Biographie Grondin Guy
RÉCIT ET CIRCONSTANCES QUI ENTRAÎNÈRENT LA MORT DE MON CHER FRÈRE
LOUIS GUY, DÉCÉDÉ À MONTRÉAL LE
28 OCTOBRE 1943,
JEUDI À 4 :20 HEURES DU MATIN.
Maladie de Guy
Mardi, le 26 octobre 1943, je suis allé à East-Broughton à
l’occasion de la nomination de M. le Supérieur au poste de chanoine honoraire.
Je suis arrivé chez moi vers 11 heures de l’avant-midi. En entrant, maman
m’annonce que Guy était gravement malade à l’hôpital St-Luc à Montréal. Je vais
chercher le télégramme qui avait été lu par téléphone : c’était la vérité. Maman
télégraphia à Québec pour que papa et Yolande s’en viennent. Ils arrivèrent le
mardi soir à 7 ½ heures. Papa, maman, mon oncle Joseph, ma tante Blanche et
Louis-Octave vont à Montréal et partent le soir même à 8 ½ heures. Rendus à Montréal vers 3 heures de la
nuit mercredi matin, ils se rendent tout de suite à l’hôpital. En arrivant, on
leur demande « quels titres de parenté avez-vous avec M. Guy Grondin » . Papa
leur répond : « C’est son père et sa mère, son oncle et sa tante
et un cousin. Nous voulons le voir tout de suite ». L’hôpital ne fait plus
d’objections. En arrivant à la chambre de Guy, Guy leur dit : « Je
vous attendais; le docteur me l’avait dit que vous viendriez ». Puis, ils
parlèrent un peu puis papa et les autres allèrent se coucher à l’hôtel et
retournèrent à l’hôpital à 10 heures. Guy s’est assis seul sur son lit. Maman
lui a demandé s’il n’était pas mieux
couché. Il a dit que le docteur aimait mieux même qu’il soit assis. Quand Guy
est arrivé à l’hôpital, les médecins l’ont mis avec deux autres malades, l’un
un marin blessé qui revenait d’Angleterre, l’autre un civil qui devait quitter
l’hôpital le jour que mon cher frère Guy est mort. Guy est resté assis dans son
lit de 10 heures de l’avant-midi à 3 heures de l’après-midi. Maman lui
demandait s’il savait qu’il avait passé près de mourir. Louis Guy fit un saut et il a
dit : « Moi, mourir ! Non ! ». Quelques temps après lui
avoir parlé de la mort, maman lui demanda : « Pourquoi ne
n’es-tu pas revenu chez nous dès que tu t’es senti malade ? ». Il a
répondu : « Il fallait que je retire ma paye; c’est seulement le
jeudi que l’on doit aller la
chercher. Ils ne se pressent pas eux autres quand même on
mourrait, ce n’est pas plus vite ».
Pauvre Louis-Guy, il est mort sans retirer sa dernière paye. Maman lui
dit encore : » Guy, tu aurais mieux fait de rester chez nous aux vacances ».
Guy lui a répondu : « Je crois que oui maman ». Alors, il
demanda à papa s’il voulait aller lui régler quelques petits comptes qu’il
devait à la ville : son manteau d’hiver et son chapeau. Papa est allé lui
chercher tout ça et il l’a rapporté dans sa chambre. Il lui a
dit : « Est-ce bien celui-là Guy » . Guy à
dit : « Oui, c’est bien lui ». Papa lui dit
encore : « Tu le mettras pour revenir car tu peux attraper du
froid ». Sur ce, Guy a dit : « Ne craignez rien, je vais
bien m’habiller ». Papa lui a acheté deux combinaisons d’hiver neuves et
il ne les a jamais mis, il est mort avant. Vers midi, Guy a diné. Il a mangé de
la soupe, des patates, de la liqueur, etc. Puis papa est allé à sa maison de
pension pour apporter chez nous son vieux linge de travail car Guy était
supposé revenir. La femme de pension, une demoiselle Bourbonnais, très bonne
personne dit que lundi le 25 octobre, Guy s’était levé et avait
dit : « Je suis malade ce matin, faites quelques chose, j’ai mal
au cœur; je vais mourir. Faites ce que vous voudrez, mais faites quelque
chose ». Alors, elle appela l’hôpital St-Luc et une ambulance est venue le
chercher. Il était gelé et il tremblait de froid. Des médecins l’ont réchauffé
et le mardi matin, il a restitué (sic) de la suie et de la poussière de
charbon. Il avait pris cela à l’United Ship Yards où il travaillait. Il
a renvoyé aussi un peu de sang, seulement pour dire qu’il y avait des couleurs
rouges. Nous avons reçu le télégramme mardi matin à 10 ½ heures. Il était aisni
composé : « Guy gravement malade. Venez immédiatement à
Hôpital St-Luc, Dr. Tétrault, Sup. Médical ». Le mercredi, à 3 heures, papa et maman sont
partis pour revenir avec l’assurance des médecins que dans 5 ou 6 jours, Guy
serait chez nous. Ils le gardaient seulement pour le renforcir. En partant, Guy
leur a dit bonjour et maman l’a regardé une fois encore; il avait les yeux déjà
fermés, il était fatigué. Le mercredi soir, vers 9 heures, Clément Massé est
allé le voir. La garde lui a dit qu’il dormait, de ne pas le réveiller. Clément
a insisté pour le voir. Il a dit que Guy dormait si bien que c’était beau de le
voir. On n’aurait jamais dit que c’était un malade. Le lendemain, jeudi, vers 7
heures, Clément et son beau-frère Armand Lacasse sont retournés le voir. Clément lui
apportait des fruits. Rendus à la porte de sa chambre, ils rencontrèrent une
garde qui leur demande qui ils cherchaient. Clément répond qu’il venait voir
Guy Grondin. La garde leur répond : « M. Grondin est décédé ce
matin à 4:20 heures ».
Mort de Guy
Vers 4:15 heures, Guy fut administré puis il s’est rendormi
pour ne se réveiller que de l’autre côté, devant son Juge suprême. Il est mort
sans agonie. Il est mort comem on s’endort. Avant de mourir, il aurait dit
quand il a été administré : « Si papa et maman étaient ici,
j’aimerais bien cela ». Il avait été à la confesse le 23 octobre et
communié le 24 dimanche matin avec Mademoiselle Bourbonnais. Nous avons reçu le
télégramme de sa mort jeudi matin à 11 heures. Papa est parti tout de suite
avec mon oncle Joseph et Alfred Turcotte vers 2 heures. Ils sont arrivés à
Montréal à 8 heures. Les bureaux étaient fermés. Ca été au lendemain avant de
pouvoir faire quelque chose. Le message que l’on a reçu était ainsi
conçu : « Guy décédé, venez vite, Mlle Bourbonnais ». Le
lendemain, à 8 heures, ils étaient au bureau de l’hôpital; ils n’ont pas vu de
médecin avant 10 heures. Ils sont partis pour revenir avec Guy vers 2 heures de
l’après-midi. Ils sont arrivés à East-Broughton chez Turcotte vers 7 heures. Et
ce n’est que vers 4 heures samedi matin qu’ils commencèrent à l’embaumer. Le
travail fut plus difficile parce qu’il avait été mis sur la glace pendant 24
heures et il n’était pas dégelé. Guy fut descendu chez nous en corbillard
samedi matin vers 9 heures. Il était enseveli dans une belle tombe de couleur
gris. La soie débordait de chaque côté.
Pendant qu’il était à l’hôpital, Guy avait $5.00 qu’il
avait voulu donner à papa qui ne voulait pas le prendre puis il l’accepta; mais
avant de partir, papa lui redonna en lui disant de le garder au cas où il en
aurait besoin pour s’acheter des friandises. Alors Guy demanda à maman pour le
remettre dans son portefeuille et le remis sous l’oreiller. Quand papa est
retourné le chercher après sa mort, le médecin lui redonna son portefeuille.
Papa regarda par curiosité dedans et il vit que le $5.00 était parti. Il se
l’est fait voler. Ce n’est pas pour la valeur de l’argent mais ce qui est
terrible, c’est qu’ils ont volé la mort. Nous ne savons pas qui l’a volé, mais c’est
certainement quelqu’un ; ce n’est pas parti tout seul cet argent. Quand ses
bagages furent arrivés chez nous, je les serrai tous pour les conserver. Son
habit brun, il ne le mettra plus jamais ni ses souliers bruns qu’il aimait
tant. Il avait un album de timbres qu’il avait acheté de Jules Grégoire. Il
achetait des timbres à Montréal et il avait 7 enveloppes qu’il n’avait pas
décachetées seulement. Il avait beaucoup de « bodenas » (sic) de
joueurs de baseball et de joueurs de
hockey. Son jeu de cartes y était aussi. Pauvre Guy, il ne se servira plus de
toutes ses affaires là. Dire qu’il s’attendait de remonter chez nous le mardi
soir le 26 octobre. Il nous avait écrit le 25 octobre dans l’avant-midi de
bonne heure. Il nous disait que ça filait pas bien dans ce temps-là et qu’il
avait donné sa notice et il ajoutait : « Je serai chez nous
mardi soir le plus tard ». Et le mardi soir, c’étaient papa et maman qui
allaient à Montréal le soir. Et luiil mourut le 28 octobre à 4 :20 heures
du matin. Il est revenu chez nous comme il le disait mais dans sa tombe. Il
disait qu’il s’en viendrait à East-Broughton pour y rester. En effet, il va y
restrr pour toujours. Il dort dans le cimetière de son dernier sommeil qui dure
jusqu’au Jugement dernier.
Funérailles de Guy
Il est inhumé près de la charnière du côté de l’église dans
notre lot de famille. Il fut enterré mardi matin le 2 novembre à 9 heures après
le service des morts. L’assistance était très nombreuse. C’était consolant de
voir que le monde pense à eux toujours quand ils partent vers leur dernier
repos. L’espace de temps qu’il est mort et qu’il a été exposé chez nous dans le
salon, le monde n’a pas cesser de venir. La maison était toujours pleine ;
on ne savait plus où placer le monde. Il en partait et il en arrivait toujours.
Le matin du service, il y avait tellement de monde qu’il n’y avait plus de
place pour s’asseoir. Tout le monde était debout et l’on avait de la misère
pour passer entre eux. Le service fut chanté par Monsieur l’abbé O. Roy qui
officiait, M. Breton diacre et M. Marois sous-diacre. Les
porteurs étaient Clément
Nadeau, Roland
Lessard, Jean-Marc
Fortin, André
Turcotte, Marc
Nadeau, J.-Aimé Cloutier. Le porteur de la couronne était
Louis-Octave Rodrigue et celui pour la croix était Laurent Jacques. À la quête
du service, Laurent et Louis-Octave ont recueillis ($29.10) les horaires de 9
grandes messes et ceux qui ont donné des offrances de messes sont au nombre de
36 messes, soit des grand-messes, basses-messes ou messes privilégiées. Le
grand total est + 45 messes.
18 petits poèmes composés par moi-même à
l’honneur de ses 18 ans sur le départ précipité de mon frère « Louis-Guy »,
décédé le mardi 28 octobre 1943 à 4:20 heures du matin - Clément Grondin.
Mort de mon frère
I II III
Il est parti de cette terre étrangère Il s’est envolé vers la
patrie céleste Il est parti pour
toujours
Et nous quittant parents et amis Il a quitté cette terre
aride Mon cher frère
aimé
Il est au ciel priant pour ses frères Remplie de pleurs et de
tristesse Je ne le verrai plus
jamais parmi les mortels
Qui marchent courbés sous le poids de la vie Pour
aller chercher la gloire dans Il
est maintenant au ciel parmi les élus de mon Dieu
un monde meilleur
IV V VI
Que de peines ton départ a causé O jours heureux ! O Mort! Ton
devoir est donc impitoyable
Que de larmes n’ai-je pas versées Vous êtes déjà écoulées Tu enlèves tous et
chacun de nous
Quand je te vis disparaître Lorsque la mort
passe dans un foyer Même les êtres les
plus chers à nos coeurs
Dans cette fosse où tu dois maintenant La joie et les rires n’y rentrent
pas
demeurer souvent
VII VIII IX
Quand je te vis partir La-haut dans tes prières Prie pour qu’il garde sa
vocation
De cette maison où tu es né Prie pour celui
dont tu étais l’aîné Pour qu’il
accomplisse son devoir jusqu’au bout
Pour aller travailler Prie pour qu’il demeure
ferme de la vie
Dans cette usine de malheur Contre les nombreux dangers Car
le bonheur ne se trouve qu’après le devoir
Qui devait causer ta perte d’ici-bas accompli
Et t’enlever à notre amour fraternel
Mon cœur tressaillit de crainte
En pensant qu’un malheur pouvait arriver
Et que je ne te verrais plus ici-bas
X XI XII
Prie pour qu’il se conserve bon Prie pour qu’il soit
heureux O frère bien-aimé
!
Et qu’à sa mort Sur
cette terre d’exil Pourquoi
t’es-tu enfui ?
Tu viennes au devant de moi Pour qu’il ait le bonheur Ne nous aimais-tu plus ?
Pour le conduire au lieu de l’éternel repos Sur la terre comme au ciel Mais non, tu nous aimais
encore
C’est
le Bon Dieu qui t’appelait
Tu
pressentais que là-haut
Tu
aurais ce qu’ici-bas
N’existe
même pas
« Le
Bonheur et la Paix ».
XIII XIV XV
Tu as choisi la meilleure part O frère bien-aimé ! Tu étais dans la
fleur de l’âge
Nous ne pouvons pas te l’ôter C’est donc la triste
réalité Tu commençais
seulement à vivre
Car nous t’aimons assez encore Tu es donc parti pour
toujours Quand Dieu jugea
propice
Pour vouloir ton bonheur de l’autre côté Je ne verrai plus à mes côtés Pour orner son royaume éternel
Que
ta vie fait un vie de dans la vie !
Que
rien ne pourra combler
Si
ce n’est qu’à la fin de ma vie
J’irai
te retrouver
XVI XVII XVIII
Là-Haut dans ton ciel de gloire Il est parti, mais son
souvenir Dors, dors en paix
mon frère bien-aimé
Prie pour tes frères exposés Ne s’effacera
jamais Dans le
lieu où tu reposes
Aux périls, aux dangers qu’apportent Et nos cœurs l’aimeront à l’ombre de la croix
Les combats qui ravagent sans merci Comme ils l’aimaient autrefois Symbole de la victoire remportée
Parmi les nôtres qui se battent Et
donc tu as la gloire dans les cieux
Pour défendre et nos droits et nos vies
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