Biographie Cannon Lawrence-John



Biographie Cannon Lawrence-John

Biographie provenant du dictionnaire biographique du Canada

CANNON, LAWRENCE JOHN, avocat, fonctionnaire et juge, né le 18 novembre 1852 à Québec, fils de Lawrence Ambrose Cannon, avocat et greffier de la ville de Québec, et de Mary Jane Cary ; le 2 août 1876, il épousa à Saint-Christophe-d'Arthabaska, Québec, Marie-Hermine-Aurélie-Alida Dumoulin, fille de Jean-Gaspard Dumoulin et d'Alida Pacaud, et ils eurent huit enfants ; décédé le 30 janvier 1921 à Québec.

Arrière-petit-fils de l'Irlandais Edward Cannon, venu s'installer en 1795 à Québec, où il travaillait comme maître maçon avec son fils John, Lawrence John Cannon appartient à une famille en vue de la ville. À son baptême, il a pour parrain Augustin-Norbert Morin, qui est alors chef du gouvernement de la province du Canada avec Francis Hincks. Lawrence John fait ses études classiques aux séminaires de Québec (1862–1870) et de Nicolet (1870–1871), puis entre à l'université Laval, où il obtient sa licence en droit en juin 1874. Admis au barreau en juillet de la même année, il exerce sa profession quelques mois à Québec avant d'aller s'établir à Arthabaskaville (Victoriaville) en 1875, où il s'associe à Édouard-Louis Pacaud. Il ne tarde pas à faire partie du petit cercle d'amis où se retrouvent, outre les frères Pacaud, Wilfrid Laurier, Marc-Aurèle Plamondon et Joseph Lavergne. Candidat libéral aux élections fédérales du 20 juin 1882 dans la circonscription de Drummond et Arthabaska, Cannon est défait par le candidat conservateur et député sortant Désiré-Olivier Bourbeau. Au moment de la fondation de la Ligue de tempérance du comté d'Arthabaska, en 1885, il fait partie du premier bureau de direction avec, entre autres, Laurier. Le 2 février 1891, le gouvernement d'Honoré Mercier le nomme sous-procureur général et greffier en loi de la province de Québec, poste qu'il conserve sous les différents gouvernements conservateurs et libéraux qui se succèdent jusqu'en 1905. Le 29 juillet de cette année-là, il devient juge de la Cour supérieure pour le district de Trois-Rivières.

L'événement capital dans la carrière de juge de Cannon est sa nomination, le 7 avril 1909, par le gouvernement de sir Lomer Gouin, à la fonction de commissaire de la commission royale pour faire enquête générale et complète sur l'administration des affaires de la cité de Montréal. Cette commission, qui allait aussi être connue sous le nom d'enquête Cannon, est mise sur pied à la suite des pressions d'un comité de citoyens formé, entre autres, de l'ancien maire Hormisdas Laporte, du notaire Victor Morin et du sénateur Raoul Dandurand. Devant l'inefficacité de la gestion des comités du conseil de ville, ces derniers demandent une réforme de l'administration municipale et notamment la création d'un bureau de contrôle qui détiendrait le pouvoir exécutif. Assisté d'un secrétaire, l'avocat Arthur Gagné, le juge Cannon commence ses travaux le 19 avril 1909, mais les ajourne jusqu'au 27 avril, date à laquelle débute véritablement l'enquête. Il tient 115 séances, entend 914 dépositions au cours desquelles sont produits en preuve 548 éléments. Son mandat stipule qu'il doit déposer un rapport avant le 15 juillet 1909, mais les audiences, où les avocats du comité des citoyens Joseph-Léonide Perron et Napoléon-Kemner Laflamme agissent à titre de procureurs, ne se terminent que le 14 septembre.

Les audiences, dont la presse écrite de Montréal fait abondamment état, démontrent que la corruption et le favoritisme sont au cœur de l'administration de Montréal depuis 1902. Le 20 septembre, avant le dépôt du rapport de Cannon, le gouvernement de la province soumet à un référendum les amendements qu'il a apportés à la charte de la ville en vertu d'une loi sanctionnée en mai 1909. Ces amendements réduisent le nombre d'échevins par quartier et créent un bureau de contrôle, le Bureau des commissaires, formé du maire et de quatre membres élus pour quatre ans. Le tiers des citoyens de Montréal participent au référendum et se prononcent en faveur de la création d'un bureau de contrôle (88 %) et de la réduction du nombre d'échevins de deux à un par quartier (92 %).

Le juge Cannon termine la rédaction de son rapport le 13 décembre 1909. Il y précise, dès le début, que la preuve qui lui a été présentée lui permet de se « former une idée exacte des abus et des irrégularités existant dans l'administration civique de Montréal ». Suivant le déroulement de l'enquête, il aborde en premier lieu l'organisation et le fonctionnement de la police. Le juge conclut qu'il existe un système de tolérance généralisé à l'égard des maisons de prostitution, des maisons de jeux ainsi que pour la vente d'alcool le dimanche, que les nominations et les promotions se font moyennant rémunération et que le chef de police est parfois « un instrument par trop servile, entre les mains de certains échevins ». Il prône l'abolition de la Commission de police, formée d'échevins qui supervisent le département de police, et l'augmentation des effectifs policiers. Quant au département du feu, le juge s'attaque là aussi au système de vente des emplois qui se trouve entre les mains d'entremetteurs, d'échevins et d'officiers de la brigade [V. Zéphirin Benoit]. Son commentaire sur la situation est sans équivoque : « Il est difficile de concevoir un plus vile métier. » La preuve concernant le département de la voirie l'amène à conclure que celui-ci doit être entièrement réorganisé si l'on veut qu'il devienne économique, efficace et honnête. Le juge Cannon propose l'abolition de la Commission de la voirie qui le chapeaute.

Quand il fait ces recommandations, Cannon sait que le Bureau des commissaires, qui marque la fin des commissions échevinales, a été approuvé par la population. Il note donc que cette nouvelle instance « devra apporter un remède aux abus existants ». D'autres preuves de corruption ou de favoritisme concernant d'autres instances sont mentionnées par le juge. Par exemple, l'abandon de poursuites contre des laitiers fournissant des produits de mauvaise qualité l'amène à qualifier cette décision municipale « d'intervention quasi-criminelle des échevins » car, selon lui, elle met en danger la santé de la population. Au terme de son enquête générale, le juge Cannon conclut que l'« administration des affaires de la Cité de Montréal, par son Conseil depuis 1902, a été saturée de corruption provenant surtout de la plaie du patronage » et que la diminution du nombre d'échevins et la création d'un bureau de contrôle amélioreront l'administration municipale. Ses recommandations concernant la création d'un « conseil composé d'échevins, représentant la Cité toute entière » ainsi que les poursuites et amendes pour les personnes visées par l'enquête n'auront pas de suite. En février 1910, les candidats appuyés par le comité des citoyens prennent le contrôle du conseil de ville. Tous les échevins incriminés par le rapport sont défaits ou ne se représentent pas. Le Bureau des commissaires sera maintenu jusqu'en 1918.

Le 6 juillet 1910, le juge Lawrence John Cannon est muté au district de Québec, où il remplit sa fonction jusqu'à son décès en 1921. Le quotidien le Soleil en parle alors comme de « ce brillant magistrat auquel sa carrière digne et intègre avait valu l'estime et le respect de tous » et mentionne que son rapport sur l'administration de Montréal « est resté célèbre tant par les faits mis en lumière que par les conclusions du savant juge ». Deux des fils de Cannon devaient aussi accéder à la magistrature : Lawrence Arthur Dumoulin, juge de la Cour du banc du roi et de la Cour suprême du Canada et Lucien, juge de la Cour supérieure pour le district de Québec.

Mario Robert

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