Biographie Simeon Marchesseault
Ardent Patriote, sa bravoure et son sang-froid sur le champ de bataille n'ont d'égales que son énergie et sa générosité envers ses camarades
MARCHESSEAULT (Marchessault), SIMÉON (baptisé Abraham-Siméon), instituteur, fonctionnaire et patriote, né le 18 février 1806 à Saint-Ours, Bas-Canada, et baptisé le même jour à Saint-Antoine-sur-Richelieu, fils d’Abraham-François Marchessaut, maître forgeron, et d’Émélie Cormier ; décédé le 8 juillet 1855 à Saint-Hyacinthe, Bas-Canada.
Siméon Marchesseault était par son père et par sa mère d’ascendance acadienne. Originaire de Saint-Jary, près de La Rochelle, en France, l’ancêtre de Marchesseault, Jean Marchesseau, serait probablement arrivé en Acadie vers le début du xviiie siècle. En 1770, son petit-fils, Christophe Marchessaut, grand-père de Siméon, s’était, semble-t-il, fixé à Saint-Antoine-sur-Richelieu, dans la province de Québec. Quant à la mère de Siméon Marchesseault, elle appartenait à une famille dont l’aïeul, Robert Cormier, s’était établi à Port-Royal (Annapolis Royal, Nouvelle-Écosse) dès 1654. Les descendants de celui-ci avaient été chassés de l’Acadie par les Britanniques lors de la Déportation. D’après Laurent-Olivier David* et Ægidius Fauteux*, Marchesseault aurait étudié quelques années au petit séminaire de Montréal. Son nom n’apparaît cependant pas sur la liste des élèves de cette institution ; en revanche, il figure au catalogue des élèves du collège de Saint-Hyacinthe pour l’année 1821–1822. Après ses études, Marchesseault alla travailler comme instituteur à Saint-Denis, sur le Richelieu, puis il s’installa dans le village voisin de Saint-Charles-sur-Richelieu où il continua d’enseigner avec Jean-Philippe Boucher-Belleville*. Le 22 septembre 1829, il épousa à cet endroit Judith Morin, et de cette union naquirent trois fils et cinq filles. Il semble que Marchesseault ait toutefois eu du mal à faire vivre sa famille, puisqu’en 1837 il avait abandonné son métier pour la charge d’huissier de la Cour du banc du roi du district de Montréal.
Intelligent, ardent et actif, Marchesseault ne tarda pas à joindre les rangs des partisans de Louis-Joseph Papineau* et à s’engager dans la lutte constitutionnelle. Fort de son instruction, de son expérience d’instituteur et de ses dons d’orateur, il avait, selon le mot de David, « de l’empire sur le peuple ». Il se fit l’un des défenseurs les plus énergiques de la cause patriote. En 1834, à Saint-Denis, lors d’une assemblée de protestation contre le rejet des Quatre-vingt-douze Résolutions par le Conseil législatif, il fut nommé membre d’un comité chargé de « promouvoir le bien général de la province ». Deux ans plus tard, il participa dans le même village à la fête de la Saint-Jean-Baptiste au cours de laquelle on inaugura un monument à la mémoire de Louis Marcoux, patriote tué d’un coup de fusil par des bureaucrates pendant la campagne électorale à William Henry (Sorel) en 1834 ; il prononça à cette occasion un discours républicain.
En 1837, même s’il n’appartenait pas au groupe des professions libérales, Marchesseault comptait parmi les patriotes les plus importants de Saint-Charles-sur-Richelieu. Présent à toutes les grandes assemblées qui eurent lieu dans le comté de Richelieu avant la rébellion, il y soulevait le peuple contre le gouvernement et le poussait à la révolte par ses propos exaltés. Le 7 mai, à l’assemblée de Saint-Ours, il condamna à la suite de Wolfred Nelson* et de Cyrille-Hector-Octave Côté* les résolutions de lord John Russell qu’il qualifia de « violation du contrat social » et dit regretter que les Canadiens français n’aient pas pris le parti des Américains en 1775. Le 23 octobre, il reçut dans sa maison les délégués réunis pour rédiger les retentissantes résolutions des six comtés, puis appuya, au cours de la fameuse assemblée qui suivit, la résolution proposant la création de sections des Fils de la liberté dans ces comtés ; il mit lui-même sur pied peu après l’une de ces sections dans son village. Le 5 novembre, il protesta à la porte de l’église de Saint-Charles-sur-Richelieu contre le premier mandement de l’évêque de Montréal, Mgr Jean-Jacques Lartigue*, appelant à l’obéissance et à la soumission aux autorités, et exhorta ses compatriotes à continuer de faire de l’agitation.
Lorsque la rébellion éclata, Marchesseault fut l’un des premiers à prendre les armes. À partir du 18 novembre 1837, avec Thomas Storrow Brown*, Henri-Alphonse Gauvin* et Rodolphe Desrivières*, chefs patriotes venus de Montréal pour se dérober aux mandats d’arrestation lancés contre eux par les autorités deux jours plus tôt, il organisa un camp retranché à Saint-Charles-sur-Richelieu. Le lendemain, Marchesseault fut nommé capitaine et devenait l’un des aides de camp du général Brown. Le 23 novembre, il prit part à la bataille de Saint-Denis, puis deux jours plus tard, à celle de Saint-Charles-sur-Richelieu.
Dans ce village, Marchesseault se distingua en prenant le commandement après le départ de Brown pour Saint-Denis. Il se battit avec l’énergie du désespoir aux côtés d’une centaine d’hommes contre les troupes bien entraînées et trois fois plus nombreuses du lieutenant-colonel George Augustus Wetherall*. Selon Edward Alexander Theller, il réussit même l’exploit d’abattre le cheval que montait ce chef militaire. Mais bientôt le camp fut entouré, les boulets brisèrent les remparts, et Marchesseault dut s’enfuir pour échapper à un massacre certain. Il lança son cheval au milieu des soldats britanniques et, en sautant par-dessus les retranchements, il faillit se faire tuer par une balle qui pénétra dans une liasse de papiers qu’il portait dans une poche de son habit. Il se dirigea alors vers le village. Pour éviter de se faire reconnaître, il se confondit avec les soldats qui avaient mis le feu à sa maison ; grâce à cette ruse, il put entrer dans sa demeure et y chercher des papiers importants, puis courir à son étable mettre ses animaux à l’abri des flammes et enfin aller se cacher dans les bois pour se soustraire à la poursuite des volontaires.
Le 1er décembre 1837, Marchesseault partait pour les États-Unis avec Nelson et quelques autres patriotes. Après s’être séparé de plusieurs de ses compagnons à la suite d’une alerte, il s’égara cependant dans les bois et fut arrêté avec Boucher-Belleville, Desrivières, Timothée Kimber et un ou deux autres camarades qui étaient restés avec lui, le 7 décembre à Bedford, près de la frontière américaine. Écroué au fort Lennox, dans l’île aux Noix, il fut transféré le 12 décembre à la prison de Montréal, en même temps que Nelson, Desrivières, Gauvin et Robert-Shore-Milnes Bouchette*. Le 26 juin 1838, il acceptait avec sept autres patriotes de signer un aveu de culpabilité en échange de l’amnistie des autres prisonniers politiques. Deux jours plus tard, il fut condamné à l’exil par la proclamation de lord Durham [Lambton*]. Le 4 juillet, il quittait Québec à bord de la frégate Vestal, à destination des Bermudes où il débarqua le 28 juillet.
Élargi le 26 octobre 1838, Marchesseault se rendit aux États-Unis. Dès son arrivée dans ce pays, le 9 novembre, il se rapprocha de la frontière canadienne et s’installa tour à tour à Swanton, dans le Vermont, à Champlain, dans l’état de New York, et à Burlington, dans le Vermont. À ce dernier endroit, il écrivit au procureur général, Charles Richard Ogden*, pour demander l’autorisation de rentrer au Canada. Ogden opposa toutefois une fin de non-recevoir à sa demande, de crainte qu’il ne fomente de nouveaux troubles.
En attendant, Marchesseault menait une vie misérable. Pour assurer sa subsistance, il accepta toutes sortes d’emplois. Entre autres, il repassa des peaux de rats musqués pendant un mois chez un marchand de fourrures à Swanton. En août 1840, il ouvrit une épicerie avec l’aide d’un marchand de Burlington qui lui prêta pour 30 $ de marchandises, mais son commerce se révéla peu rentable et il dut bientôt le liquider. Lorsqu’il n’avait pas de travail, il faisait de la contrebande, ce qui l’amenait à passer la frontière pour se rendre dans la vallée du Richelieu où il pouvait rencontrer secrètement sa famille.
En octobre 1840, Marchesseault put rentrer définitivement au Bas-Canada. Peu après son retour, il alla s’établir avec sa femme et ses enfants à Saint-Hyacinthe où il exerça de nouveau les fonctions d’huissier. Il mourut à cet endroit le 8 juillet 1855, à l’âge de 49 ans.
C’est comme patriote que Siméon Marchesseault s’est surtout fait connaître au cours de sa vie. Lors de la rébellion, il s’était signalé par sa bravoure et son sang-froid sur le champ de bataille et avait fait preuve de générosité en acceptant l’exil. Même s’il se retrouva dans le camp des vaincus, il pouvait s’enorgueillir d’avoir été de ceux qui n’avaient pas craint de prendre les armes pour tenter de libérer le peuple canadien-français de l’oppression britannique au Bas-Canada en 1837.
Michel de Lorimier
Siméon Marchesseault a entretenu une correspondance suivie avec sa famille et avec ses proches à l’époque de son incarcération à la prison de Montréal, de son exil aux Bermudes et de son séjour aux États-Unis après sa libération. La majeure partie de ses lettres est déposée aux ASTR, dans les papiers Siméon Marchesseault, qui font partie de la collection Montarville Boucher de la Bruère (0032) ; ces papiers contiennent aussi sa demande d’indemnité pour les pertes subies par suite de l’incendie de sa maison à Saint-Charles-sur-Richelieu. Deux lettres de Marchesseault sont de plus conservées aux ANQ, une lettre à René-Auguste-Richard Hubert, écrite le 7 septembre 1838, racontant la situation des patriotes exilés aux Bermudes (ANQ-M, P1000-34-805) et une autre à son épouse, écrite le 6 décembre 1838 (ANQ-Q, E17/36, no 2873).
Montarville Boucher de La Bruère a publié plusieurs des lettres de Marchesseault dans son article intitulé « Un héros maskoutain de l’épopée canadienne, 1837–1838 : les lettres de Siméon Marchesseault », paru dans le Clairon (Saint-Hyacinthe, Québec), 14 mars 1930 : 1, 5, 8. D’autres lettres de Marchesseault ont été reproduites dans « Documents inédits », Yvon Thériault, édit., RHAF, 17 (1963–1964) : 107–112, 424–432.
ANQ-M, CE1-3, 18 févr. 1806 ; CE2-1, 11 juill. 1855 ; CE2-10, 22 sept. 1829 ; CE3-12, 16 janv. 1804.— ANQ-Q, E17/9, nos 345–346, 352, 355 ; E17/14, no 844 ; E17/15, no 862 ; E17/22, nos 1485–1486 ; E17/37, no 2983 ; E17/40, no 3206a ; E17/51, nos 4106, 4137, 4145.— APC, MG 30, D1, 20 : 315–319.— BVM-G, Fonds Ægidius Fauteux, notes compilées par Ægidius Fauteux sur les patriotes de 1837–1838 dont les noms commencent par la lettre M, carton 7.— [L.-J.-]A. Papineau, Journal d’un Fils de la liberté, réfugié aux États-Unis, par suite de l’insurrection canadienne, en 1837 (2 vol. parus, Montréal, 1972– ), 1 : 54.— E. A. Theller, Canada in 1837–38 [...] (2 vol., Philadelphie et New York, 1841).— Le Courrier de Saint-Hyacinthe (Saint-Hyacinthe), 10 juill. 1855.— La Minerve, 27 mars 1834, 4 juill. 1836, 11 mai, 30 oct., 13 nov. 1837.— Fauteux, Patriotes, 313–315.— Lefebvre, le Canada, l’Amérique, 187.— Allaire, Hist. de Saint-Denis-sur-Richelieu, 433.— Bona Arsenault, Histoire et Généalogie des Acadiens (éd. rév., 6 vol., [Montréal, 1978]).— Chaussé, Jean-Jacques Lartigue.— Choquette, Hist. du séminaire de Saint-Hyacinthe, 2 ; Histoire de la ville de Saint-Hyacinthe (Saint-Hyacinthe, 1930), 124, 368.— Azarie Couillard-Després, Histoire de la seigneurie de Saint-Ours (2 vol., Montréal, 1915–1917), 2 : 227.— David, les Gerbes canadiennes, 174 ; Patriotes, 103–104.— G.-A. Dejordy, Généalogies des principales familles du Richelieu (2 vol., Arthabaska, Québec, 1927), 2 : 106.— Filteau, Hist. des patriotes (1975).— Labarrère-Paulé, les Instituteurs laïques, 48.— Laurin, Girouard & les Patriotes, 84.— Ouellet, Bas-Canada.— Rumilly, Papineau et son temps.— Mason Wade, les Canadiens français, de 1760 à nos jours, Adrien Venne et Francis Dufau-Labeyrie, trad. (2e éd., 2 vol., Ottawa, 1966), 1 : 182.— L.-O. David, « les Hommes de 37–38 : Siméon Marchesseault », l’Opinion publique, 21 juin 1877 : 289 Source: Dictionnaire biographique du Canada en ligne
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