Biographie Roy Louis-Philippe
Tragédie de 1963 en Gaspésie: survivre au deuil, 50 ans plus tard
Paule et Colette Roy montrent l'exemplaire du Soleil du 7 janvier 1963 rapportant la tragédie ayant coûté la vie à quatre de leurs frères et soeurs
Gilles Gagné, collaboration spéciale Le Soleil
(New Carlisle) Il y a 50 ans aujourd'hui survenait la pire tragédie routière de l'histoire de la Gaspésie, à Gascons,
un accident qui a coûté la vie à huit jeunes de 16 à 22 ans. Ils prenaient place dans une auto heurtée de plein fouet par un train de marchandises.
Parmi ces jeunes se trouvaient quatre soeurs et frères de Port-Daniel, Andréa, 16 ans, Jean-Marie, 17 ans, Lucien, 19 ans, et Claire Roy, 21 ans. Leurs soeurs Colette et Paule, de même que leur frère Gatien, ont ainsi vu, comme leurs parents, la famille se faire décimer en une seconde.
Vivant respectivement à New Carlisle et à Port-Daniel, Colette Roy-Jiona et Paule Roy-Langlois participeront aujourd'hui à la messe anniversaire soulignant le drame du 5 janvier 1963, la veille de ce qui était à l'époque la dernière occasion de réjouissances du temps des Fêtes, les Rois.
«Bien des gens s'en souviennent, à cette période de l'année. Des gens se souviennent même que ça fait 50 ans», précise Colette Roy, qui était enceinte de huit mois lors de la tragédie.
Deux autres jeunes de Port-Daniel, Gilles Roussy, 18 ans, et Hubert Langlois, 20 ans, ont péri dans la collision. Les deux autres victimes, Jean-Louis Soucy, 18 ans, de Pabos, et Gérard Normandeau, un professeur de 22 ans, de Grande-Rivière, y ont aussi péri. L'alcool n'était pas en cause.
«Nos quatre jeunes étaient allés jouer aux quilles. C'est là qu'ils ont rencontré les quatre autres jeunes. Gérard Normandeau et Jean-Louis Soucy auraient parlé d'une salle de danse à Gascons. Ils ont décidé d'y aller. Les filles ont averti les gens de la salle de quilles de garder leur carte, qu'elles viendraient finir leur partie», raconte Colette Roy.
Il était presque 23h30 quand l'auto conduite par Gérard Normandeau s'est présentée au passage à niveau de Gascons-Ouest. Le train comptant deux locomotives et 14 wagons circulait entre Gaspé et New Carlisle.
Tentatives de freinage
Selon l'enquête réalisée dans les deux jours suivant la tragédie, le conducteur de la locomotive, John Robert Prentice, a vu Gérard Normandeau freiner avant de peser sur l'accélérateur, croyant avoir le temps de passer. M. Prentice a vu la lueur des feux de freinage deux fois dans la neige avant de constater que l'auto s'engageait dans le passage à niveau.
Raoul Babin, aujourd'hui âgé de 89 ans, prenait aussi place dans la locomotive, mais du côté gauche. «La cabine de ce genre de locomotive était située à l'arrière. On ne voyait que d'un côté. Je me souviens qu'on a mis les freins d'urgence du train avant la collision», précise-t-il.
Le choc a été tel que l'auto s'est encastrée dans la première locomotive, qui l'a traînée sur 1000 pieds avant de s'arrêter. Des débris du véhicule et des corps démembrés ont été retrouvés entre les lieux d'impact et d'arrêt.
Lucie et Philippe Roy, les parents de Colette et de Paule, n'ont pas été inquiétés au départ par l'appel d'une connaissance de Gascons les informant de l'accident et leur demandant si leurs enfants étaient rentrés.
«Maman a regardé par la fenêtre et a vu Marc-Aurèle Roussy, un ami de nos jeunes, rentrer à pied. Elle s'est dit que les siens étaient sur le point d'arriver. Maman était croyante. Elle a réveillé mon père. ''On va dire un acte de contrition pour ces jeunes-là. On va faire une prière pour les parents de ces enfants-là. Ils se sont recouchés'', précise Colette Roy.
Le curé François Rancourt s'est rendu chez les Roy en pleine nuit pour annoncer la nouvelle. «Maman a reconnu la voix de M. le curé quand il a ouvert la porte. Elle est descendue de sa chambre et lui secouait la manche en demandant : "C'est lequel?" C'était les quatre», poursuit Mme Roy.
Les cercueils, fermés parce que les corps étaient trop mutilés, ont été exposés dans la maison des Roy avant les funérailles du 8 janvier.
Surmonter le drame
Comment survit-on à pareil drame? «Nos parents ont loué un appartement à Québec pendant une couple de mois, pour aller retrouver notre frère Gatien, qui étudiait à l'Université Laval et qui jouait au hockey pour le Rouge et Or. Gatien, qui est devenu avocat, dit souvent que c'est le hockey qui l'a empêché de tout lâcher. Papa, passionné de hockey, le suivait. Maman disait de son côté que ''notre messe et notre communion quotidiennes sont notre réconfort''. Je la crois», note Colette.
Paule Roy a trouvé le réconfort en élevant ses quatre enfants. «J'ai appris à ne pas chercher de grands bonheurs, à profiter de tous les petits bonheurs de chaque jour. Les gens de Port-Daniel disent parfois, quand un accident arrive, que si nos parents ont réussi à passer à travers ça, ils sont capables eux aussi.»
Colette Roy a aussi trouvé le réconfort avec sa famille. «J'ai eu une période de dépression. Nous voulions six enfants. Nous avons arrêté à quatre.»
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