LES MARINS-PÊCHEURS D'AVRANCHES
ET LA COTE-DU-SUD
Principales paroisses de la Côte-du-Sud ou se sont installés les pêcheurs originaires des Biards
Voici la petite histoire d'un groupe de marins-pêcheurs venus du village ou des environs des Biards, Avranches, France. Voici surtout la petite histoire des pérégrinations de mon troisième arrière-père, Michel Charuel (Charrois).
Les marins-pêcheurs de France ont traversé l'Atlantique pour pêcher la morue au Canada même avant la venue de Jacques Cartier. "La Gaspésie ne cessa d'être fréquentée par les pêcheurs français qui y faisaient d'abondantes pêches et qui y trouvaient un endroit commode pour faire sécher le poisson. Quand Québec fut fondé, ils alimentèrent ce poste en provisions, et Champlain se servait également d'eux pour faire parvenir son courrier en Europe"(1).
Néanmoins, l'avènemenet du système seigneurial menaça les droits des pêcheurs d'amener leur prise sur le rivage pour la trancher et la faire sécher. Les goélettes servaient souvent comme caboteurs rapides et rentables le long du Saint-Laurent. C'est ce qui amena la création, en 1681, d'une zone franche à Gaspé, de Matane à la Rivière-Bonaventure, afin de donner libre accès à la grève aux marins-pêcheurs (2).
Le groupe venu des Biards pendant les années 1752-1756 comptait entre autres: François et René Pelchat, Pierre Pinet, Louise et François Hamel, François Breux, Jean Thomassin, Jacques Colin, Pierre (Le) Sénéchal, François Aubut, Louis Chenet, Jean Bossé, Pierre Martin dit Le Français ainsi que Joseph, Jean-Baptiste et Michel Charuel (Charrois), mon ancêtre.
Au cours des années précédentes, d'autres marins-pêcheurs de Coutances et d'Avranches sont venus à Gaspé avant de s'établir sur la Côte-du-Sud.
Parmi ceux que nous connaissons, nous pouvons citer: Jean Anctil dit Saint-Jean, Nicolas Louvel, Pierre et Jean Rulo, Louis Canuel, Jean Duval, Louis le Métaillier (Métayer) et Jean Lévêque. Les premiers qui sont venus des Biards: Julien (Le) Sénéchal, Julien Pigeon, Pierre Colin, et les frères Louis et Michel Théberge, les trois derniers tous cousins de René Pelchat, Jean Thomassin et les Charuel.
Le général Wolfe, le futur vainqueur de Québec, a été un des Anglais qui furent chargés, entre le 17 et le 23 septembre 1758, de détruire tous les postes de pêche de la Gaspésie. De plus, ils ont fait prisonniers 280 Français, saisi 62000 quintaux de poisson, détruit ou capturé 375 chaloupes et quatre goélettes (2).
Deux mois plus tard, le 21 novembre 1758, on trouve la première référence historique à Michel Charuel au greffe du notaire Joseph Dionne. Avec Jean Anctil dit Saint-Jean et l'instituteur Mathurin Busson comme témoins, Michel Charuest (sic) achète deux arpents de terre à Barthelemy Jollet, situés au second rang du petit camouraska (sic), pour le prix de 350 livres.
Trois faits retiennent l'attention dans cet acte. Premièrement, Michel Charuel a payé 150 livres tout de suite. Deuxièmement, un nommé François Martin devra payer 111 livres, somme qu'il doit à l'acheteur, le 15 janvier 1759. Troisièmement, Michel promet de payer le résidu (89 livres) le 29 septembre 1759.
Puisque qu'il dispose d'un montant raisonnable lors du contrat et qu'il est assuré d'un revenu prochainement, Charuel doit être patron de sa goélette et il a dû échapper aux Anglais sans perdre sa pêche.
Pour ce qui est des 111 livres que François Martin doit a Michel, il s'agit sans doute de la dot promise à ce dernier qui s'apprête à épouser Marie-Josephte Martin, selon toute probabilité, fille de François.
Mais que faisaient ces marins-pêcheurs sur la Côte-du-Sud pendant ces années? Grâce à une lettre personelle de M. Paul-Henri Hudon de Chambly, on nous donne une indication générale. "Il semble bien que notre Pierre Plourde fut un employeur d'engagés à Riviere-Ouelle. Il gardait chez lui probablement des jeunes hommes célibataires pour travailler sa terre et peut-être aussi pour la pêche. Mais son voisin François Lévesque eut des gendres pêcheurs: Jean Anctil, Étienne Malenfant, Louis Alexandre, etc."
D'autres habitants sud-côtois semblaient servir de patrons pour les marins-pêcheurs de Coutances et d'Avranches. Il s'agit de Jean Anctil dit Saint-Jean à Sainte-Anne de la Pocatière, François Martin à Cap Saint-Ignace et Eustache Chouinard à Saint-Thomas de Montmagny.
Si nous retournons aux Charuel, Jean-Baptiste, Joseph et l'ancêtre Michel, on trouve la sépulture du premier à Riviere-Ouelle le 5 avril 1759 avec Pierre et Joseph Plourde comme témoins. Paul-Henri Hudon ajoute: "Ce jeune homme (Jean-Baptiste Charuel) était sans doute engagé comme manoeuvre chez Pierre Plourde... Peut-être était-il aussi marin-pêcheur?"
Quant à Joseph Charuel (Charnerre), il épouse Marie Chouinard, enceinte de lui, fille d'Eustache et Madeleine Bérubé. Joseph décède avant le 23 janvier 1764, date du mariage de sa veuve avec Denis Coquière, un autre marin-pêcheur.
Quant à Michel Charuel, dans un témoignage de liberté au mariage de François Hamel à l'Islet daté du 10 fevrier 1762, il est identifié comme "Michel Charuel, de Biard". Dans un acte du même genre le 15 novembre 1762 à Notre-Dame de Québec pour Jacques Colin et Pierre Le Sénéchal, on mentionne "Michel Charuel, qui a demeuré au Canada et gaspé depuis huit ans".
L'ancêtre Michel Charuel est mort le premier mai 1814 à Saint-Roch-des-Aulnaies à l'âge de 104 ans selon les registres. Si oui, il serait né vers 1710. Cependant, M. Bernard Langevin, archiviste de Saint-Martin des Biards, doute de la véracité de ce fait. Selon ses recherches "... les personnes des Biards ayant émigré au Canada sont nées dans la période de 1719 à 1735. Les familles Charuel étaient nombreuses dans la paroisse de Saint-Martin des Biards... Certaines de ces familles vivaient à la Poissoniere dans le même village que les ascendants des Théberge que vous connaissez, ces familles sont apparentées avec les familles Thomassin bien connues au Québec et aux familles Pelchat que l'on retrouve au Québec et aux États-Unis... j'attends de vous quelques précisions supplémentaires qui me seraient bien utils en la circonstance."
Alors voilà la petite histoire de mon ancêtre Michel Charuel et les autres marins-pêcheurs de Coutances et d'Avranches. Incapables de retourner chez eux, ils ont tous essuyé la tempête de la guerre sur la Côte-du-Sud comme marins, pêcheurs, et plusieurs d'entre eux devinrent même cultivateurs.
Richard L. Boucher
Sandalwood, Californie
(1) Alfred Pelland, La Gaspésie, Québec, 1914.
(2) R. Cole Harris, Historical Atlas of Canada, Toronto, 1987.
Greffes des notaires Joseph Dionne, 21 novembre 1758, Noël Dupont, 17 février 1782, Nic.-Charles Lévesque,
12 mars 1758, 15 juin et novembre 1761.
Témoignages de liberté au mariage, P.R.D.H. 1700-1765, vol. 46.
Registres paroissiaux de Ste-Anne de la Pocatière, St-Roch des Aulnaies, Cap St-Ignace, Rivière-Ouelle.
Lettres personnelles de Michel Dumais, Paul-Henri Hudon, Bernard Langevin, Émile A. Théberge.
Gérard Lebel, Nos Ancêtres, vol. 2 et 18.
Cyprien Tanguay, Dictionnaire généalogie des familles canadiennes.
http://pages.videotron.com/tilleuls/lesmarinspecheurs.htm