Biographie Sauvageau Charles
SAUVAGEAU (Savageau), CHARLES (Michel-Charles),
musicien, chef d’orchestre, professeur, compositeur, auteur et marchand
de musique, né probablement en octobre 1807 à Québec, fils de Michel
(Michel-Flavien) Sauvageau et de Marie-Angélique Corbin ; le
20 avril 1830, il épousa dans sa ville natale Marie-Angélique Lévêque,
et ils eurent au moins 12 enfants dont la plupart moururent en bas âge ;
décédé le 16 juin 1849 dans la même ville et inhumé le 19 dans le
cimetière Saint-Louis.
Charles Sauvageau est issu du premier
mariage de Michel Sauvageau à Québec en 1799 ; devenu veuf, celui-ci se
remariera en 1827 avec Marie-Anne Atkin, veuve de Pierre Racine. Charles
passe vraisemblablement son enfance et sa jeunesse à Québec où son père
est notaire. De ses années de formation, on ne connaît rien sinon qu’il
étudie un an, en 1820, au petit séminaire de Québec. Ses contemporains,
tel un journaliste de l’Abeille, attribuent sa
supériorité dans l’art musical à « une application constante et [à]
d’heureuses dispositions naturelles, car il s’était formé seul ».
Sauvageau est désigné comme musicien
pour l’une des premières fois en 1832, peut-être à la suite de son
engagement à titre de maître de musique d’au moins 12 garçons, que John
Chrisostomus Brauneis*
avait recrutés à l’hiver de la même année « dans le but de les
qualifier pour être musiciens de la bande militaire de l’artillerie de
Québec ». L’année suivante, il annonce la mise sur pied le 15 novembre
d’une « Quadrille Band ». En 1834 et 1835, d’après les annonces parues
dans le Quebec Mercury, cette fanfare est
fusionnée à la Band of the Quebec Militia Artillery. Les liens de
Sauvageau avec cette dernière formation, composée de 18 exécutants, se
resserrent encore car, si l’on en croit Philéas Gagnon*,
il en prend la direction en 1836. Ces rapports étroits paraissent se
maintenir puisqu’en 1847 c’est toujours la fanfare de la milice
canadienne qui semble fournir les effectifs de la Bande de la Société
Saint-Jean-Baptiste, que dirige Sauvageau depuis 1842. Par contre, faute
de documents, on ignore tout des membres de « l’orchestre ordinaire de
Mr. C. Sauvageau » qui jouent pendant les intermèdes, au cours de la
soirée musicale des amateurs à l’école des Glacis, le 25 juin 1840.
Cependant, on sait que la Quebec Philharmonic Union, qu’il dirige en
1848 et 1849, est formée d’amateurs.
Parallèlement à ses activités de chef
d’orchestre, et avec un égal succès, Sauvageau se produit en qualité de
violoniste, au moins à partir de 1838, au cours de soirées musicales et
dramatiques qu’il organise le plus souvent et qui, selon ce qu’écrit en
1842 le rédacteur du Fantasque, Napoléon Aubin*,
prennent l’aspect de réunions « qu’on pourrait presque appeler une fête
de famille ». Il témoigne de sa virtuosité en exécutant des variations,
des imitations au violon de divers instruments et des airs variés sur
une corde. Quelques pièces de sa composition, publiées entre
1840 et 1844, ne donnent qu’un faible aperçu de ses talents de
compositeur et de virtuose.
Au cours de sa carrière, Sauvageau se
consacre également avec zèle à l’enseignement de la musique. C’est à ses
élèves qu’il dédie en 1840 les deux valses qui sont les premières
pièces de sa composition. Avant que le petit séminaire de Québec
l’engage à titre de professeur de musique de 1846 à 1849, il semble
avoir enseigné de manière strictement privée, à défaut de réaliser le
projet, caressé en 1841, d’ouvrir une académie musicale à l’intention
des amateurs. « Premier artiste canadien à Québec, qu’ait enseigné la
musique dans toutes ses branches », selon l’Abeille,
et plus particulièrement le chant et les instruments à cordes, tels le
violon et la guitare, il sait susciter l’émulation chez ses jeunes
élèves en instituant des soirées musicales, accueillies comme une
nouveauté, en 1841, dans la ville de Québec. Tout comme son contemporain
et émule, Théodore-Frédéric Molt*,
Sauvageau rédige pour ses élèves, mais aussi pour les directeurs
d’école et le grand public, un ouvrage théorique, publié par Aubin, Notions élémentaires de musique, tirées des meilleurs auteurs
[...], dont le titre, le contenu et le prix ont subi d’importantes
modifications entre le début de la souscription publique pour la vente
du manuel, en février 1844, et l’annonce de sa parution, en mai 1845.
Pour approvisionner ses élèves et le public en général, Sauvageau tient
boutique à l’intérieur de sa maison. Dans une annonce qu’il fait
paraître en mai 1845 dans le Castor, on peut
lire : « Il [Sauvageau] continue à se charger de fournir des orchestres.
On trouvera chez lui de la musique nouvelle, du papier réglé, des
instruments de toute espèce, des cordes, etc. ; il se charge aussi de
vendre en commission, des instruments de prix et en général tout, ce qui
se rapporte à son art. » Des preuves du succès de son enseignement sont
fournies par les comptes rendus des soirées musicales offertes par ses
élèves, et plus encore par les réalisations exceptionnelles de son fils
aîné Flavien (Michel-Charles-Flavien), qui déjà à 10 ans joue du violon
en public accompagné par son père au violoncelle ; malheureusement,
l’enfant mourra tragiquement à l’âge de 15 ans dans l’incendie du
théâtre Saint-Louis, le 12 juin 1846. Sauvageau aurait formé également
le musicien et luthier québécois Joseph Lyonnais.
Les réalisations somme toute modestes
de Charles Sauvageau, accomplies au cours d’une brève existence – il
meurt « âgé de quarante et un ans et huit mois » – pourtant bien
remplie, ne diminuent en rien la place du musicien dans l’histoire de la
vie culturelle québécoise dans le deuxième quart du xixe
siècle. Il se trouve, en effet, que Sauvageau est l’artisan de la
réalisation d’un programme dont les intellectuels du temps, parmi
lesquels son beau-frère Napoléon Aubin, ont tracé les lignes. Véritable
mentor du musicien, ce dernier ne manque aucune occasion de dégager la
portée sociale de l’activité multiforme de Sauvageau. Par le biais
d’articles, il lui suggère en 1841 de « former à Québec une classe
publique pour l’enseignement du chant populaire », ce que le musicien
s’empresse d’accepter. Il corrige l’opinion de ceux qui seraient tentés
de comparer Sauvageau à un Nagel, violoniste étranger de passage à
Québec en 1842, et définit à cette occasion le sens des « efforts de
Mr. Sauvageau pour introduire, cultiver et faire mûrir surtout parmi la
classe laborieuse de ses compatriotes le goût d’un art qui cherche ses
adeptes et trouve ses sommités dans tous les rangs [...], d’un art qui
délasse le riche de sa paresse et le pauvre de son travail ». Il voit
dans les trois marches composées par Sauvageau « le style gai pastoral
et naïf qui distingue la musique canadienne », et croit qu’à ce titre on
doive transmettre ces airs à la postérité avec d’autres plus anciens.
Et, passant du discours aux actes, Aubin met ses presses au service de
Sauvageau. En outre, il appert que, dans ce premier âge du nationalisme
canadien, la carrière musicale de Sauvageau se déroule sous le signe
d’un engagement politique dont le succès est mis en évidence dans
l’invitation faite aux « dilettanti » de Québec, en août 1844 par le Ménestrel,
d’assister à l’un de ses concerts : « leur nombreux concours témoignera
de la popularité dont jouit, à si juste tître, notre musicien
national ».
Lucien Poirier
Entre 1840 et 1844, Charles Sauvageau a
écrit de la musique pour chant, violon, piano et guitare, et compilé un
« ouvrage spécialement dédié à ses élèves », intitulé Notions élémentaires de musique, tirées des meilleurs auteurs et mises en ordre par Charles Sauvageau (Québec, 1844). La liste chronologique de ses pièces imprimées se présente comme suit : « [Accompagnement de piano pour] le Dépit amoureux, romance composée par N[apoléon] Aubin », qui fut publiée dans l’Album artistique et lyrique (Québec), no 1 (1840) ; Deux valses pour piano, annoncées dans le Fantasque (Québec)
du 27 avril 1840 et publiées dans le Literary Garland, 3(1840–1841) :
476–477, sous forme d’arrangement par W. H. Warren de Montréal ; [Musique de] Chant canadien (Québec, 1843), dont les paroles sont de François-Réal Angers*, et Trois marches canadiennes : marche de Josephte, marche de Jean-Baptiste, marche de Pierrot (Québec, 1843) ; puis Chant national [...], dont François-Magloire Derome* a écrit les paroles, Valse du ménestrel, « Solo de violon composé sur le motif d’Auld Robin Gray », Gallopade du ménestrel pour piano, arrangements pour le piano de Valse de Sophie et de Valse de Caroline, composées par Pierre Petitclair*, et Valse pour guitare, toutes œuvres parues dans la partie musicale du Ménestrel (Québec), vol. 1, nos 2, 4–5, 9–11 et 14, en 1844, ainsi que Chant national qui parut également dans l’Artisan (Québec), 9 juill. 1844. Les variations sur Long, long, ago, qu’il composa et exécuta le 20 février 1849, ne nous sont pas parvenues. De toutes ces pièces, Chant canadien a connu une fortune unique : elle fut réimprimée, entre autres, dans le Journal de l’Instruction publique (Québec et Montréal), 3 (1859) : 109–111, sous la désignation de «Chant national », dans le Soleil (Québec), 5 oct. 1901 : 6, ainsi que dans la troisième édition du Chansonnier des collèges mis en musique (Québec, 1860), 15–17, dans la Lyre canadienne [...] (Québec, 1847), 84, et (4e éd., 1886), 52, avec la mention « musique de N. Aubin », et dans la Nouvelle Lyre canadienne [...] (nouv. éd., Montréal, [1895]), 58, mais sans le nom du compositeur.
ANQ-Q, CE1-1, 12 mai 1804, 5 mars 1831,
1832–1849, 14 juin 1846, 19 juin 1849 ; CE1-22, 20 avril 1830 ; CE1-93,
24 avril 1827 ; P-239/93.— ASQ, C 38 ; C 43 ; Fichier des anciens ; mss, 433 : 201 ; Séminaire, 218, no 7.— L’Abeille (Québec), 21 juin 1849.— L’Artisan, 7, 17, 21 nov. 1842, 9 juill., 20 août, 3 sept. 1844.— Le Canadien, 25 févr. 1832, 30 juill., 29 oct. 1841, 24, 27 juin, 7 nov. 1842, 3, 5, 7, 10 juill., 1er sept. 1843, 23 sept. 1844, 18 juill., 25 août 1845.— Le Castor (Québec), 29 févr., 19, 27 août 1844, 5 mai 1845.— Le Fantasque, 27 oct. 1838, 16 mars, 27 avril, 11 mai, 22 juin, 6 juill. 1840, 2 août 1841, 19 nov. 1842, 3 juill., 3 août 1843.— Le Journal de Québec, 8 juill., 5 oct. 1843, 25 juin, 24, 26 sept. 1844.— Le Ménestrel, 1 (1844).— Morning Chronicle (Québec), 14 janv., 7, 28 févr., 3 mars 1848, 16 janv. 1849.— Quebec Gazette, 10, 12 juill. 1843.— Quebec Mercury,
19 nov., 24 déc. 1833, 27 déc. 1834, 17 nov. 1835, 15 févr., 21 mars,
23 sept. 1844, 19 avril 1845, 2 mars 1848, 11, 16 janv., 8, 13, 17,
24 févr. 1849.— Almanach ecclésiastique et civil de Québec, pour 1846 [...] (Québec, 1845), 66.— Almanach métropolitain de Québec, pour 1849 [...] (Québec, 1848), 26.— Catalogue of Canadian composers, Helmut Kallmann, édit. (2e éd., Toronto, 1952 ; réimpr., St Clair Shores, Mich., 1972), 211.— Chansons sur texte français II, Lucien Poirier, édit. (Ottawa, 1987), 32, 98.— Dictionnaire biographique des musiciens canadiens (2e éd., Lachine, Québec, 1935), 272–274.— Encyclopédie de la musique au Canada, Helmut Kallmann et al., édit. (Montréal, 1983), 690, 918–919.— Philéas Gagnon, Essai de bibliographie canadienne [...] (2 vol., Québec et Montréal, 1895–1913 ; réimpr., Dubuque, Iowa, [1962]), 1 : 449.— A.-G. Lyonnais, Généalogie de la famille Lyonnais en Canada (Ottawa, 1901), 49.— J.-G. Sauvageau, Dictionnaire généalogique des familles Sauvageau au Canada et aux États-Unis, 1669–1969 ([Québec, 1978]), 89, 96.— Willy Amtmann, la Musique au Québec, 1600–1875, Michelle Pharand, trad. (Montréal, 1976), 383–385.— Maria Calderisi, l’Édition musicale au Canada, 1800–1867 (Ottawa, 1981), 15, 22, 28, 37, 63.— H.-J.-J.-B. Chouinard, Fête nationale des Canadiens français célébrée à Québec en 1880 : histoire, discours, rapport [...]
(4 vol., Québec, 1881–1903), 1 : 570, 624 ; 4 : 307–308, 311, 504, 513,
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souvenirs d’un amateur » de Nazaire LeVasseur (1848–1927) : étude
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170–171, 175, 178, 182, 186, 189–190, 193–194, 197–200, 206, 209.—
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Serre, « l’Ancêtre des Sauvageau », BRH, 34 (1928) : 23. www.biographi.ca
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