Biographie Franchere Gabriel
FRANCHÈRE, GABRIEL, trafiquant de fourrures, négociant et auteur, né le 3 novembre 1786 à Montréal, fils de Gabriel Franchère, négociant, et de Félicité Morin (Miron, Marin), décédé le 12 avril 1863, à St Paul, Minnesota.
L’ancêtre de Gabriel Franchère, médecin de bord, vint de France à Québec au milieu du xviiie siècle. Son père réussit moyennement dans le commerce, finit par devenir maître du port de Montréal et, quand il mourut dans cette ville en mai 1832, on lui décerna le titre de « doyen des marchands et des marguilliers ». Gabriel reçut vraisemblablement une certaine instruction, mais on ne connaît rien de sa vie avant le printemps de 1810. C’est alors que, espérant connaître de l’avancement dans le projet d’entreprise de John Jacob Astor* sur le fleuve Columbia, il s’engagea comme commis – l’un des nombreux commis et voyageurs recrutés à Montréal – et fit voile de New York dans une aventure qui décida du reste de son existence.
La fondation de la Pacific Fur Company et l’établissement d’un poste de traite de fourrures à l’embouchure du Columbia faisaient partie du projet d’Astor de dominer le commerce des fourrures aux États-Unis et peut-être sur le continent. L’empire d’Astor reposait sur les ventes et achats de fourrures, de thé, de bois de santal, de provisions pour les postes, d’articles de traite, de fournitures générales et aussi sur l’expédition de marchandises, et s’étendait des États-Unis jusqu’à l’Europe et l’Orient. Ses activités dans le Pacifique ainsi que l’essor du commerce des pelleteries dans l’ouest de l’Amérique du Nord nécessitèrent l’établissement d’un quartier général fortifié. On construisit à cet effet le fort Astoria en 1811, mais le risque d’hostilités par suite de la déclaration de guerre avec la Grande-Bretagne en 1812 et la concurrence agressive de la North West Company contraignirent la Pacific Fur Company à vendre son actif aux Nor’Westers, en octobre 1813.
Franchère, simple commis dans le vaste projet d’Astor, fut membre du groupe de Duncan McDougall * qui, en 1810, fit le voyage difficile vers le Columbia en contournant le cap Horn, sous la conduite orageuse du capitaine Jonathan Thorn à bord du Tonquin. Franchère démontra ses capacités et son sens commun dans les luttes quotidiennes à l’avant-poste, surveilla la concurrence entre les deux compagnies et, finalement, retourna au Canada avec quelques-uns des survivants de l’entreprise d’Astor qui faisaient partie d’un groupe de Nor’Westers, en 1814. Mais le rôle qu’il joua au cours de l’expédition fut de moins grande portée que le précieux récit qu’il laissa de celle-ci, seules annales tenues par une personne dont le service entier s’effectua au fort.
Franchère avait tenu un journal dans la simple intention de décrire d’une façon précise, pour sa famille et ses amis, ce que, selon ses propres mots, il avait « vu et appris », et il prépara un manuscrit pour publication, exactement cinq années après les événements. Le manuscrit fut édité par un journaliste et auteur respecté de Montréal, Michel Bibaud *, qui fit des additions et des révisions considérables pour sa publication en 1820. Le livre devint rapidement rare et recherché dans le Bas-Canada, et il établit la notoriété de Franchère comme voyageur et écrivain. Étant le récit le meilleur et le plus complet de l’entreprise d’Astor, il fut la principale source de Washington Irving pour son livre sur Astoria, un élément secondaire dans les débats du Congrès des États-Unis au sujet des frontières de l’Oregon en 1846 – Franchère fut alors invité à se rendre à Washington parle sénateur Thomas Hart Benton – et un ouvrage fréquemment cité sur la traite des fourrures avec les Indiens à l’époque. Le différend sur l’Oregon et la publication des récits sur Astoria, non seulement par Irving mais aussi par Ross Cox* et Alexander Ross*, provoquèrent la traduction en anglais de l’ouvrage de Franchère, qui fut publiée en 1854. Basée sur le texte de Bibaud, elle fut préparée par Jedediah Vincent Huntington, écrivain américain en vue, qui travailla avec l’auteur à éclaircir la perspective et dramatiser davantage l’action. Depuis, au moins quatre versions du récit de Franchère ont été publiées, chacune augmentée d’une introduction et de notes considérables.
Après son retour du Pacifique, Franchère s’était apparemment installé parmi la société des commerçants de fourrures à Montréal. Le 24 avril 1815, il épousa Sophie Routhier, la « jeune fille fidèle » qui « l’attendait encore », et les archives familiales laissent à penser qu’il demeura dans la ville ou à proximité pendant les 19 années suivantes. Il est certain qu’il fut l’agent principal de l’American Fur Company à Montréal de 1828 à 1834. Pendant ces années, la compagnie connut une grande prospérité, déclarant des profits annuels de quelque $200 000, et son bureau de Montréal joua un rôle modeste en fournissant quelques-uns des 400 à 500 engagés qui travaillaient pour le compte d’Astor à raison de $80 à $200 par année. Franchère faisait de la publicité pour recruter des hommes, allait d’une ville à l’autre pour les engager, payait les notaires pour la rédaction des engagements, prévoyait l’achat de la farine, du porc et des spiritueux nécessaires pour effectuer le voyage au quartier général de Mackinac (Michigan), et s’occupait des problèmes inévitables de recherche et d’arrestation créés par les nombreux « déserteurs et délinquants » qui acceptaient une avance en argent et disparaissaient dans les bois.
Quand Astor quitta le commerce des fourrures en 1834, un autre astorien, Ramsay Crooks*, prit la direction de l’American Fur Company. Franchère accepta de gérer l’agence de la compagnie à Sault Ste Marie (Michigan) et fut, une fois de plus, commerçant et trafiquant dans des avant-postes. En 1842, il devint agent à New York de la Pierre Chouteau, Jr, and Company. Il fonda sa propre maison de commission en fourrures à Brooklyn, en 1857, et, à son décès, il était probablement encore dans cette affaire.
Pendant ces années à New York, Franchère connut des moments difficiles, particulièrement après la faillite de l’American Fur Company en 1842, alors que, selon un ami, il agit envers celle-ci « d’une manière très honorable et sacrifia sa fortune personnelle pour l’aider à faire face à ses obligations ». Mais à la même époque, Franchère noua aussi des relations plus étroites avec la population canadienne-française des deux côtés de la frontière. On l’a reconnu comme le fondateur de la première section américaine de la Société Saint-Jean-Baptiste, vers 1850. Il encouragea les soirées littéraires à l’échelon local et écrivit divers articles pour des journaux montréalais. En 1853, il fut l’objet d’un accueil public lors d’une visite à Montréal, et on lui présenta une adresse signée par 100 citoyens en vue, afin de souligner son œuvre comme président de la société de New York.
Pendant leur séjour à Montréal et à Sault Ste Marie, Franchère et sa femme eurent huit enfants, dont six atteignirent l’âge adulte. Quand Sophie Routhier décéda en 1837, Franchère s’inquiéta au sujet de ses deux jeunes filles, mais ayant été fortuitement présenté à une veuve, Charlotte Prince, à Detroit, ses difficultés connurent une fin heureuse en 1839. Franchère mérita l’estime des gens avec lesquels il vécut. Dans une juste appréciation, l’une de ses connaissances, Benjamin Parke Avery, du Minnesota, le décrit comme étant « de mœurs simples et correctes, qui lui valurent une bonne santé physique et mentale. Il possédait une nature joviale, teintée d’humour inoffensif ; il était très actif et intelligent, bienveillant à l’extrême, loyal envers sa patrie d’adoption et était profondément attaché à la foi chrétienne. »
Gerald Friesen
Gerald Friesen, « FRANCHÈRE, GABRIEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 avril 2016, http://www.biographi.ca/fr/bio/franchere_gabriel_9F.html.
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