Biographie Morin Augustin-Norbert



Biographie Morin Augustin-Norbert

Défenseur des libertés politiques,
de la foi catholique et de la langue française,
Morin dédie sa vie à la libération de ses compatriotes


MORIN, AUGUSTIN-NORBERT
, avocat, homme politique et juge, né le 13 octobre 1803 à Saint-Michel (Saint-Michel-de-Bellechasse, Québec), fils aîné d’Augustin Morin, cultivateur, et de Marianne Cottin, dit Dugal ; il épousa le 28 février 1843 Adèle Raymond, fille de Joseph Raymond, marchand, et sœur de Joseph-Sabin Raymond*, supérieur du séminaire de Saint-Hyacinthe (aucun enfant ne naquit de cette union) ; décédé à Sainte-Adèle, Bas-Canada, le 27 juillet 1865.

      Augustin-Norbert Morin était l’aîné d’une famille de 11 enfants qui constituaient la septième génération des Morin au Canada. Malgré sa stature imposante, Morin était de santé délicate et il fut très jeune affecté par de violentes crises de rhumatisme qui l’obligeaient à ralentir ses activités. La famille Morin était de condition modeste, et Augustin-Norbert ne dut son cours classique qu’à l’intervention du curé de Saint-Michel, l’abbé Thomas Maguire*. Celui-ci avait découvert dans cet élève qui suivait ses leçons de catéchisme un talent et une intelligence remarquables. Le curé fit entrer son protégé au séminaire de Québec en 1815. Durant son cours d’études, Morin connut de grands succès scolaires, comme l’attestent ses maîtres.

      À sa sortie du séminaire en 1822, il hésita entre le droit et la prêtrise mais il opta finalement pour les études de droit. Dépourvu de moyens financiers et endetté, Morin dut gagner ses études. Il entra à la rédaction du Canadien et il y mit un zèle hors de proportion avec la maigre pitance qu’il y gagnait. Lorsque le journal cessa de paraître en 1823, Morin se rendit alors à Montréal pour étudier le droit sous Denis-Benjamin Viger. Les tracas financiers n’étaient pas disparus pour autant car Viger n’était pas précisément un homme prodigue. Le jeune clerc donna des cours de latin et de mathématiques pour pouvoir survivre. En 1825, il fit une sortie fracassante contre le juge Edward Bowen au sujet des droits de la langue française dans les cours de justice de la province. L’aventure du Canadien, loin d’avoir détourné Morin du journalisme, sembla au contraire l’inciter à reprendre ce métier. Ses fonctions au sein de l’étude de Denis-Benjamin Viger lui laissant quelques moments de loisir, il décida de fonder une feuille qu’il va nommer la Minerve. Le premier numéro parut le 9 novembre 1826 mais, dès le 29 du même mois, il dut interrompre la publication du journal puisque ses 240 abonnés ne réussissaient pas à couvrir les frais. Trois mois plus tard, Ludger Duvernay * acheta le journal de Morin qui s’engagea à en assurer la rédaction durant six mois. La fondation de la Minerve ne fut pas accueillie avec joie par tous les amis de Morin. Étienne Parent*, pour sa part, s’interrogea sur l’utilité pour le parti canadien d’avoir deux « papiers », le Spectateur et la Minerve. Du même jet, il repoussa la proposition de Morin de devenir courriériste parlementaire, car « s’il y a du fiel dans la conduite d’un papier, les débats en sont la lie ». Pendant plus de dix ans, même après son admission au barreau et son entrée au parlement, Morin collabora à la Minerve, fournissant à Duvernay des articles écrits d’une plume alerte et avisée sur des sujets aussi variés que la politique, les jugements des cours de justice, le théâtre, la littérature et l’agriculture.

      Morin fut admis à la pratique du droit en 1828 après avoir passé ses derniers examens devant les juges James Reid, juge en chef de la Cour du banc du roi, Louis-Charles Foucher* et Norman Fitzgerald, de la même cour, tous trois du district de Montréal. Partageant son temps entre la pratique du droit et le journalisme, le jeune avocat s’initiait à tous les rouages du droit, s’intéressait de plus en plus à l’administration publique du pays dans le but de mieux renseigner ses lecteurs de la Minerve et préparait ainsi admirablement son entrée sur la scène politique.

      Le 26 octobre 1830, les électeurs de Bellechasse élisaient Morin, un des leurs, pour les représenter à la chambre d’Assemblée. L’entrée en politique de cet homme pouvait sembler un paradoxe si l’on se fie aux descriptions des hommes politiques de cette époque. « Il ressemblait plus à un évêque en visite pastorale qu’à un politicien en quête de votes », disait un contemporain du nouvel élu. Morin resta fidèle à son caractère de rude travailleur : dès 1831, il pouvait écrire à Duvernay qu’il faisait partie de sept comités de la chambre, ce qui nécessitait beaucoup de travail et le privait du temps dont il pouvait disposer pour écrire des articles dans la Minerve. À la chambre, peu de sujets le laissèrent indifférent. En 1831, il intervint en faveur de la veuve du docteur Jacques Labrie*, ancien député du comté de Deux-Montagnes, afin qu’elle obtienne un don spécial de £500 qui lui permettrait de publier l’histoire de la province de Québec rédigée par son mari. L’année suivante, Morin présenta une pétition en faveur de son ami Duvernay incarcéré pour avoir publié des écrits contre la composition du Conseil législatif. La vente de terres de la seigneurie de la Rivière-du-Sud valut à Morin des accusations non prouvées de malversation. Aussi, prétextant son mauvais état de santé, le député de Bellechasse démissionna le 18 décembre 1833. Il était cependant réélu à l’élection partielle du 25 janvier 1834 avec une majorité de 41 voix sur son adversaire. Cette réélection avait clos cette affaire.

      L’année 1834 devait permettre à Morin de s’illustrer. Le 1er mars, la chambre d’Assemblée vota une résolution enjoignant au député de Bellechasse d’aller rejoindre Denis-Benjamin Viger à Londres pour présenter les pétitions de la chambre sur l’état de la province. Il y accomplit un travail qui suscita les commentaires les plus élogieux qui soient, tant de la part de Louis-Joseph Papineau* que de toute la chambre. Une rumeur circula même qu’il pourrait être nommé juge. Mais le climat politique était déjà surchauffé et Morin ne put éviter de prendre position. C’est lui qui, en 1834, rédigea les Quatre-vingt-douze Résolutions.

      En février 1836, Morin se rangeait encore parmi les modérés. Mais rapidement, il adopta la position du groupe de Papineau dans sa lutte contre le Conseil exécutif et au sujet des subsides. Le député de Bellechasse fut entraîné dans le tourbillon des événements et, après s’être installé à Québec vers la fin de 1836, il prit une part active à la rébellion de 1837. La prise de position radicale de Morin ne cadrait ni avec son tempérament ni avec ses manières. Son action comme chef de la rébellion à Québec fut un véritable échec. S’il fut, selon Antoine Roy, « certainement une des têtes les plus équilibrées de tous ceux qui embrassèrent la cause de la Rébellion en 1837–1838, [...] il n’avait pas les qualités qui font les chefs. Il manquait de l’énergie et de l’esprit de décision si nécessaires à ceux qui veulent faire triompher une cause qui demande la faveur du peuple. » Un mandat d’arrestation ayant été émis contre lui, Morin se réfugia dans les bois de la paroisse Saint-François-de-la-Rivière-du-Sud (Saint-François-Montmagny). Lorsqu’il fut arrêté le 28 octobre 1839, il resta peu de temps en prison car l’accusation de haute trahison « était si peu fondée que l’on ne jugeât pas nécessaire d’entreprendre de la prouver, même devant le tribunal le plus complaisant de l’époque ».

      L’aventure de la rébellion laissa Morin sans le sou et de plus en plus sujet au rhumatisme. Il se remit à la pratique du droit à Québec et vécut humblement, solitaire, dans une petite maison de la rue Desjardins. Un certain dégoût de la politique s’empara de lui. Mais le projet d’Union eut tôt fait de ranimer son intérêt pour la chose publique. Sous l’influence de Louis-Hippolyte La Fontaine, qui se rendit personnellement à Québec en décembre 1839, il fut d’abord enclin à appuyer l’union du Haut et du Bas-Canada qui favoriserait une alliance avec les réformistes haut-canadiens, mais il s’opposa au projet tel que voté en Angleterre, parce qu’il ne prévoyait pas la représentation proportionnelle et n’octroyait ni la responsabilité ministérielle ni le contrôle des subsides. Élu député de Nicolet le 8 avril 1841, Morin qui aspirait au poste d’orateur (président) se laissa persuader par Francis Hincks* qu’il valait mieux appuyer la candidature d’Augustin Cuvillier* pour consolider le parti réformiste.

      Il démissionna, le 1er janvier 1842 et, le 11 du même mois, il devenait juge des districts de Kamouraska, Rimouski et Saint-Thomas. Cette première période de magistrature ne dura pas longtemps. Sir Charles Bagot* désirait voir Morin accéder au poste de greffier du Conseil exécutif mais ce dernier ne se montra guère intéressé à un poste qui serait « à la fois trop près et trop loin de la politique ». Il préférait plutôt devenir commissaire des Terres de la couronne même si cet emploi exigeait l’obtention d’un siège à la législature et l’abandon du fauteuil de juge. Élu député de Saguenay le 28 novembre 1842, Morin reprenait sa carrière politique.

      Le commissaire prit à cœur ses nouvelles responsabilités. À ce poste, Morin poussa son souci de connaissances personnelles à un haut degré. Il acquit des terres, procéda à des expériences nombreuses et variées notamment sur la culture de la pomme de terre, l’élevage, l’assolement des terres, les « sucreries » et les cultures nouvelles comme la vigne. Non seulement il fit des expériences et les livra à la connaissance des agriculteurs au moyen d’articles dans la Minerve et dans les journaux spécialisés d’agriculture des États-Unis, mais il s’intéressa aux problèmes très prosaïques des habitants de l’époque, comme la construction et l’entretien des chemins, l’érection de moulins, la conduite du personnel agricole d’appoint et même l’alimentation des familles d’agriculteurs. Pour que ses expériences ne demeurassent point lettre morte, Morin se mit en frais d’élaborer des projets d’écoles d’agriculture destinées à être fréquentées par déjeunes fils d’agriculteurs, prévoyant tout, des qualifications du personnel enseignant jusqu’au programme d’études. Il n’était pas uniquement un théoricien. Il participa activement à la fondation de nouvelles paroisses du nord de Montréal : Val-Morin, Sainte-Adèle (du nom de son épouse) et Morin-Heights sont nés de l’intervention de Morin. Cette nomination au commissariat des Terres confirmait l’intérêt de Morin pour l’agriculture, intérêt qui ne cessa de grandir par la suite.

      Aux élections générales de 1844, Morin remporta la victoire dans les comtés de Saguenay et de Bellechasse. Il opta pour Bellechasse tout autant par attachement sentimental que par sécurité politique. Ne faisant plus partie de l’exécutif, Morin fut néanmoins cité comme futur président de la nouvelle législature, mais il semble qu’aucune offre formelle ne lui fût faite. Il employa son énergie à défendre la cause du clergé catholique dans la querelle concernant les biens des jésuites et rédigea la loi scolaire de 1845 qui instituait la paroisse plutôt que la municipalité comme base du système scolaire. Il agit aussi comme arbitre des querelles paroissiales. Son bon jugement et sa pondération naturelle le mettaient à l’abri des prises de position radicales dans ce type d’affaires juridiques bien spéciales.

      À partir de juillet 1846 survint la période la plus controversée de l’histoire politique de Morin. Il recevait, le 31 juillet, une lettre de William Henry Draper* dans laquelle était formulée de façon directe une invitation à faire partie du Conseil exécutif. L’offre fut refusée le 10 août par Mot-in qui affirmait sa solidarité au parti réformiste. L’affaire semblait terminée mais lord Elgin [Bruce] n’avait pas dit son dernier mot.

      Dans un ultime effort pour intégrer Morin et quelques francophones, dont René-Édouard Caron*, au Conseil exécutif, le gouverneur général lui adressa une note confidentielle le 23 février 1847. Il exprimait encore une fois le vœu de le voir accéder au conseil. Il répondit à l’objection de Morin au sujet de son parti en écrivant qu’il désirait « exprimer son espoir que les objections fondées sur des différends personnels ou de parti (si c’est le cas) céderont aux impératifs du Patriotisme et du devoir des citoyens ». La réponse de Morin ne se fit pas attendre. Il repoussa la nouvelle offre mais explicita davantage les motifs de son refus. Depuis trois ans dans l’opposition, Morin n’acceptait pas que l’on puisse douter de son patriotisme mais il affirmait clairement son opposition à l’administration en place. Il trouvait irraisonnable qu’il n’y ait pas une certaine unité au sein du conseil, ce qui se produirait avec son accession à un poste, et il déclarait clairement que son parti était prêt à une coalition, mais pas à n’importe quel prix. Il terminait en balayant du revers de la main l’objection d’une absence de représentants francophones au sein du conseil, se disant « convaincu qu’une adjonction fondée uniquement sur les considérations d’origine, et ne présentant dans les circonstances qu’une position équivoque pour toutes les parties concernées, ne pouvait être avantageuse à la classe pour laquelle cette détermination aurait lieu ».

      Cependant, ce document politique dit confidentiel ne le resta guère longtemps : de nombreuses fuites eurent pour effet de le rendre public ! Les réformistes s’agitèrent d’abord, la vieille rivalité Québec-Montréal suscitant de nombreux ragots. Toutefois, la situation devint plus difficile lorsque le Canadien entreprit de publier, à compter du 27 mars, une partie du fameux document et des citations tronquées de Morin. On pressa Morin de répondre à la feuille québécoise et à ses attaques virulentes et pleines de sous-entendus. Morin s’y refusa, car il « avait regardé le mot confidentiel comme lui imposant l’obligation de tenir cachée la conduite qu’il a[vait] tenue dès le commencement de la négociation et pendant plusieurs jours après ». Et son chef Louis-Hippolyte La Fontaine déclara être parfaitement au courant de la situation depuis le début : « Je devais laisser Morin libre d’user de son jugement comme il l’entendait pour l’intérêt de la chose publique, ayant comme toujours la plus grande confiance dans son patriotisme, sa sincérité et son désintéressement. » La crise sembla se résorber par un appui des députés à l’interprétation et à la conduite de Morin.

      Le parti réformiste reprit le pouvoir aux élections de 1847–1848 et Moi-in fut élu président de la chambre d’Assemblée avec une majorité écrasante contre Allan Napier Magnas, recueillant 54 votes contre 19 pour son adversaire, titulaire du poste depuis 1844. Le nouvel élu inspirait le respect, même parmi ses plus farouches adversaires.

      En 1849, lorsque survint le débat sur le projet de loi pour l’indemnisation des pertes subies pendant la rébellion, Morin fut d’une fermeté remarquable. Il fit vider les galeries lorsque le tumulte devint chose courante et, au cours des débats, il imposa une rigidité que l’on ne lui connaissait pas [V. James Bruce]. Son calme imperturbable fut mis à l’épreuve lors de l’incendie de l’édifice du parlement par les émeutiers à Montréal. On raconte qu’il demanda même une motion d’ajournement en bonne et due forme alors que le feu léchait déjà les draperies de la salle où siégeaient les députés ! Et lorsque l’agitation reprit, Morin n’hésita pas à faire garder l’édifice où se réunissait le parlement par un piquet de soldats.

      Aux élections générales d’octobre 1851, Moi-in changea de comté, délaissant sa circonscription natale de Bellechasse pour celle de Terrebonne où il fut élu très facilement. Louis-Hippolyte La Fontaine ayant abandonné son poste à la tête du ministère, Morin devint le collègue de Francis Hincks. Mais c’est sans enthousiasme qu’il accepta d’être le chef de l’administration bas-canadienne ; il devait occuper ce poste jusqu’en janvier 1855. Son humilité très profonde l’empêchait d’être un chef de file de l’envergure de La Fontaine.

      L’œuvre législative du gouvernement Hincks-Morin est variée et substantielle. Hincks s’intéressa surtout aux chemins de fer ; Morin, secrétaire provincial et commissaire des Terres de la couronne, porta une attention spéciale à l’abolition du régime seigneurial, aux écoles séparées du Haut-Canada et surtout à l’électivité du Conseil législatif, position qu’il défendait depuis les années 1830. Il était tellement convaincu qu’un Conseil législatif nommé était incompatible avec le gouvernement responsable, qu’il avait annoncé aux élections de 1851 son intention de résigner s’il n’obtenait pas satisfaction sur ce point. Dès le 24 septembre 1852, il présentait une série de résolutions visant à rendre le Conseil législatif électif. Ce ne sera toutefois qu’en 1856 que les députés voteront une loi en ce sens, mais assortie d’amendements qui réduiront la portée des propositions de Morin. En intégrant dans le programme des réformistes l’électivité du Conseil législatif et l’abolition du régime seigneurial, Morin avait enlevé aux « rouges » de Louis-Joseph Papineau les éléments les plus populaires de leur programme, ce qui contribua à garder aux réformistes la fidélité de l’électorat. Pendant ces années fiévreuses, Morin occupait ses loisirs à préparer des articles pour les revues agricoles, à lire les derniers bouquins venus de France et à vérifier la qualité des expériences agricoles tentées sur ses terres.

      Les élections générales de 1854 devaient constituer le premier coup de frein réel à la carrière politique de Morin. Il fut défait dans Terrebonne par un inconnu en politique, Gédéon-Mélasippe Prévost, ce qui, selon le Journal de Québec, était un « signe des temps ». Bellechasse ne mit pas de temps à réclamer la candidature de Morin, et 319 électeurs de Saint-Michel, Beaumont et Saint-Vallier signèrent une pétition à cet effet. Finalement, le commissaire des Terres se fit élire sans opposition dans les comtés unis de Chicoutimi et Tadoussac. Et à compter du 11 septembre, Morin accepta avec tous ses collègues du Bas-Canada de faire équipe avec Allan Napier MacNab.

      Dix jours après la formation du nouveau ministère, Morin assistait à l’inauguration de l’université Laval, à la fondation de laquelle il avait contribué et dont il était le doyen de la faculté de droit. Lors de ces cérémonies, il reçut même un doctorat en droit attestant son renom et ses hautes qualifications de juriste.

      Quelques mois plus tard, soit en janvier 1855, Morin démissionnait du ministère : sa santé chancelante l’obligeait à prendre cette décision. Il fut nommé juge de la Cour supérieure et dut prendre de longues périodes de repos. Toutefois, ce travailleur intellectuel infatigable trouva le moyen de fonder une revue de jurisprudence, le Law Reporter, avec un autre avocat de Montréal, Thomas Kennedy Ramsay*.

      Cette retraite définitive de la vie politique pavait la voie à l’œuvre finale de sa vie. Reconnaissant ses qualités de juriste et la sagesse de son jugement, le ministère le pria de faire partie de la commission de codification du Code civil du Bas-Canada. Morin acquiesca le 2 février 1858, mais la nomination ne fut officielle que le 4 février 1859. Il avait comme collègues Charles Dewey Day* et René-Édouard Caron, ce dernier agissant comme président. Morin déploya une énergie peu commune à cette œuvre colossale. Les cahiers de travail déposés aux Archives du séminaire de Saint-Hyacinthe révèlent le souci de perfection de Morin. Chargé du droit civil, il fait le relevé de toutes les références possibles sur tous les sujets, établit une jurisprudence à partir d’une bibliothèque de plus de 400 œuvres de droit et il rédige un nouveau texte. Le dernier rapport de la commission fut remis en novembre 1864 à l’Assemblée législative et cette dernière étudia les sept rapports en 1865. Morin ne devait pas voir la fin de son œuvre car il s’éteignit sans bruit, le 27 juillet 1865, à Sainte-Adèle de Terrebonne. Le nouveau Code civil du Bas-Canada, un chef-d’œuvre en son genre, entra en vigueur le 1er août 1866 [V. George-Étienne Cartier*].

      Morin, à n’en pas douter, est une grande figure du xixe siècle canadien. De santé fragile malgré une taille peu commune, il possédait peu de ces attraits qui rendaient d’autres hommes politiques plus agréables aux yeux des siens. La nature avait été excessivement avare de talents oratoires envers lui et « l’art n’avait nullement réussi à corriger l’œuvre de la nature » ! Patriote fervent, il était d’une intégrité proverbiale que nul adversaire n’a d’ailleurs contestée. Il fut le type même du parlementaire ardent et fidèle aux séances de la chambre, approfondissant tous les sujets étudiés et prévoyant les conséquences à brève et longue échéance de toute mesure législative. Il fut attentif aux progrès de son siècle, ne négligeant rien qui puisse améliorer le sort économique des siens.

      Toutefois, « il avait trop de modestie et pas assez d’énergie pour devenir chef de parti ». Peut-être aussi était-il trop idéaliste, trop théoricien et trop désintéressé pour se sentir à l’aise dans les jeux de la politique. Supérieur par l’intelligence et aussi par l’instruction aux prestigieux Papineau et La Fontaine, il fut pourtant incapable de s’imposer, même lorsqu’il était chef de l’administration bas-canadienne. Sa distinction et ses qualités personnelles l’ont desservi politiquement et l’ont privé d’un rôle auquel il pouvait aspirer. Mais nul homme politique canadien n’a eu plus de talents pour des disciplines si diverses : vraiment, rien d’humain ne lui était étranger !

Jean-Marc Paradis

Les documents relatifs à la carrière politique d’Augustin-Norbert Morin se retrouvent en bonne partie aux APC dans le groupe MG 24 où sont réunis les papiers privés des hommes politiques de la période pré-confédérative. L’auteur y a consulté surtout les papiers La Fontaine (MG 24, B 14), les papiers Hincks (MG 24, B68) et les papiers Chauveau (MG 24, B54). Aux ANQ-Q, les collections Papineau (G–417) et Bourassa (G–418) ont aussi été utilisées. Sur l’activité journalistique de Morin, il a fallu voir les papiers Duvernay conservés au Château de Ramezay à Montréal, dont les APC possèdent une transcription (MG 24, C3). L’auteur a également effectué des recherches aux AAQ, aux ASQ et aux ASSH où se retrouvent divers documents sur les études de Morin et sur ses notes dans les domaines de l’agriculture et du droit.  [j.-m. p.]

      L’Avenir, 1848–1854.— Le Canadien, 1840–1855.— La Gazette de Québec, 1832–1842.— Le Journal de Québec, 1843–1844, 1850–1855.— La Minerve, 1831–1837, 1842–1850.— Le Jeune, Dictionnaire, II.— Morgan, Sketches of celebrated Canadians.— Wallace, Macmillan dictionary.— Auguste Béchard, L’honorable A.-N. Morin (Québec, 1858).— C.-P. Choquette, Histoire du séminaire de Saint-Hyacinthe depuis sa fondation jusqu’à nos jours (2 vol., Montréal, 1911–1912), I.— André Garon, La question du Conseil législatif électif sous l’Union des Canadas, 1840–1856 (thèse de d.e.s., université Laval, 1969).— Antoine Roy, Les Patriotes de la région de Québec pendant la rébellion de 1837–1838, Cahiers des Dix, 24 (1959) : 241–254.

Source: Dictionnaire biographique du Canada en ligne
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