Biographie Barthe Georges-Isidore
Tiré du Dictionnaire Biographique du Canada
BARTHE, GEORGES-ISIDORE (baptisé Isidore), fonctionnaire, journaliste, avocat, éditeur, homme politique, juge de paix et auteur, né le 16 novembre 1834 à Restigouche, Bas-Canada, fils de Joseph Barthe et de Marie-Louise-Esther Tapin, et frère cadet de Joseph-Guillaume ; en 1861, il épousa Joséphine-Charlotte Meilleur, fille de Jean-Baptiste Meilleur, et ils eurent neuf enfants ; décédé le 11 août 1900 à Ottawa.
Georges-Isidore Barthe entra au séminaire de Nicolet en 1847, mais quitta l’établissement avant la fin de ses études classiques. Admis au barreau le 6 octobre 1856, il avait auparavant travaillé à titre de clerc d’abord sous la direction de Napoléon Bureau de Trois-Rivières, de 1851 à 1853, puis au cabinet des avocats Andrew et George R. Robertson, à Montréal, de 1853 à 1855.
Barthe fut le premier secrétaire-trésorier de la ville de Trois-Rivières, du 23 juillet 1855 au 30 juin 1857. Il était encore étudiant en droit lorsqu’il forma, le 3 avril 1855, avec Charles-Odilon Doucet de Trois-Rivières, une société dans le but de publier un journal qui propagerait l’idée de l’indépendance du Bas-Canada. Comme son frère Joseph-Guillaume, Barthe rêvait d’un Bas-Canada indépendant qui, avec l’aide de la France, prendrait sa place parmi les États indépendants d’Amérique : un Bas-Canada émancipé de l’Angleterre, libéral et démocratique, dont les institutions politiques assureraient l’épanouissement des Canadiens français, de leur langue, de leur culture et de leurs lois. Lancé le 22 avril 1856, le Bas-Canada ne parut que quelques mois ; il disparut après le grand incendie qui détruisit en novembre suivant une partie de la ville de Trois-Rivières. Cette catastrophe ne mettait pas fin pour autant aux ambitions journalistiques de Barthe qui, quelques mois plus tard, s’établissait à Sorel.
Outre le Bas-Canada, Barthe fonda et dirigea, seul ou avec d’autres, pas moins de sept journaux : la Gazette de Sorel (1857–1880), le Sorel Pilot (1868–1877) et le Journal du cultivateur et de l’ouvrier (1876–1879), à Sorel ; l’Ère nouvelle (1884–1885), le New Era (1885) et l’Indépendance canadienne (1894–1896), à Trois-Rivières ; le Canadian Democrat (1895), à Montréal. Il fut encore propriétaire en 1874 du Courrier de Richelieu, publié à Sorel, qui appartenait auparavant à son rival politique Michel Mathieu.
Barthe concevait le journalisme comme un sacerdoce. D’ailleurs, sa carrière étonne par sa continuité et par les multiples batailles qu’il mena au nom de la liberté de la presse. Esprit combatif et doué d’un rare talent d’écriture, il se voulait la conscience de ses concitoyens. En ce sens, ses campagnes de presse éclairent l’homme politique qu’il était. Les attaques véhémentes qu’il proféra contre l’administration municipale du notaire John George Crebassa au cours des années 1860 lui valurent d’être élu maire de Sorel en 1864, poste qu’il occupa pendant neuf ans. Au cours de son mandat, la ville de Sorel connut un essor économique et social important.
Libéral et démocrate, Barthe s’opposa aux partis politiques plus qu’il ne les soutint vraiment. Foncièrement nationaliste, il fut pendant les années 1850 contre l’union du Haut et du Bas-Canada et prôna l’indépendance du Bas-Canada. D’abord opposé au projet de la Confédération, il finit par l’accepter, non sans avoir mis en garde les Canadiens français contre les dangers que représentaient à ses yeux les pouvoirs dévolus au gouvernement fédéral.
Élu député conservateur indépendant de Richelieu à la chambre des Communes à l’élection partielle de novembre 1870, Barthe fut défait par le conservateur Michel Mathieu en 1872. Deux ans plus tard, il parvenait à l’emporter avec une majorité de 201 voix. Il se représenta en 1878, mais fut cette fois battu par le conservateur Louis-Huet Massue. Barthe eut alors le sentiment d’avoir été trahi par ses amis politiques. Dégoûté et moralement affaibli, il crut le moment venu de quitter le journalisme militant et la politique active pour retourner à la pratique du droit. Le 26 février 1880, il annonça aux lecteurs de la Gazette de Sorel qu’il venait de vendre le journal. Deux ans plus tard, il tenta une nouvelle fois de se faire étiré à titre de député conservateur indépendant, mais encore une fois son vieil adversaire Massue remporta la victoire.
Parti de Trois-Rivières en 1856, Barthe retourna s’y installer en 1882. Avec son frère René et quelques libéraux qui désiraient une tribune, il entreprit de ressusciter l’Ère nouvelle, qui avait paru de 1852 à 1864. La vie du journal fut de courte durée, soit du 3 juillet 1884 au 29 décembre 1885 ; les libéraux, eux-mêmes divisés, lancèrent le 2 août 1884 un nouveau journal, la Sentinelle, ce qui eut comme conséquence d’étaler au grand jour les rivalités qui couvaient dans le parti. Entre-temps, la pendaison de Louis Riel*, le 16 novembre 1885, toucha profondément Barthe qui se rallia alors au parti national d’Honoré Mercier. Ce geste d’appui à la cause nationaliste lui valut d’être nommé juge de paix du district de Trois-Rivières le 15 décembre 1887. C’est le gouvernement conservateur de Louis-Olivier Taillon* qui le destitua le 24 mars 1894.
Barthe retourna alors au journalisme et fonda l’Indépendance canadienne, qui parut du 13 octobre 1894 au 13 juin 1896. Libéral et nationaliste, le journal cherchait à promouvoir l’idée d’une « république canadienne » dont le gouvernement serait décentralisé au profit des provinces. C’est dans les pages de ce journal que Barthe publia du 13 octobre 1894 au 8 février 1896 son roman Drames de la vie réelle, roman canadien, dans lequel il évoquait quelques épisodes de l’histoire sociale de Sorel, notamment le meurtre du mari de Joséphine-Éléonore d’Estimauville. L’ardent défenseur de la liberté de la presse n’avait vraiment plus le goût de se battre et il sentait plutôt le besoin de raconter ses souvenirs. Nommé traducteur officiel aux Communes le 16 novembre 1897, il mourut à Ottawa le 11 août 1900.
Georges-Isidore Barthe fut l’un des meilleurs journalistes canadiens-français du xixe siècle. La profession lui doit beaucoup. Profondément attaché aux valeurs traditionnelles du Canada français, Barthe mena sa vie durant un long combat pour le triomphe des libertés démocratiques, dont il avait en partie puisé les fondements dans l’ouvrage de son frère Joseph-Guillaume, le Canada reconquis par la France, paru en 1855. À Sorel, à la nouvelle de sa mort, on mit les drapeaux en berne en témoignage de reconnaissance à l’égard de l’un des premiers maires de la ville.
Guildo Rousseau
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