Biographie Daoust Rene
Le centenaire de René-Lionel D’Aoust
2 décembre 1916 – 2 décembre 2016
’’Nos étés en ce temps là filaient comme ça : par beaux temps le samedi, nous partions en voiture jusqu’au lac St-Louis, munis de nos pauvres gréments, pêcher le crapès-soleil et la perchaude. À bord de notre chaloupe Verchère, papa, Grand Capitaine, ramait de ses bras de géant contre tous les courants jusqu'aux îles mystérieuses que mon père savait si bien mystifier. Nous, les trois plus petits, étions exaltés par ces grandes épopées tandis que maman, siègeant au devant, couverte de son grand chapeau, filait l’eau de ses doigts fins tout en fredonnant. Sans le savoir, nous vogions sur ces mêmes flots que nos ancêres, bien avant-nous, navigaient depuis 300 ans…’’
Par un frisquet dimanche du 2 décembre 1916 naquit mon père René à Papineauville, au bord de la rivière des Outaouais. Cinqième et dernier enfant de Josaphat D’Aoust et de Rose-Anna Filiatrault, papa survient neuf ans après sa sœur cadette Élodie. Ce garçon inespéré, comme un cadeau du ciel, permettra à mes grands-parents de poursuivre la culture de leur terre bien au-delà du temps qu’ils avaient escompté. Dès 1932, papa devint à 16 ans, le maitre des champs l’été et bûcheron l’hiver durant. Ses gages au camps était de 50 cents par jour mais lorsqu’on a du courage, rien n’arrête le cœur à l’ouvrage. Charmant et bien charpenté par le dur labeur voué à la terre et aux forêts, il devint inévitable que papa séduise un jour Alma, ma mère, sa voisine du village d’à côté et membre de la grande famille de Joseph Malo et Eva Blais de Plaisance. Puis de 1937 à 1943, papa marié poursuivera ce pourquoi il était destiné. Attelé derrière son ‘’beu’’ pour les labours du printemps et d'automne, plantant les semences et engrangeant les récoltes le moment venu. Entre le ‘’train’’ à l’étable, du poulailler, de la porcherie et la boucherie d’automne, papa lançait ses filets dans la rivière gorgée de barbottes et d’anguilles qu’il salait, séchait et vendaient au village. Mais l’été 1943 changea le cours de sa vie. Papa, déjà père de 3 enfants, voulu obtenir les droits de propriété de la terre matrimoniale dont les titres appartenaient à sa mère Rose-Anna, reçus à l'âge de 5ans en 1882 de son père Camille Filiatrault. Mais elle refusa cette donation comme c’était pourtant la coutume… Papa plia donc baggages avec 100$ en poche et parti pour la grande ville de Montréal. Maman et les 3 ainés le suivront peu près. Nous sommes en pleine 2è guerre mondiale. Les opportunités se feront nombreuses et mon père saura les saisir. Travaillant 100 heures semaine pour 100$, papa réussira en quelques années à amasser un petit pactole et deviendra, en 1945, propriétaire d’une épicerie à Montréal rue Bélanger coin Cartier. Tantôt chauffeur d’autobus, tantôt postier, il travaillera entre autres pour la laiterie ‘’Perfection’’ au marché Atwater. C’est aussi à cette période qu’il achètera fièrement sa première voiture. En décembre 1951, l’appartement déjà bien étroit avant même l’arrivée de ma soeur Ginette, la benjamine des filles, papa vendra l’épicerie et achètera notre maison à St-Hubert, au grand désespoir de maman, si citadine… Puis, les années passèrent et moi et mon frère Jean-Luc termineront le cycle de cette génération. De la fin des années 1950 jusqu’en 1977, mon père travaillera à l’entretient des édifices de la Défense Nationale; au début à la base militaire de St-Hubert puis au régiment de Maisonneuve, rue Cathcart à Montréal. Papa trimera dur toute sa vie, cumulant le double emploi pour subvenir aux besoins des 9 membres de notre famille.
'' Mais mon père, homme et fils déraciné, arraché à sa terre et à sa rivière, le 1er de sa lignée depuis l’arrivée de Guillame Daoust en 1675 à briser ce lien originel d’agriculteur, rêvera longtemps d’un petit lopin de terre à labourer. Parfois du côté du Chenal du Moine à Sorel-Tracy, tantôt vers les terres rouges, sablonneuses et combien lointaine du Nouveau Brunswick, mais en vain…
Puis ce funeste 21 décembre 1977, à 61 ans à peine, pendant une terrible tempête de neige où on n’y voyait ni ciel ni terre, vous avez retrouvé le chemin de vos terres et de votre rivière afin de vous y reposer auprès des vôtres; de vos grands-parents Isidore Daoust, lignée de Charles fils de Guillame et de Marie-Magdeleine Lalonde et de Alodie Daoust, lignée de Louis, frère de Charles. Au côté de Josaphat et Rose-Anna, vos père et mère, vos frères et sœurs, puis maman en 2006 et Ginette partie bien trop tôt en 2012 et de nous tous un jour pour y être rassemblés et refleurir nos lits…
Mon cher papa, comment oublier vos yeux si bleus, tout plein d’humanité, vos larges mains bienveillantes, votre voix grave, si belle qui nous acceuillait de vos éternels chansons d’amour. Et malgré les 39 ans qui nous séparent de nos derniers adieux, bien au-delà du temps qui reste, avec ces nouvelles générations qui nous succèdent et dont vous êtes le patriarche, nous songerons éternellement à vous et soulignons en cette année 2016, votre centenaire espérant ainsi immortaliser ce funeste oubli…
Votre fils,
Michel D'Aoust
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