau incarne l’orthodoxie cartiériste face aux ultramontains et, au sein du Parti libéral-conservateur, il devient un stratège dont on recherche les avis et parfois le concours, comme le révèle le scandale des Tanneries en 1874 dans lequel il est impliqué [V. Louis Archambeault ; sir Joseph-Adolphe Chapleau*]. S’il appuie Hector-Louis Langevin* à la chefferie de l’aile québécoise du parti à la suite de la mort de Cartier, il accroche son sort au destin du rival de Langevin, Joseph-Adolphe Chapleau, un ami qu’il compte propulser au pouvoir. C’est Dansereau qui aurait, en 1875, convaincu l’entrepreneur Louis-Adélard Senécal*, son parent par alliance, de s’associer à Chapleau et qui aurait incité ce dernier à prendre ses distances avec les ultramontains et le gouvernement de Charles Boucher de Boucherville. Il aurait aussi fourni à Chapleau en mars 1878 les arguments juridiques et historiques pour désavouer le coup d’État du lieutenant-gouverneur Luc Letellier* de Saint-Just. Il rédige en août 1879 la motion adoptée par le Conseil législatif qui reporte le vote des subsides et, de ce fait, entraîne la chute du gouvernement d’Henri-Gustave Joly* et fait accéder Chapleau au poste de premier ministre de la province de Québec.

      Chapleau s’appuie sur un groupe de conseillers intimes pour la conduite des affaires publiques. Dansereau, qu’on dit le pourvoyeur de faits, d’arguments et de projets du gouvernement, est une sorte de ministre de l’Intérieur – sans en avoir le titre bien sûr. Il a la haute main sur l’idéologie, les orientations et les nominations politiques. Toutefois, la Minerve, dont la situation financière est précaire, lui cause bien du souci. En mars 1879, avec des fonds que lui aurait prêtés son beau-père, il avait formé avec Jean-Baptiste Rolland* la Dansereau et Compagnie qui avait acquis les intérêts des Duvernay dans le journal. Un concours fortuit de circonstances, la mort de son beau-père puis celle de sa femme, l’oblige à se départir de La Minerve pour sauvegarder les biens de sa belle-mère. Le 3 août 1880, bien qu’il demeure le conseiller de Chapleau, il accepte pour assurer son pain quotidien le poste de greffier de la couronne et de la paix, conjointement avec Charles Edward Schiller, dans le district de Montréal ; puis, au début de septembre, il vend la Minerve pour la somme de 38 000 $ à des conservateurs sympathiques à Chapleau et associés dans la Compagnie d’imprimerie de La Minerve [V. Joseph Tassé*]. En juillet 1882, il est remplacé comme greffier après avoir démissionné de ce poste dont les fonctions sont incompatibles avec ses activités politiques. À l’automne de 1883, le gouvernement de Joseph-Alfred Mousseau* l’envoie en Europe acheter des ouvrages pour reconstituer une partie de la Bibliothèque de la Législature détruite dans l’incendie d’avril 1883. La pertinence des volumes qu’il acquiert et des factures qu’il produit fera l’objet d’un long débat en Chambre au printemps de 1886 : l’opposition lui reprochera d’avoir présenté des doubles factures et d’avoir mal utilisé les 75 000 francs (environ 15 000 $) dont il disposait. Finalement, le gouvernement se servira de sa majorité en Chambre pour baillonner l’opposition et l’affaire n’aura pas de suites.

      À son retour d’Europe en 1884, Dansereau trouve les chapleautistes en perte de vitesse. Leur chef a choisi de servir sur la scène fédérale, où Langevin le maintient dans un poste sans influence et, à Québec, John Jones Ross* dirige un cabinet qui fait large place aux ultramontains. Une réaction s’impose : le gendre de Senécal, William Blumhart, lance la Presse en octobre 1884, journal tout dévoué à Chapleau. Dansereau en devient le rédacteur en chef. C’est peine perdue. Le sort de Chapleau est lié à celui de l’aile québécoise du Parti libéral-conservateur qui, ébranlée par l’affaire Riel [V. Louis Riel*], la scission des ultramontains et la question des écoles du Manitoba [V. Thomas Greenway*], agonise dans des luttes fratricides. Laurier, chef du Parti libéral, est en voie de supplanter Chapleau dans le cœur des électeurs. Il est temps. de quitter le navire : Dansereau est nommé en janvier 1891 maître de poste à Montréal et, l’année suivante, Chapleau accepte le poste de lieutenant-gouverneur de la province de Québec.

      Dansereau ne quitte pas pour autant le journalisme et la politique. Il tient dans la Presse à partir de 1894 une chronique scientifique et, dans sa maison de Longue-Pointe (Montréal), il reçoit des « bleus » et des « rouges » pour préparer un réalignement des forces politiques. De part et d’autre, on songe à une fusion sur la scène provinciale des modérés des deux grands partis pour écarter tout à la fois les ultramontains et les radicaux. Sous la pression des militants libéraux, Laurier, élu premier ministre du Canada en 1896, écarte ce projet. Chapleau doit se retirer de la politique active en 1897 et, ainsi le veut le favoritisme de l’époque, Dansereau doit remettre sa démission comme maître de poste en février 1899. Le 27 mars, il devient le directeur politique de la Presse, poste qu’il occupera jusqu’à sa mort, avec mission de défendre la politique de Laurier. Sous sa gouverne, la Presse passe en moins de deux ans d’une neutralité bienveillante à l’égard de Laurier à un appui éditorial indéfectible. Le poste qu’occupe Dansereau exige beaucoup de doigté. La Presse n’est plus un journal d’opinion, mais une entreprise commerciale dont la rentabilité repose sur une information générale diffusée à une large clientèle. Il est de la responsabilité du directeur de veiller à ce que tout en appuyant Laurier dans ses éditoriaux, la Presse n’indispose pas les annonceurs, le clergé, les corps intermédiaires ni les électeurs. Dansereau, conseiller et publiciste de Laurier, mais aussi l’homme de confiance de Trefflé Berthiaume, le propriétaire de la Presse, excellera le reste de sa vie dans cette fonction.

      La carrière de Dansereau est unique tant par sa longévité que par ses rebondissements et son brio. Au physique, en dépit de ses dehors simples et de ses allures d’homme timide, Dansereau était imposant avec sa poitrine d’athlète, son front large et sa physionomie qui rappelle Honoré de Balzac. D’un naturel doux et calme, d’une exquise sensibilité et d’une générosité qui frisait la prodigalité et l’imprévoyance, il avait les sentiments et les goûts d’un grand seigneur. Son esprit supérieur était servi par une mémoire encyclopédique, une vaste érudition, une intelligence capable d’élaborer de grandes conceptions et de discerner le pour et le contre d’une proposition, un instinct pour flairer le vent, et un jugement sûr pour apprécier les hommes et les événements. Homme d’action épris du pouvoir, il a servi fidèlement tour à tour deux hommes, un bleu et un rouge, parce que Chapleau et Laurier, en des temps différents, ont assumé l’héritage de Cartier, son mentor. En 1907, au banquet qui soulignait ses 40 années de journalisme, il avouait : « Il [Cartier] me donna une règle de vie dont je n’ai jamais dévié. » Cette règle était une vision politique selon laquelle il n’y avait d’avenir pour la nationalité canadienne-française qu’au sein d’une confédération des colonies animée d’une grande loyauté envers la couronne britannique et d’une fraternité entre les races qui n’excluait pas une saine rivalité en affaires et en politique. Par ses prises de position partisanes et subites volte-face, Dansereau a constamment défendu cette vision politique dans des articles toujours construits avec rigueur, le plus souvent bien documentés et parfois d’une élévation de pensée certaine. Témoin privilégié de la métamorphose des journaux, il en est venu à assigner à la presse qui fabrique l’opinion publique une mission élevée : « C’est à une presse indépendante et non muselée plus encore qu’au Banc, qu’au Barreau et qu’à la chaire que le peuple doit sa protection contre l’oppression et l’injustice. »

Michèle Brassard et Jean Hamelin

Arthur Dansereau est reconnu comme l’auteur des brochures suivantes : les Rouges et les Bleus devant le pays : quelques pages de politique (Montréal, 1875) ; le Lieutenant-Gouverneur de Québec et les Prérogatives royales (Montréal, 1878) ; les Ruines libérales (Montréal, 1878) ; Cantate : les Cygnes malades (Montréal, 1879) ; la Crise politique de Québec : notes et précédents (Québec, 1879) ; Protection et Libre-Échange, quelques statistiques (Montréal, 1879) ; le Refus des subsides : autorités et précédents (Montréal, 1879) ; les Contes de M. Mercier ([Montréal ?, 1883 ?]). Il a aussi publié une étude de sir Joseph-Adolphe Chapleau dans les Hommes du jour : galerie de portraits contemporains, L.-H. Taché, édit. (32 sér. en 16 vol., Montréal, 1890–[1894]), 4e sér., et une autre de sir George-Étienne Cartier dans George-Étienne Cartier : études (Montréal, [1914 ?]).

      AN, MG 26, G.— ANQ-M, CE1-12, 4 sept. 1866 ; CE1-58, 6 juill. 1844 ; CE6-11, 30 août 1880.— Arch. de l’univ. du Québec à Montréal, Fonds Clément-Arthur-Dansereau.— Arch. de l’univ. Laval, P293 (fonds Elzéar-Lavoie).— Gazette (Montréal), 28 mars 1918.— La Minerve 22 août 1864.— Le Monde illustré (Montréal), 14 févr. 1891.— Montreal Daily Star. 3 févr. 1899, 27 mars 1918.— La Patrie, 4 janv. 1915, 27 mars 1918, 23 avril 1944.— La Presse, 27 mars 1899, 19 juill., 22 août 1902, 9 sept. 1907, 27, 30 mars, 22 juin 1918.— Jean Armand, « Clément-Arthur Dansereau (de la Presse) et la Guerre 1914–1918 : exploration d’un corpus documentaire et des éditoriaux » (mémoire de m.a., univ. Laval, 1989).— F.-J. Audet, Contrecœur ; famille, seigneurie, paroisse, village (Montréal, 1940).— F.-M. Bibaud, le Panthéon canadien ; choix de biographies, Adèle et Victoria Bibaud, édit. (nouv. éd., Montréal, 1891).— Jean de Bonville, « les Dossiers de presse d’Arthur Dansereau : description et évaluation de la documentation » (mémoire, école de bibliothéconomie, univ. de Montréal, 1975) ; la Presse québécoise de 1884 à 1914 ; genèse d’un média de masse (Québec, 1988).— Cyrille Felteau, Histoire de la Presse (2 vol., Montréal, 1983–1984).— Anastase Forget, Histoire du collège de L’Assomption ; 1833 – un siècle – 1933 (Montréal, [1933]).— J. Hamelin et al., la Presse québécoise, 2–3.— « The Quebec political crisis » (notes and precedents) : the opposition pamphlet, better known as the « Dansereau brochure », examined and refuted by the light of British constitutional history and precedent (Québec, 1879).— Rumilly, Hist. de la prov. de Québec, 1–14 ; 20 ; 22.— Lise Saint-Jacques, « Mgr Bruchési et le Contrôle des paroles divergentes : journalisme, polémiques et censure (1896–1910) » (mémoire de m.a., univ. du Québec à Montréal, 1987).— Vieux-Rouge [P.-A.-J. Voyer], les Contemporains : série de biographies des hommes du jour (2 vol., Montréal, 1898–1899), 1 : 17–25.

(Texte envoyé par Ginette Arpin, participante à Généalogie du Québec)
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