Biographie Foley Philias



Biographie Foley Philias

Biographie de Philéas Foley

par

son fils Roger Foley

 

Chef de la famille Foley (1904-1926)

     Philéas, septième enfant issu du mariage de Daniel Foley et Célina Leboeuf, né le 2 juin 1858, était l'aîné des garçons de la famille.

     De sa première enfance, nous ne savons rien. Papa n'était pas loquace: il ne parlait que lorsque c'était opportun. Il ne nous a rien raconté de son enfance et il n'en a probablement jamais rien dit à ma mère, qui n'a pu à son tour nous en faire part. Nous pouvons seulement inférer que ce fut un enfant bien constitué et fort, étant donné la virilité de son père, la vigueur de sa mère et sa force personnelle quand il fut devenu adulte.

     Il lisait facilement et avec plaisir et il écrivait convenablement: on en déduit qu'il a fréquenté l'école. Il y eut sur le territoire qui est aujourd'hui Saint-Thuribe un maître itinérant et ensuite un maître résidant: monsieur Garneau. Je ne saurais dire s'il a étudié sous l'un ou sous l'autre, ou sous les deux. Lorsque dans les actes de l'état civil, le curé Guertin de Saint-Casimir et le curé Martin de Saint-Thuribe écrivent que mon père ne savait pas signer, c'est de la fausse représentation pour masquer leur négligence à apporter les registres à la sacristie pour l'enregistrement des actes de l'état civil.

     Ils remplissaient ces documents au presbytère, en l'absence des témoins, déclarant que ceux-ci ne savaient pas signer.

     Il n'y a pas de doute que la vaillance et la force de Philéas lui ont permis d'aider son père à bonne heure aux travaux agricoles.

Son nom:

     Son nom était bien Philéas. Ma mère l'appelait toujours « Philie », diminutif qu'il a acquis aux États-Unis. Pour nos cousins, il était l'oncle « Philie », ainsi que pour la parenté. Comme mon père avait 40 ans de plus que moi, il était déjà considéré comme un homme mûr, alors que j"étais enfant: les gens l'appelaient soit « le père Philie », soit « le père Foley ». Plus tard, devenu boulanger, il fit imprimer des « bons de pain » et du papier à lettre, à l'imprimerie Dupont des Trois-Rivières. Il donna son prénom comme Ph., abréviation de Philéas, et l'imprimeur comprit qu'il s'agissait de deux initiales: « P.H. ». Mon père n'y attacha pas d'importance et ne fit jamais apporter de correction.

Le Wisconsin:

     J'avais toujours cru que mon père n'avait fait qu'un séjour au Wisconsin, lorsque, jeune médecin, je m'installai en 1922 à Saint-Casimir. Papa était veuf, j'étais célibataire. Il lui arrivait de venir, après le souper, s'il faisait beau, passer quelque temps avec moi: il allait voir ses plants de tabac, fumait une pipe, assis sur la galerie... tout en parlant assez peu. Vivant en milieu francophone et ne voulant pas oublier l'anglais, je lisais surtout des publications en cette dernière langue. Un soir, je finissais une « Detective Story » au moment où il arrivait. Je laisse tomber le livre entre nos deux chaises, disant en avoir terminé la lecture. Il prend la revue, la feuillette un peu et me demande de la lui prêter. Une dizaine de jours plus tard, il me la rapporte et me dit: « Good evening! Here is your magazine. I enjoyed it and, if you don't mind, from now on, we will speak in English. »

     Jusqu'à son remariage, il m'a fait des visites assez fréquentes. Au début, certains mots lui échappaient: mais comme il pensait en anglais, il leur substituait d'autres expressions et un mois après le début de cette expérience, personne n'aurait pu croire que cet homme n'avait pas parlé anglais depuis 50 ans. Sa prononciation était parfaite, meilleure que la mienne, son vocabulaire très riche et la construction de ses phrases excellente: pas de fautes de grammaire, pas de « slang », une langue classique, un discours de personne instruite.

     Son français était celui du peuple, son anglais celui d'un homme de bonne instruction. À ma surprise, papa, qui parlait si peu en français, était devenu loquace en anglais. Je le laissais parler de tout ce qu'il voulait, ne le questionnant pas de peur qu'il tombe atteint de mutisme bilingue. Par des bribes de conversations, voici ce que j'ai appris.

     Alors que papa avait environ 15 ans, son oncle Fabien Leboeuf, un frère de sa mère Célina Leboeuf, vint, de Chippewa Falls, Wisconsin, où il demeurait, se promener dans l'Est et visiter la parenté. Il se prit d'amitié pour le jeune Philéas et il dit à sa soeur Célina: « Si tu veux, je le ramène avec moi. Quand il voudra revenir, je te le renverrai. » La proposition fut acceptée et mon père vécut dans la famille du grand-oncle Fabien pendant quelques années avec ses deux cousins, un garçon « Peter » et une fille de son âge. La grand-tante ne devait pas être Canadienne française, car on parlait anglais dans la maison. L'oncle Fabien était un homme à l'aise: en plus d'une grande maison au nord de Chippewa, il avait des propriétés en ville et était le premier vice-président de la First National Bank qui a passé à travers le « crash » de 1929 et fait encore aujourd'hui des opérations financières prospères, dixit Laura Douville, madame Lafrania, notre cousine.

     À Chippewa, papa est allé à l'école, puis ensuite à l'école du soir. Il avait gardé un très bon souvenir de cette dernière. Aujourd'hui, je peux dire que mon père était un homme plus instruit que la moyenne de ses concitoyens. Quand revint-il à Saint-Casimir? Je l'ignore. Je serais porté à dire que son premier séjour à Chippewa fut de 3 à 5 ans.

     J'aurais dû questionner; mais quand on est jeune, le passé n'a pas d'importance, seul le présent, notre présent, compte et a de la valeur à nos yeux.

     Après plus de 50 ans, il me reste de ces conversations que le grand-oncle Fabien avait un ranch, où il faisait de l'élevage, en particulier des chevaux de race, et qu'il aimait les faire courir sur les pistes de courses de l'État et même du pays. Il se faisait alors accompagner de son fils et de son neveu. C'est sans doute là que mon père a pris son amour pour les chevaux, pour les bons chevaux. J'ai essayé de faire confirmer ces souvenirs par notre « frérot » Eugène Douville: son père Solomon était le frère de maman et sa mère Césarise la soeur de papa; ils étaient à Chippewa avec mes parents, lors du deuxième séjour de mon père. Eugène dit Gene a été élevé dans la région; mais le plus jeune de sa famille, il n'a pu éclaircir toute cette question.

     Mon père avait des notions d'astronomie: il connaissait l'étoile polaire, la Grande Ourse qu'il appelait « the Big Dipper ». Il était familier avec les vies de Washington et de Lincoln, les batailles de la guerre de Sécession. Il possédait son arithmétique et on ne pouvait le battre en calcul mental: il mettait sa montre en or comme enjeu, faisait choisir des multiplicandes et des multiplicateurs de 3 ou 4 chiffres. Il écrivait toujours la réponse sur un papier bien avant que les jeunes aient fini de jouer du crayon. Si les réponses ne concordaient pas, c'est que ces derniers s'étaient trompés. Les garçons de Dave, Laurent et André, ont bien essayé de gagner cette montre. Lorsque mon oncle Philéas Douville, un frère de ma mère Clorinthe, voulut se reconstruire après l'éboulis du 4 mai 1898, il demanda à mon père de lui donner les quantités de matériaux qu'il devait se procurer. Après lui avoir dit quel genre de maison il voulait bâtir, papa fit les calculs: tant de 1000 pieds de bois, tant de chaux et tant de briques. « Je t'ai mis 100 briques de plus, car les maçons en cassent toujours un peu et il est bon d'avoir une cinquantaine de briques dans le hangar. » Il en resta 45.

     Où papa aurait-il acquis son langage raffiné? Il ne pouvait aller à l'école à son deuxième séjour: il devait travailler pour faire vivre sa femme et ses enfants. Où aurait-il pris ses éléments d'astronomie et d'histoire des États-Unis? Certainement pas à Saint-Casimir! Où aurait-il appris aussi bien la toise et le calcul? Certes pas à la petite école!

     Tout cela concorde avec les souvenirs qui me sont restés des colloques anglais que j'ai eus avec lui. Il y a un premier séjour à Chippewa Falls pendant son adolescence. Les déductions confirment mes souvenirs.

Le mariage:

     De retour au pays, à une date indéterminée, mon père est sans doute allé vivre sur une terre qu'il a achetée dans le rang ouest de la rivière Blanche. On pourrait situer cette période entre 1876-1880, mais, on ne peut rien prouver.

     Maman a toujours dit que Dave ressemblait à notre père, ce qui n'est pas le cas des 3 autres fils. J'en déduis que papa était un beau garçon, bien pris, droit, 5 pieds et 8 pouces. C'était un homme d'une grande force: la vigueur de son bras était remarquable. Lorsque j'ai vraiment connu mon père, il avait déjà une cinquantaine d'années et ses jambes lui donnaient un peu de trouble car il faisait de l'obésité: 225 livres. Ses fils ont à des degrés divers hérité de sa vigueur physique: Frank qui jouit d'une jeunesse de 86 ans était d'une force peu commune; Dave était un « bon homme » et j'ai vu mon frère Paul transporter en un seul voyage, 5 sacs de farine de 100 livres du hangar à la boulangerie; quant à moi, le petit dernier, je disais à maman que j'avais été fait avec les restes. Elle me répondait que tous voulaient avoir la petite tarte qu'elle faisait avec son reste de pâte. Chère bonne maman!

     De leurs amours avant le mariage, nous ne savons rien. Séparées par la rivière Blanche, leurs maisons étaient peut-être à un mille de distance.

     Se sont-ils connus à l'école? à la grand-messe à Saint-Casimir? dans une des soirées qui se donnaient alors si volontiers à la campagne? Chi lo sa! Une seule chose est certaine, ils se sont rencontrés, ils se sont aimés. Maman devait être une belle grande fille, capable d'inspirer l'amour d'un homme véritable. Évidemment, elle avait environ 45 ans quand j'ai pu la connaître: femme bien constituée, elle avait des traits réguliers, les yeux et la bouche plutôt petits, le menton bien dessiné; elle donnait l'impression de féminité et de bonté, en même temps que de volonté et de sérénité.

     Le mariage eut lieu à l'église de Saint-Casimir, le 4 juillet 1881: papa avait 23 ans et maman 22. Y eut-il une noce? probablemnt. Un voyage de noces? ce n'était pas l'habitude. Où demeurèrent-ils comme jeunes mariés? Papa avait acquis sa première terre. Nous ne retraçons pas le contrat d'achat. S'agissait-il d'un lot octroyé par le gouvernement? Nous ne le savons pas. Comme les peuples, un mariage heureux n'a pas d'histoire... ni d'histoires!

Les enfants:

     Mes parents ont eu neuf enfants:

1- Louisy I (Marie-Alma), née à Saint-Casimir le 1er juillet 1882. Parrain: grand-père paternel Daniel Foley; marraine: grand-mère maternelle Sophie Vallée. Décédée le 26 avril 1883.

2- Louisy II (Marie-Louise), née le 13 mars 1884, à Saint-Casimir; parrain, son oncle Jeffrey Douville, et marraine, sa tante Héraclise Foley. Mariée à Eugène Saint-Germain de Saint-Casimir, le 10 octobre 1904. Louisy était belle et grande. Elle a eu 3 enfants: Léon, Paul (décédé) et Rose-Aimée. À la naissance de cette dernière, Louisy fait une pleurésie et nous savons aujourd'hui que cette maladie est d'origine tuberculeuse dans 95 % des cas. Alma qui est allée la soigner s'infecte et à son tour elle contaminera ma mère. Louisy décède le 2 juillet 1909. Je n'ai que deux souvenirs d'elle: en courant dans la cuisine de la maison paternelle, je tombe et commence à pleurer: elle m'a pris dans ses bras pour me consoler; lors de sa dernière maladie, maman est allée la visiter, je la revois dans son lit avec Rose-Aimée dans ses bras.

     On voit ici qu'entre la naissance de Louisy II et celle de David I, mes parents avaient quitté Saint-Casimir vers 1885 pour aller vivre à Chippewa Falls, probablement à l'automne ou à l'hiver. Mes parents et mon oncle Solomon Douville habitaient la même maison, ni eau courante, ni toilette intérieure. En l'absence des hommes, les femmes devaient puiser l'eau à l'extérieur.

3- David I, né le 28 juin 1885 et décédé bébé à Chippewa Falls en 1886. Il est probablement mort du croup. On appelait ainsi la diphtérie. Traitement d'alors: badigeonnage de la gorge à « l'huile de charbon ».

     D'après le témoignage de Gene Douville et de sa soeur Laura, les trois enfants aînés de leur famille moururent également de cette maladie.

4- Frank (Voir sa biographie à son nom sur ce site.)

     La famille revient au Canada après 5 ans d'exil, alors que Frank a 9 mois. Bien qu'elle y eut des parents et malgré une certaine population de langue française, maman n'a jamais appris l'anglais et elle avouait qu'elle s'était ennuyée à en mourir à Chippewa. La mort de son enfant n'était pas de nature à la consoler.

     De retour au pays, mon père est venu habiter sur sa première terre dans le rang ouest de la rivière Blanche. Elle mesurait 1½ arpent de largeur par 26 arpents de longueur. Plus tard, et je ne sais quand, il acheta la terre contiguë, de la même dimension. Une de ces terres provenait d'un monsieur Godin. Ce dernier, qui ne voulait pas vendre à mon père, fit un échange avec un monsieur Morin qui consentit à la vendre à mon père quelques jours plus tard. Il s'agit d'une des plus belles terres de cette plaine. Mon père a beaucoup travaillé pour la mettre en production. Il l'a défrichée complètement et a enterré les grosses roches qui s'y trouvaient à la suite de la marche ou du glissement du glacier continental.

     Il l'a cédée à Frank vers septembre 1909, pour le prix nominal de 4000 $. Paul reste avec Frank en 1909 et 1910. Mon père achète la boulangerie de Borromée Gagnon, le 25 septembre 1909, à Saint-Stanislas du comté de Champlain, pour environ 2500 $. Elle était située sur la rivière des Envies, au bout de la rue commençant près du magasin général de Napoléon Massicotte. La boulangerie se trouvait en haut de la chaussée de la scierie Lacourcière. Nos parents déménagent, nous emmenant avec eux, Alma et moi. Dave, qui était tailleur de pierre à Montréal, reviendra bientôt nous rejoindre, de même que Paul à l'automne 1910.

     Au sujet de mes deux autres frères, je laisse à la piété filiale le soin de raconter leur vie et de souligner leur mérite, qui est grand. Je me contenterai de rapporter quelques faits auxquels j'ai été intimement mêlé.

5- David II, Dave, pour la famille, était d'une activité débordante et de ce fait tombait souvent dans des situations inusuelles. Un jour, à Saint-Thuribe, alors que maman s'était absentée, il avait organisé une course d'obstacles, à l'aide du mobilier. À la file indienne, Dave, Alma, Paul et Roger, d'une chaise, nous montions sur la table pour vaincre les obstacles suivants: chaise-table; chaise-évier; chaise-poêle; chaise-comptoir; et la ronde, sans jamais toucher au plancher, recommençait. Pas besoin de dire que le poêle chauffait, ce qui mettait un peu de chaleur dans le jeu. Ce dernier s'arrête brusquement quand nous avons aperçu maman dans l'embrasure de la porte.

     Une autre fois, il est tombé d'une fenêtre du deuxième étage, sans lésion apparente. Un demi-siècle plus tard, il m'arrive à Sillery, sur l'insistance de Paul, et de sa propre famille, pour consultation médicale. Il avait l'air d'un vieillard, ne retrouvait pas ses mots et était affligé d'un tremblement considérable. Je le confie à mes confrères de l'Hôtel-Dieu de Québec qui diagnostiquent une tumeur au cerveau, de nature indéterminée. Craignant le pire, vu son âge et le développement lent des symptômes, je le confie aux soins de mon ami le docteur Wilder Penfield, l'éminent chirurgien de réputation internationale, à Montréal: celui-ci pratique une intervention chirurgicale d'une durée de sept heures, pendant laquelle on donne à Dave une transfusion de six litres de sang, pour faire l'exérèse d'une tumeur vasculaire, de la grosseur d'une balle de tennis, sise dans le lobe frontal gauche. Au bout de trois jours, Dave sortait de la salle des soins intensifs, alors que certains patients se levaient à peine la tête de leur oreiller après une semaine. Le docteur Penfield était émerveillé de sa vitalité et de sa vitesse de récupération. Il croyait que la chute de Dave était la cause de la tumeur, avec une possibilité d'origine congénitale. Il ne lui resta aucune séquelle de sa maladie et il a pu reprendre toutes ses activités antérieures.

6- Alma, née à Saint-Casimir, le 4 décembre 1892, fut la joie de ses frères à la maison, Louisy étant mariée depuis 1904. Une présence féminine est importante pour le développement psychologique des garçons dans une famille. Alma était une grande fille bien constituée; on peut dire qu'elle était jolie: cheveux châtain-pâle, le teint clair et chaud, avec des taches de rousseur. Elle avait bon coeur, elle était gaie, taquine, câline mais réservée. J'ai déjà raconté comment elle avait contracté la tuberculose (forme laryngée) qui devait l'emporter le 19 juin 1916. Son départ créa un grand vide dans la maison et dans nos coeurs.

7- Léopold, que tout le monde appelle « Paul », fut mon compagnon d'enfance et de toujours. Il est plus qu'un frère, c'est un ami. Grand, gros et fort, il a toujours été d'une patience remarquable. J'étais petit, gringalet et prompt. Je me fâchais et sautais sur lui: il m'encerclait les deux bras autour du corps et me disait: « Quand tu seras défâché, je te lâcherai ». J'ai vite appris que j'étais mieux de rester calme. Une seule fois m'a-t-il frappé: papa nous avait narré le conte de « Culotte verte » ainsi nommé à cause du pantalon du héros. Ce dernier était fort et bon, mais la victime des méchants; dans un épisode, ceux-ci l'assommaient avec un gourdin. Un jour, en jouant à « Culotte verte », où je devais nécessairement être le « méchant », je l'attends au bout du petit passage entre la maison et la laiterie et lui donne un coup de bâton sur la tête. Abasourdi, il fait semblant de me donner un coup de pied. Il avait les jambes longues et moi le postérieur bas, de sorte qu'involontairement il m'a accroché le dos à la descente du talon. C'est bien la seule fois où il m'a frappé.

     Je ne saurais raconter tous les épisodes de notre vie commune. Qu'il suffise de dire que notre amitié n'a jamais eu de nuages et que nous avons un immense plaisir de nous retrouver chaque fois que la vie nous ménage une rencontre. Il est le genre de frère que je souhaite à tous les petits garçons du monde.

8- Roger (Voir sa biographie à son nom sur ce site.)

9- Marie-Jeanne, dernière enfant de la famille, née le 1er avril 1901 et décédée le 7 mai 1906. J'ignore la cause du décès. Je me rappelle bien cependant la grande douleur de ma mère. Je la comprends aujourd'hui pour avoir vécu des heures semblables.

Nos parents dans le milieu familial

     Il est évident que nos parents vivaient en parfaite entente: maman était ministre de l'Intérieur et c'est elle qui avait la gouverne des enfants et de la maison. À ma connaissance, jamais papa n'est intervenu. Quand elle ne voulait pas nous donner une permission, elle nous référait à notre père. C'était bien inutile de le faire et d'aller chercher un « non ». Je pensais que papa était l'autorité suprême: en réalité, c'est maman qui décidait de tout à la maison. La seule punition de mon père a consisté en une chiquenaude qu'il m'a donnée à l'oreille droite. Maman avait sa méthode particulière de nous corriger: « Va me chercher une hart dehors! » La recherche de l'instrument de punition était bien plus pénible que le petit coup qu'elle nous donnait sur les mollets. Un jour, Paul, qui devait lui ramener une petite branche punitive, ne revient qu'au bout d'une demi-heure avec un morceau de bois de 3 ou 4 pouces de circonférence et de 5 ou 6 pieds de long; maman lui dit: « Qu'est-ce que tu veux que je fasse avec ça? »

— Me battre! répond Paul.

— Tu as pris bien du temps!

— Il n'y en n'a plus de hart.

— Va me serrer cela.

     Papa a jeté un petit coup d'oeil moqueur à maman et un regard appréciateur à Paul, sans rien dire évidemment.

     Lorsqu'il y a des visiteurs à la maison, les enfants sont toujours plus dissipés. Quand nous dépassions les bornes et que maman était intervenue à quelques reprises avec assez peu de succès, papa intervenait alors: il se dérhumait d'une façon qui lui était toute personnelle et d'un regard circulaire autour de la pièce, il nous atteignait chacun à notre tour et chacun figeait alors sur place pour s'asseoir bien tranquillement: il n'avait pas besoin de parler!

     Papa aimait beaucoup les enfants et il était d'une patience remarquable avec eux. Lorsqu'il faisait très chaud, il lui arrivait de se coucher sur le tapis pour une sieste. Je me rappelle qu'un jour nous nous amusions à nous rouler par-dessus lui en jouant. Maman lui dit: « Pourquoi les laisses-tu faire? Ils t'empêchent de te reposer. »

— Je sais bien, je leur ai dit d'arrêter, que je ne le leur dirais plus!

     Il ne faudrait pas croire que papa était morose: il savait causer avec les clients et nos visiteurs. Il était excellent conteur et nous racontait des histoires et des contes; dans une soirée, il chantait et je l'ai vu danser les danses russes, que nous appelions « danses en petit bonhomme ». Lorsque les bébés atteignaient l'équilibre, vers un an et demi, deux ans, il les posait debout sur sa main droite, comme sur un plateau, et il les faisait « danser » en chantant un rigaudon. Il était chantre au choeur à l'église: il savait « solfier » ses messes en plain-chant et avait la voix juste et agréable.

     Il avait une érablière dans le rang de « La Boucanière ». Je me rappelle être « allé aux sucres ». Il nous expliquait le procédé de saccharification, réussissait bien ses produits: tire, sirop et sucre. Il a vendu cette propriété quelques années avant sa mort.

     Maman était bonne cuisinière: des mets simples, bien apprêtés et savoureux. Elle aimait manger très chaud, papa plutôt tiède. Il attendait que la température baisse et mangeait ensuite sans aucun commentaire. Il couvrait sa soupe de poivre « pour s'éclaircir la voix ». Ses fils ne mangent pas chaud et mon garçon Jacques poivre abondamment: hérédité?

     Notre père aimait les chevaux et savait les dresser; il ne gardait qu'une bête intelligente et vigoureuse; il la commandait toujours en anglais. Je me rappelle en particulier de « Carlo », un grand cheval blond. Dans la distribution du pain, on desservait alternativement le village et les rangs: du moment qu'on avait arrêté le cheval à la première maison de la route du jour, Carlo savait quoi faire: il partait, dès qu'en revenant d'une maison, on mettait le pied dans la voiture, s'en allait arrêter au client suivant et rendu à la fin de la livraison tournait la voiture pour le retour pendant que papa bâclait sa dernière vente. Dans le village, stationné près du trottoir, il ne s'occupait pas des hommes qui passaient, mais faisait semblant de vouloir mordre les femmes! Mais il n'a jamais mordu personne. Nous lui présentions notre avant-bras: il le prenait entre ses dents, mais ne serrait pas.

     Mes parents étaient d'une honnêteté proverbiale. Maman disait: « Si tu trouves quelque chose, rend-le à son propriétaire. Ne garde pas même une épingle qui ne t'appartient pas ». Pour les fins du commerce, on gardait toujours un bon montant de monnaie dans une boîte. Tous les membres de la famille pouvaient y puiser pour un achat, une commission. On ne contrôlait pas le montant que nous prenions, ni la somme que nous remettions sans faute dans la boîte au retour. On savait que nous ne volerions pas. Papa était reconnu comme la justice incarnée. Un jour, il me raconte qu'en faisant l'inspection des bâtisses lorsqu'il est allé acheter la boulangerie de Saint-Stanislas, il eut des doutes sur l'étanchéité de la couverture d'un hangar. Il dit à monsieur Gagnon, le propriétaire: « La couverture ne coule pas? »

— Oh non! fut la réponse.

     À la première pluie, il constata que le toit était percé et en fit la remarque à son vendeur: « Quand vous avez visité avec moi, il ne coulait pas. »

     Certainement pas: c'était une belle journée ensoleillée. Mon père me dit: « Cet homme n'était pas honnête; mais, tu sais, entre un parfait honnête homme et un autre parfait honnête homme, il y a assez de distance pour faire mourir un bon cheval. »

     Quelque temps après sa mort, un de mes clients du « Troisième Rang » m'arrive au bureau: « Docteur, j'ai un service à vous demander. J'ai un peu d'argent et je fais des prêts... Mais je ne sais ni lire, ni écrire, ni compter en haut de  « dix ». C'est votre père qui comptait mon argent. Je viens vous demander de le remplacer, parce qu'un fils de votre père ne peut faire autrement que d'être honnête ». Je lui ai rendu service avec plaisir jusqu'à mon départ de Saint-Casimir. Je crois pouvoir dire que cette honnêteté s'est transmise à ses descendants: magnifique héritage!

     Notre père jouissait d'une mémoire remarquable: il pouvait dire continuellement ce que chaque client avait acheté, ce qu'il avait payé et la balance de sa dette sans consulter les livres de comptes: le tout sans danger d'erreur.

     Dans ma propre biographie, je parle du décès de notre mère et de notre père. Pour compléter ces notes historiques, je signale que le 6 janvier 1926, papa épousait dame Marie Marcotte en secondes noces. Il laissa la maison à Paul, pour prendre un loyer dans la route du « Pied de la Montagne », près de l'église.

La politique:

     Il était plus intéressé à la politique des États-Unis qu'à celle de chez nous; son homme était Grover Cleveland, deux fois président des États-Unis d'Amérique. Chez nous, il était de tendance conservatrice, mais je crois qu'il a pu voter pour sir Lomer Gouin.

     Vers 1915, un jour que papa était devant la maison, une grosse voiture de marque française arrête, le chauffeur s'empresse d'ouvrir la portière et sir Lomer descend pour venir serrer la main de papa et causer avec lui un certain temps.

     Notre voisin, Alphonse Dusablon, témoin de la scène, était un rouge militant et inconditionnel. Il fut mortifié que sir Lomer vint ostensiblement le négliger, lui, un honnête et vaillant libéral, pour s'occuper d'un homme qui, après tout, n'était qu'un bleu.

     Il ne faisait pas de démonstration de sa foi, mais il était pieux. Combien de fois l'ai-je vu se rendre à l'église, le dimanche après-midi, pour faire son « Chemin de la Croix ». Il était allé à la grand-messe le matin et il retournait aux Vêpres le soir.

     Avons-nous eu des parents exceptionnels? Nous aimons tous à le croire.

     Ils nous ont élevés chrétiennement, nous ont enseigné l'amour du travail bien fait, la justice, l'honnêteté intégrale, la cohésion familiale et l'importance promordiale du devoir d'état.

     Ils n'ont pas joui des avantages sociaux qui sont nôtres aujourd'hui; ils ont travaillé dur, ils se sont sacrifiés pour que nous ayons dans la vie un sort encore meilleur que le leur.

     Remercions le Ciel de nous avoir donné de tels parents. Nous avons raison d'être fiers d'être des Foley.

 

Extrait du document de 153 pages «La famille Donald Foley» compilé en 1974 par le prêtre Jean-Louis Foley.

 

Cimetière de Saint-Casimir

 

Mentions légales  |  Contactez-nous  |  Notre mission  |  Liens partenaires  |  Votre arbre généalogique

Copyright © NosOrigines.qc.ca 2025