Biographie Jolicoeur Leon
Histoire de la famille Léon Jolicoeur et des Jolicoeur de la Beauce
Une entrevue avec mon père et ma mère, un soir d’automne 1992.
Il y avait ce sentiment confus qu’il fallait se soucier de prendre note du passé. Les années passent et les parents ne semblent pas vraiment vieillir. Cependant trois ans plus tard, le destin s’affirmait cruellement.
La colonisation:
« Au début, les gens écrivaient au gouvernement, pour avoir des lots de terre; les Tanguay (ma famille maternelle) sont arrivés par après ». Barnabé est devenu un agent du gouvernement dans son magasin général du village; « il vend des lots; il fait de l'argent avec çâ ».
Les trois frères, Godfroy, Édouard et Joseph décident, vers les années 1895, de quitter St-François de Beauceville et de s'établir sur des lots de colonisation du gouvernement dans le comté de Marlow, une trentaine milles plus au sud, le long de la rivière Chaudière, accompagnés par des amis de leur région, les Doyon, les Poulin, Bernard, Dallaire, etc. À 2 milles du petit village, Godefroy avait choisi un grand lot boisé avec soin, une centaine d’acres; il y avait là une nappe phréatique, à peine 300 pieds de la future maison, située en contrebas.
L’eau de la source coulait par simple gravité pour les utilités courantes, tant pour les animaux que les habitants; elle devait servir aussi aux deux voisins, Joseph Doyon, et plus tard Camille, son frère, par acte notarié.
«Il y avait mes oncles Édouard, Joseph et Gédéon.
Édouard avait pris la terre au bout de la route (plus tard celle d'Émile). Il est resté là quelques années puis retourne à Beauceville. Il a eu deux fils, Philippe et Dominique, morts tous les deux maintenant, qui étaient dans l'électricité (Jolicoeur Electrique) et une fille, Marie Reine, qui est encore en vie; je l'ai vue l'an passé, elle est à peu près de mon âge.
Le plus jeune, c'était Joseph; il faisait le fromage. Il chantait dans l'Église. Mais il n'est pas resté longtemps par ici. Il est redescendu à St-François. Maman me disait qu'il descendait le lait au village et faisait quelques piastres; ça faisait loin, 4 milles de marche aller retour. Il y avait quatre-cinq vaches, des poules. Plus tard, on faisait du beurre. On avait une baratte à beurre. On l'achète quand on a eu trop de crème. Avant, on mettait ça sur la table; ça virait et on ramassait la crème sur le lait.
La vie a bien changé depuis ce temps-là. Les gens ne se plaignaient pas; il n'y avait pas d'épicerie, comme aujourd'hui. Je me rappelle Frédéric Rousseau qui passait dans les rangs, pour vendre de la viande.
Mon oncle Gédéon avait une grosse famille, il vivait dans le grand Shenley, voisin du jeune Octave Tanguay (son futur beau-père et mon grand-père maternel), sans doute du temps de sa jeunesse alors qu’il vivait dans la famille de Barnabé (le patriarche), installée là ».
Il (Barnabé) avait une terre à côté de l'Église, disait ma mère, Elise Tanguay, toute fière de son aïeule.
Rencontre de Marie-Louise et Godfroy:
« Maman (Marie-Louise Cloutier) contait ça: elle sortait avec un autre garçon; papa était allé veiller là, à la même place. Quand il allait partir, elle lui avait dit de revenir. Ils se sont revus une couple de fois. C'était deux belles personnes. Il était beau, mon père ». La mère provenait de la région de St-Victor.
Mariage quelques mois plus tard en janvier 1901:
« Ils se sont mariés au Roi (7 janvier 91). Maman a 19 ans; papa, 23 ans, puis ils étaient montés », en carriole dans les routes glacées. « Joseph était resté sur place, depuis l’automne d’avant; il gardait la maison. Il y avait cinq-six animaux dans l'étable. Au début, mon père avait un simple ‘camp’. La maison se fait construire en 1898, avec l’aide d’Achille Doyon, le voisin, mais elle n'était pas ‘finie’; elle ne devait pas être très chaude; il y avait un poêle à deux ponts. Ils me racontaient qu'après le mariage, lorsqu’ils montaient, maman trouvait que c'était loin. Ils voyaient une petite lumière. C’était là. Après une année, ils reviennent à St-Victor, un bébé sur les bras. C'était Émile.
Le plus drôle, quand j'étais jeune, il y avait du lièvre en avant de la maison et un matin, on en a pris un par une patte; on l'amène et on le détache. Il saute par-ci par-là, sur les chaises, la table; maman courrait le lièvre, mais on vint à bout de le reprendre».
Godfroy s’adonnait également à toutes sortes de commerce. Il aurait quitté la région de Beauceville, trop sensible aux feuillus, pour choisir une région de sapinage (Céline). Il aurait eu un problème d’asthme. Il vendait des séparateurs de lait actionnés à la manivelle. Il aurait vendu aussi des pommes, des cerises, à l'automne, à demande. Même les curés du village venaient manger des prunes ou des cerises de France (Céline).
Finalement, Godefroy ne manquait pas une occasion de faire un peu d'argent. «Il possédait le plus beau manteau de chat sauvage des environs ». Il aurait continué le commerce de Frédéric Rousseau, en se procurant la maison à viande, qui restera sur le bien paternel et deviendra notre maison de jeu, bien plus tard. C'était une jolie petite maison, avec toiture, fenêtres et rideaux, petite porte. Dans ma petite enfance, au début de l'été, mon père tirait la petite maisonnette sur un traîneau à patin-lisse et cheval jusqu'au verger, en hauteur sur la ferme. Elle devenait notre lieu de prédilection, où trois enfants s'entassaient, surtout les jours de pluie. La vue était panoramique sur les montagnes Appalaches.
À mon époque, le boucher du village, Pierre Cliche, promenait sa propre maisonnette dans certains rangs, chaque semaine, à l'arrière de sa charrette-cheval et plus tard sa camionnette. Il y suspendait toutes ses viandes et ce qui nous fascinait le plus, les longs rouleaux de saucisses, boudins, en plus d'y ajouter quelques fruits exotiques comme les bananes, que ma mère achetait surtout quand tout le monde travaillait fort dans le temps des foins. La viande venait toujours de « l'ouest », mais il arrivait que c'était de la « viande de cheval » ou de « vieille vache ». Il fallait se méfier.
La mort du père en mars 2020 à 42 ans:
« Il était descendu à St-Victor chercher des chaudières (d’eau d’érable), le doux temps prend, il monte pareil, il avait eu chaud, froid ». Pendant que les fils aînés, Léon et Joseph, travaillent aux deux nouvelles sucreries du rang 4, le père tombe gravement malade, atteint de fortes fièvres. « Ils avaient fait venir le Dr Bédard (St-Martin) qui avait donné un vomitif. Il avait étouffé et il est mort de ça », croit mon père qui en garde une rancune et une méfiance viscérale de la médecine. La maladie s’aggrave si rapidement qu’il aura à peine le temps de revenir de sa cabane à sucre avec Joseph.
Le dégel du printemps rend les routes impraticables pour les voitures attelées et le corbillard. Les plaines vallonnées s’entrecoupaient de ruisseaux débordants de leur cours dans cette crû soudaine et il fallut transporter le cercueil à dos d’homme. Et poursuivre à pied les presque deux milles restants, les pieds enfoncés dans cette pénible marche, devenue une procession de deuil d’un siècle antique. Godefroid aura mérité son dernier repos.
L'après-coup du décès:
« Mon père avait acheté une autre terre dans le haut du rang 4 (une dizaine de milles au nord-est), il avait labouré grand, (avec son attelage de bœufs), l’année précédente, car il avait 17-18 vaches à lait déjà. C’était un renfort, cette terre qui était à un Bellegarde, monté aux États-Unis. On avait fait $400.00 de sirop d’érable, en cette année-là. On avait deux cabanes, on passait la nuit chacun tout seul, à faire bouillir, Émile (revenu du collège) dans la sienne, moi dans l’autre. Il fallait faire ça comme on pouvait; on ne connaissait pas ça. On l'avait vendu à Joseph (oncle paternel) pour $400.00, avant que les prix ne baissent. Émile l'avait descendu à Ste-Évariste. Mais Joseph ne l'avait pas vendu et a fait faillite avec les tonneaux de sirop. On voyait plus tard que les barils étaient tombés, que le sirop coulait sous le hangar ».
Au décès, l’aîné, Émile revient pour de bon du collège de Sudbury, pour aider la famille. Mais Charles ira au Collège de Beauport, aux Missionnaires du Sacré-Cœur, pour des études classiques et le noviciat dont il sera exclu plus tard (bel homme, charmeur, c’en était trop). Camille ira au Collège de Beauceville, quelques années. Zéphérine aurait fréquenté le Couvent des Sœurs de la Charité de Saint-Louis du village, comme Rachel, Aimée-Rose qui deviendront institutrices.
Avec l'aide d’un oncle maternel, Cyprien Fortin, père Oblat, la mère, Marie-Louise, veuve à 38 ans, poursuivait son désir d’éducation de ses 11 enfants. Léon deviendra le 2iè père de cette famille nombreuse, ne se mariant qu’à 36 ans. Il aimait heureusement la famille et le travail de la terre.
Claude Jolicoeur, 25 septembre 95
Rappel historique
« Notre paroisse, démembrement de la mission de Saint-Martin, fut ouverte à la colonisation en 1869. Des colons venant surtout de Saint-Martin, de Saint-Georges de Saint-Honoré de Shenley, de Saint-Benoît et de Saint-François (Beauceville) viennent s'y installer. La vie de nos premiers arrivants est intimement liée à celle des gens de Saint-Martin puisqu'ils doivent se rendre à cet endroit pour recevoir les services du culte. En 1889, l'abbé François de Borgia Boutin est nommé curé de Saint-Martin avec ordre d'ouvrir une mission dans le canton de Marlow qui compte déjà 28 familles. L'abbé Boutin vient dire la messe d'abord dans la maison des M. Honoré Veilleux puis dans une vielle bâtisse en bois rond ayant servi de résidence à une famille partie pour les États-Unis.La chapelle-école construite en 1890. La mission de Saint-Gédéon continue d'attirer de nouveaux colons puisqu'en 1898 on dénombre 52 familles. La chapelle-école ne répondant plus aux besoins des gens, ils construiront la chapelle-sacristie-presbytère dans l'espoir d'y accueillir bientôt un prêtre résident. Celui-ci arrivera en 1899 en la personne de l'abbé Joseph Rouleau. Les registres de la paroisse de Saint-Gédéon s'ouvrent le 6 novembre 1899. Le 30 novembre 1910 a lieu l'érection canonique: Saint-Gédéon passe de statut de mission à celui de paroisse. La construction de l'église actuelle date de 1911.Au point de vue municipal, "La municipalité de partie de canton de Marlow" est formée le 9 mars 1900 mais ce n'est que le 20 février 1911 que ce territoire sera reconnu officiellement sous le nom de "La municipalité de la paroisse de Saint-Gédéon". Le 17 août 1949, un certain territoire en est détaché et est érigé en une municipalité distincte, sous le nom de "La municipalité du village de Saint-Gédéon". Le 1er janvier 1912 et le 1er janvier 1950 sont les dates de constitution véritable puisque ces érections prennent effet à compter du 1er janvier suivant la date de la publication dans la Gazette Officielle de Québec».
(Extrait du livre " Un souvenir pour l'avenir" ). Site web de St-Gédéon, https://www.st-gedeon-de-beauce.qc.ca/fr/historique
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