Biography Tache Alexandre-Antonin



Biography Tache Alexandre-Antonin

TACHÉ, ALEXANDRE-ANTONIN, prĂŞtre, oblat de Marie-ImmaculĂ©e, missionnaire, archevĂŞque, homme politique et auteur, nĂ© le 23 juillet 1823 Ă  Fraserville (Rivière-du-Loup, QuĂ©bec), fils de Charles TachĂ©, marchand, et de Louise-Henriette de Labroquerie (Boucher de La Broquerie) ; dĂ©cĂ©dĂ© le 22 juin 1894 Ă  Saint-Boniface, Manitoba.

      Alexandre-Antonin TachĂ© est le troisième enfant d’une famille de cinq. Son père meurt le 12 janvier 1826. Sa mère laisse alors son aĂ®nĂ© Joseph-Charles Ă  Kamouraska et, avec ses autres enfants, va se rĂ©fugier chez ses parents Ă  Boucherville. Elle y retrouve son frère, Joseph-Antoine, qui assume le rĂ´le de père ; sa vie durant, TachĂ© le considĂ©rera comme tel.

      TachĂ© vit une enfance heureuse auprès de sa mère, qui a pris la rĂ©solution de ne pas se remarier et mène une vie retirĂ©e. D’une intelligence vive, elle est passionnĂ©e d’histoire, de littĂ©rature et de philosophie. Alexandre-Antonin est Ă©levĂ© dans une atmosphère religieuse imprĂ©gnĂ©e de traditions familiales et du souvenir des ancĂŞtres, tels Louis Jolliet*, dĂ©couvreur du Mississippi, et Pierre Gaultier* de Varennes et de La VĂ©rendrye, dĂ©couvreur de l’Ouest canadien. En 1832, après la mort des grands-parents, Joseph-Antoine installe la petite famille dans le manoir de Sabrevois, oĂą ont dĂ©jĂ  sĂ©journĂ© Marguerite Bourgeoys* et Jacques Marquette*. Ce dĂ©cor marque TachĂ©, enfant sentimental, impressionnable et dĂ©jĂ  habitĂ© par le mystère de l’au-delĂ . Il Ă©crira plus tard : « je me suis amusĂ© sur ce lieu tout embaumĂ© des suaves odeurs du dĂ©vouement et de l’hĂ©roĂŻsme, et, au milieu de ces jeux, de ces amusements, une pensĂ©e grave m’a attirĂ©, une voix Ă©loquente, comme celle d’un monument, m’a indiquĂ© la route Ă  suivre et je suis parti Â».

      TachĂ© entre au sĂ©minaire de Saint-Hyacinthe en septembre 1833. Joseph-Sabin Raymond*, Joseph La Rocque* et Isaac-Stanislas Lesieur-DĂ©saulniers* lui enseignent. Au dire de ses professeurs et de ses condisciples, il est brillant sans ĂŞtre premier de classe. Esprit ouvert, il travaille rĂ©gulièrement, se montre actif, raisonneur, jovial et taquin, exubĂ©rant, friand d’excursions. L’attrait pour le sacerdoce qu’il avait Ă©prouvĂ© dans son enfance se fait plus pressant. Il s’en ouvre Ă  sa mère, sa confidente de toujours, qui lui suggère de prier et de demeurer Ă  l’écoute. Lesieur-DĂ©saulniers, son directeur spirituel, l’encourage dans cette voie. Le 1er septembre 1841, il entre au grand sĂ©minaire de Saint-Sulpice Ă  MontrĂ©al ; il est tonsurĂ© le 21 mai de l’annĂ©e suivante.

      Les Ă©tudes de TachĂ© ne sont pas terminĂ©es lorsque l’évĂŞque de MontrĂ©al, Mgr Ignace Bourget*, le nomme rĂ©gent au collège de Chambly, puis en janvier 1844 professeur de mathĂ©matiques au sĂ©minaire de Saint-Hyacinthe. Son esprit, cependant, est ailleurs. Depuis qu’il a croisĂ© des oblats en dĂ©cembre 1841, l’idĂ©e de joindre cette communautĂ© l’habite. Sa mère l’incite Ă  suivre ses impulsions ; bien que parents et amis tentent de l’en dissuader. Ă€ la fin de l’automne de 1844, il entre au noviciat des oblats Ă  Longueuil. AnimĂ© d’un vif dĂ©sir de prĂŞcher l’Évangile « parmi les tribus sauvages de l’Ouest, que le père Marquette parti de Boucherville avait commencĂ© de dĂ©couvrir, que les La VĂ©rendrye, partis des mĂŞmes lieux, avaient continuĂ© de faire connaĂ®tre Â», TachĂ© s’en ouvre Ă  ses supĂ©rieurs. Joseph-Bruno Guigues*, supĂ©rieur des oblats au Canada, vient de se voir confier par Mgr Charles-Joseph-Eugène de Mazenod, fondateur de la communautĂ© et Ă©vĂŞque de Marseille, le mandat de prendre en charge les missions catholiques du nouveau vicariat apostolique de la baie d’Hudson et de la baie James que dirige Mgr Joseph-Norbert Provencher*. Guigues dĂ©signe le père Pierre Aubert* pour organiser les missions oblates et il autorise le frère TachĂ©, qui n’a que 21 ans et n’est que sous-diacre, Ă  l’accompagner.

      Une route de quelque 1 400 milles sĂ©pare MontrĂ©al de Saint-Boniface. TachĂ© part le 25 juin 1845 dans un canot de la Hudson’s Bay Company. Tout au long du voyage, il pagaie, traĂ®ne son fardeau dans les portages et divertit l’équipage par des facĂ©ties, des cantiques et des lectures pieuses. Lorsque le canot arrive Ă  la ligne de partage entre le bassin du Saint-Laurent et celui de l’Hudson, TachĂ© ne peut retenir ses larmes. Il a conscience d’une rupture avec le lien symbolique â€“ le Saint-Laurent â€“ qui l’attachait encore Ă  sa patrie, surtout Ă  sa mère. Le pemmican que Mgr Provencher fait parvenir aux voyageurs est pour lui le signe qu’il entre en pays Ă©tranger. Le 25 aoĂ»t, TachĂ© parvient Ă  destination. La tradition rapporte que Provencher se serait alors exclamĂ© : « On m’envoie des enfants ! Ce sont des hommes qu’il nous faut. Â» Jugement hâtif qu’il n’aurait pas tardĂ© Ă  rĂ©viser. Il l’ordonne diacre dès le 31 aoĂ»t et prĂŞtre le 12 octobre. Alexandre-Antonin fait sa profession religieuse le lendemain.

      Le vicariat apostolique de la baie d’Hudson et de la baie James est très vaste, soit environ 1 790 000 milles carrĂ©s. Il englobe tout le bassin de l’Arctique et Rupert’s Land dans lequel lord Selkirk [Douglas*] a taillĂ© en 1812 la colonie de la Rivière-Rouge. La Hudson’s Bay Company dĂ©tient dans ces rĂ©gions des droits de traite des fourrures que contestent les trafiquants indĂ©pendants et y assume de par sa charte des obligations administratives. La population est bigarrĂ©e et clairsemĂ©e. Point de statistiques prĂ©cises, mais des Ă©valuations. Les Blancs, que l’on estime Ă  3 600, travaillent dans les postes de traite ou sont fixĂ©s dans la colonie. Les MĂ©tis, au nombre d’environ 12 000, vivent principalement de la chasse au bison et de l’exploitation de petites fermes. Les AmĂ©rindiens, environ 60 000, se rĂ©partissent en 5 groupes culturels rattachĂ©s Ă  3 familles linguistiques. La famille algique comprend les Sauteux, les Cris et les Pieds-Noirs. Les Assiniboines, de la famille des Sioux, parcourent un territoire divisĂ© par la frontière canado-amĂ©ricaine. Une tribu d’Athapascans, les Chipewyans, occupe les bassins de la rivière aux Anglais (fleuve Churchill), de l’Athabasca et du Mackenzie.

      La Rivière-Rouge est la seule colonie de peuplement. Au recensement de 1847, elle compte 4 871 habitants, dont 50 % sont catholiques. Elle est administrĂ©e par un gouverneur nommĂ© par la Hudson’s Bay Company et le Conseil d’Assiniboia, qui lui aussi est dĂ©signĂ© par cette compagnie après consultation de la population. La paroisse de Saint-Boniface, qui regroupe 2 000 habitants, dont la moitiĂ© est catholique, est un centre administratif, commercial et religieux. S’y trouve l’évĂŞchĂ© catholique oĂą cohabitent Provencher et quatre prĂŞtres sĂ©culiers. Les sĹ“urs grises y tiennent une Ă©cole de filles [V. Marie-Louise Valade*]. Ă€ l’ouest, Saint-François-Xavier possède une Ă©glise mais pas de prĂŞtre rĂ©sidant. Jusque-lĂ , les missionnaires catholiques ont travaillĂ© auprès des MĂ©tis francophones, qui se sont convertis massivement, et des Sauteux qu’on essaie en vain de sĂ©dentariser Ă  Wabassimong (Whitedog, Ontario). Au delĂ  de Saint-François-Xavier, Jean-Baptiste Thibault* Ĺ“uvre Ă  travers les Prairies jusqu’aux Rocheuses depuis 1842.

      C’est ce territoire qui s’ouvre Ă  l’activitĂ© missionnaire de TachĂ© Ă  l’automne de 1845. Il passe une partie de l’hiver Ă  Saint-Boniface et l’autre Ă  Baie-Saint-Paul (Saint-Eustache) oĂą George-Antoine Bellecourt* lui enseigne, ainsi qu’à Louis-François Laflèche, les rudiments de la langue sauteuse. Sur les conseils de Thibault, Mgr Provencher envoie TachĂ© et Laflèche ouvrir la mission d’Île-Ă -la-Crosse (Saskatchewan), situĂ©e Ă  300 lieues de Saint-Boniface et rendez-vous des convois en provenance d’Upper Fort Garry (Winnipeg) et du fleuve Mackenzie. La Hudson’s Bay Company y a depuis longtemps Ă©tabli un poste de traite palissadĂ©. Les missionnaires partent de Saint-Boniface le 8 juillet 1846. Ils se rendent Ă  Lower Fort Garry rencontrer sir George Simpson*, gouverneur de la Hudson’s Bay Company, qui appuie leur entreprise et les recommande auprès de Roderick McKenzie* qui est chargĂ© du poste d’Île-Ă -la-Crosse. Ce dernier voyage avec les missionnaires Ă  partir de Norway House, puis les loge dans le poste. TachĂ© et Laflèche passent l’hiver Ă  Ă©tudier le cri et l’athapascan. Au printemps, McKenzie leur fait construire une maison de 36 pieds sur 24 qui sert Ă  la fois de presbytère et de chapelle ; baptisĂ©e « maison-omnibus Â», elle servira d’ailleurs de modèle Ă  d’autres constructions des missions oblates.

      Perclus de rhumatismes, Laflèche assure le ministère auprès des Indiens proches du poste de traite. TachĂ© se charge des courses apostoliques. Au printemps de 1847, il va fonder une mission au lac du Caribou (lac Reindeer). Il revient passer l’étĂ© avec son ami Laflèche puis, le 20 aoĂ»t, un second voyage le conduit au lac Athabasca, Ă  quelque 400 milles au nord. Il est le premier missionnaire catholique Ă  Ă©vangĂ©liser la centaine de Cris et le millier de Chipewyans rassemblĂ©s autour de ce poste de traite. De retour en octobre, il passe l’hiver auprès de Laflèche aux prises avec une douloureuse crise rhumatismale. L’arrivĂ©e du missionnaire oblat Henri Faraud* Ă  ĂŽle-Ă -la-Crosse en juillet 1848 lui permet de retourner au lac Athabasca dès l’automne. En juin 1849, Laflèche se rend Ă  Saint-Boniface tandis que l’on nomme Faraud responsable des missions du district du lac Athabasca.

      Le 4 juin 1847, Rome a Ă©rigĂ© le vicariat apostolique en diocèse du Nord-Ouest. Mgr Provencher, qui vieillit, est en quĂŞte d’un successeur. Laflèche ne veut accepter soi-disant pour cause d’infirmitĂ©. Provencher se rabat sur TachĂ© qui, bien qu’âgĂ© de 27 ans seulement, a « l’activitĂ© de la jeunesse, la prudence de plus d’un vieillard Â» et « est propre Ă  mener le spirituel et le temporel Â». Ă€ son insu, TachĂ© est nommĂ© par Rome Ă©vĂŞque d’Arath et coadjuteur avec droit de succession, le 14 juin 1850. Il apprend la nouvelle en janvier 1851. Sa vanitĂ© en est flattĂ©e, son dĂ©sir de bien servir est comblĂ©, mais la raison lui laisse entrevoir le fardeau Ă©norme qu’on vient de lui mettre sur les Ă©paules. Il est Ă  Saint-Boniface le 4 juillet 1851, puis se met en route pour Marseille sur l’ordre de Mgr de Mazenod qui, le 23 novembre, le sacre Ă©vĂŞque. DelĂ , il se rend Ă  Rome oĂą il a deux audiences avec Pie IX. Il obtient de la Propagande que son futur diocèse porte le nom du siège Ă©piscopal, en l’occurrence Saint-Boniface, comme le veut la tradition catholique.

      Ă€ son retour le 27 juin 1852, Mgr TachĂ© trouve Saint-Boniface ravagĂ© par une crue de la rivière Rouge, qui a emportĂ© granges et maisons, retardĂ© les semailles et provoquĂ© la consternation. Il ne s’y attarde pas. Provencher s’occupe de la colonie, lui des missions. Le 8 juillet, il part pour ĂŽle-Ă -la-Crosse. Les missionnaires ont agrandi le jardin et construit une Ă©table. On y cultive des lĂ©gumes et de l’orge. Le frère cuisinier fait du beurre et du fromage. Les pères tiennent une Ă©cole. Le champ apostolique s’élargit Faraud Ă©tablit une mission au Grand lac des Esclaves (Territoires du Nord-Ouest) en octobre 1852. La concurrence se fait plus vive entre catholiques et protestants. Le 7 juin 1853, Provencher meurt. SupĂ©rieur des oblats du Nord-Ouest depuis 1851, TachĂ© devient alors Ă©vĂŞque de Saint-Boniface, mais il ne gagne pas tout de suite l’évĂŞchĂ©. Il confie plutĂ´t les affaires diocĂ©saines aux vicaires gĂ©nĂ©raux Thibault et Laflèche qui sont Ă  Saint-Boniface. Il demeure Ă  ĂŽle-Ă -la-Crosse pour consolider la mission. Ă€ l’étĂ© de 1853, il fait une visite Ă©piscopale au lac Athabasca et, au printemps de 1854, il entreprend une randonnĂ©e sur la Saskatchewan qui le conduit au fort Pitt (Fort Pitt), au fort Augustus, Ă  la mission Sainte-Anne (Lac-Sainte-Anne, Alberta), oĂą travaille Albert Lacombe*. De lĂ  il se rend au lac la Biche.

      En septembre 1854, TachĂ© gagne Saint-Boniface et prend officiellement possession de son siège Ă©piscopal le 5 novembre. Les progrès accomplis depuis 1845 sont considĂ©rables. Son diocèse compte quatre sĂ©culiers et dix oblats dont deux frères. Les sĹ“urs grises ont ouvert une Ă©cole Ă  Saint-François-Xavier et les missionnaires ont bâti des rĂ©sidences Ă  Sainte-Anne, Ă  ĂŽle-Ă -la-Crosse, au lac Athabasca et au lac la Biche. Ă€ Saint-Boniface, les Frères des Ă©coles chrĂ©tiennes, qui sont arrivĂ©s durant l’étĂ© de 1854, dispensent l’enseignement primaire. Les sĹ“urs grises s’occupent d’un hospice pour les orphelins et les vieillards. Mais Saint-Boniface n’est encore qu’un gros bourg, oĂą TachĂ© vit frugalement au milieu de ses ouailles. Sa visite paroissiale lui fait connaĂ®tre ses quelque 1 000 fidèles. Il rencontre les malades et assiste les pauvres qu’il accueille souvent dans son Ă©vĂŞchĂ©. Il veille Ă  la construction d’une maison-Ă©cole pour les Frères des Ă©coles chrĂ©tiennes et Ă  celle de l’église et du presbytère de Saint-Norbert. Il se soucie de raffermir la foi de ses fidèles par des homĂ©lies bien prĂ©parĂ©es et de mettre sur pied des cadres de chrĂ©tientĂ© pour soutenir les pratiques religieuses. Il voit avec regret son ami Laflèche et l’abbĂ© Joseph Bourassa retourner au Bas-Canada. Il supporte silencieusement les critiques de ses collègues oblats qui lui reprochent de les nĂ©gliger, notamment de ne pas leur faire construire une maison de repos. Il rĂ©clame du renfort et mĂ»rit sa stratĂ©gie missionnaire. Les missions se heurtent Ă  de grandes difficultĂ©s : la dispersion des populations, le dĂ©placement pĂ©riodique des autochtones, la multiplicitĂ© des langues et des cultures, la division des Églises chrĂ©tiennes et les intĂ©rĂŞts de la Hudson’s Bay Company. Celle-ci apprĂ©cie l’action civilisatrice des missionnaires, mais s’inquiète des rivalitĂ©s entre catholiques et protestants et des efforts des missionnaires pour sĂ©dentariser les AmĂ©rindiens. TachĂ© sait qu’on ne saurait former des paroisses chrĂ©tiennes avec des nomades irrĂ©ductibles ni procurer un missionnaire Ă  chaque bande d’AmĂ©rindiens. Il pressent que la Hudson’s Bay Company, aux prises avec les trafiquants indĂ©pendants, en viendra Ă  refuser de transporter les missionnaires et leurs provisions. Il redoute la concurrence du clergĂ© protestant qui s’accentue, tout spĂ©cialement dans les missions du Nord. Son objectif est de pĂ©nĂ©trer le plus rapidement possible dans l’ensemble du territoire pour s’assurer de l’attachement des populations locales. Sa stratĂ©gie sera donc d’établir dans un endroit nĂ©vralgique une base d’opĂ©rations pour ravitailler les missions du Nord, puis de crĂ©er non loin des postes de traite un rĂ©seau de missions permanentes et bien organisĂ©es, oĂą des prĂŞtres appuyĂ©s par des frères et des sĹ“urs exerceront une action en profondeur par l’exemple d’une vie sĂ©dentaire, par le biais des Ă©coles et par les services rĂ©guliers d’un ministère d’entretien. Ă€ partir de ces missions, les prĂŞtres pourront effectuer pĂ©riodiquement des randonnĂ©es apostoliques parmi les bandes dispersĂ©es. Il entend confier ce champ apostolique Ă  un coadjuteur qui s’y Ă©tablira en permanence, quitte Ă  ce que le moment venu il soit subdivisĂ© et dĂ©tachĂ© administrativement de son diocèse. Il complètera cette stratĂ©gie en 1865 par la mise sur pied d’une activitĂ© pastorale spĂ©ciale pour les Cris et les Pieds-Noirs qui frĂ©quentent peu les postes de traite. Il chargera alors le père Lacombe de les suivre dans leur migration. De fait, si TachĂ© entend imprĂ©gner les MĂ©tis de la culture canadienne-française, il semble se contenter de christianiser et Ă©ventuellement de sĂ©dentariser les AmĂ©rindiens.

      Dès le 5 juin 1855, TachĂ© part pour ĂŽle-Ă -la-Crosse dans le but d’appliquer son projet missionnaire. Il confie aux pères Jean Tissot et Charles-Augustin Maisonneuve l’organisation de la mission Notre-Dame-des-Victoires, au lac la Biche. Celle-ci, dotĂ©e d’une ferme, d’entrepĂ´ts, d’une route carrossable vers les Prairies et d’un service de transport rĂ©gulier, en vient rapidement Ă  ravitailler les missions du Nord. TachĂ© fait Ă©galement Ă©tablir la mission Saint-Joseph au Grand lac des Esclaves. Au printemps de 1856, il entreprend la visite de toutes les missions oblates, puis il retourne Ă  Saint-Boniface. Il ne lui reste plus alors qu’à obtenir la nomination d’un coadjuteur responsable de ces missions.

      Dans ce but, TachĂ© part pour Rome en septembre, mais il s’arrĂŞte Ă  Marseille pour consulter Mgr de Mazenod. Tous deux s’entendent pour suggĂ©rer la nomination de Vital-Justin Grandin* au poste de coadjuteur, suggestion que le pape entĂ©rinera le 11 dĂ©cembre 1857. Une fois de plus, ce voyage est dĂ©terminant pour le dĂ©veloppement du catholicisme dans l’Ouest. TachĂ© fait une tournĂ©e en France pour sensibiliser les catholiques Ă  l’œuvre de la Propagation de la foi qui finance en partie ses missions. Mgr de Mazenod lui octroie des ressources financières et lui promet huit missionnaires. D’avril Ă  octobre 1857, TachĂ© sĂ©journe au Bas-Canada, oĂą les aumĂ´nes affluent. Les sĹ“urs grises acceptent d’envoyer trois religieuses Ă  Sainte-Anne en 1858 et d’autres Ă  ĂŽle-Ă -la-Crosse. Un imprimeur s’occupe de publier des ouvrages en langues autochtones. Mais les dĂ©bats politiques en cours assombrissent cet heureux voyage. Les rumeurs d’une annexion prochaine du Nord-Ouest par le Canada avaient d’abord rĂ©joui TachĂ©, mais les vues des grits et des « rouges Â», les promoteurs de ce projet [V. George Brown*], sur les relations de l’Eglise et de l’État, sur les questions scolaires Ă©galement, lui font alors entrevoir de graves dangers pour son « oasis dans le dĂ©sert Â». TachĂ© laisse MontrĂ©al le 3 octobre 1857. Il se rend Ă  Kingston en train, Ă  Detroit en vapeur, de nouveau en train Ă  St Paul (Minnesota) â€“ et en moins de quatre jours ! Mais de lĂ  il lui en faut 24 pour atteindre Saint-Boniface le 6 novembre.

      Dans son diocèse, TachĂ© est le gĂ©nĂ©ral qui quĂ©mande des ressources Ă  l’Église canadienne et Ă  la communautĂ© oblate, puis les distribue sur deux fronts. Sur le front missionnaire, il appuie ses collègues partis Ă  la conquĂŞte de l’Ouest et du Nord. Ă€ l’automne de 1858, le père Pierre-Henri Grollier* amorce son offensive nordique qui le conduit en quelques annĂ©es jusqu’aux confins de l’Arctique. Pendant ce temps, d’autres consolident leur position au fort Edmonton (Edmonton), et le père Faraud, Ă  partir du lac Athabasca, remonte la rivière de la Paix jusqu’aux fort Vermilion (près de Fort Vermilion, Alberta) et au fort Dunvegan. Sur l’autre front, celui de la Rivière-Rouge, TachĂ© encourage le regroupement des MĂ©tis Ă  Pointe-des-ChĂŞnes. Il incite aussi les colons et les MĂ©tis Ă  se grouper, afin d’être en mesure d’établir de nouvelles paroisses. De 1853 Ă  1865, il en Ă©rige une quinzaine. Nombre de MĂ©tis suivent ses conseils, de sorte qu’en 1870 Sainte-Anne, Saint-Albert, Saint-Joachim et Notre-Dame-des-Victoires seront des paroisses Ă  majoritĂ© mĂ©tisse. TachĂ© encourage aussi l’instruction des enfants, tant mĂ©tis que blancs. Il assure du secours aux indigents que la grande invasion de sauterelles en 1857 a multipliĂ©s. Toutes ces Ĺ“uvres coĂ»tent cher et TachĂ© ne dispose que de maigres ressources. En 1859, il estime son budget Ă  ÂŁ2 050, dont ÂŁ1 350 proviennent de la Propagation de la foi, ÂŁ400 du casuel et de dons, ÂŁ100 de la Hudson’s Bay Company et ÂŁ200 d’une rente constituĂ©e de divers dons.

      Pendant ce temps, des changements Ă©conomiques et technologiques affectent la colonie de la Rivière-Rouge. Un bateau Ă  vapeur arrive Ă  Saint-Boniface le 10 juin 1859. L’annĂ©e suivante, on Ă©tablit une liaison de diligences entre Georgetown et Saint Cloud (Minnesota), localitĂ© dĂ©jĂ  reliĂ©e Ă  St Paul. Saint-Boniface n’est plus qu’à huit ou neuf jours de St Paul. Le courrier, biannuel auparavant, devient mensuel. Cette annĂ©e-lĂ  aussi, paraĂ®t Ă  Winnipeg, le Nor-Wester,chultz]. Il espère prolonger le gouvernement paternaliste de la Hudson’s Bay Company et de l’Église catholique pour donner aux MĂ©tis le temps de se sĂ©dentariser, d’occuper des terres et de se multiplier. journal anglophone et protestant [V. William Coldwell*], de mĂŞme que le rapport de Simon James Dawson* sur les possibilitĂ©s de peupler l’Ouest. Cette pĂ©nĂ©tration d’une nouvelle sociĂ©tĂ© fortement anglophone, protestante et agricole amène les francophones, tant blancs que mĂ©tis, Ă  resserrer leurs rangs autour des clochers. Sous le leadership de TachĂ©, que l’avance d’un front pionnier rend de plus en plus inquiet, voire pessimiste, les uns et les autres font la dĂ©couverte des droits des minoritĂ©s. Afin de retarder le plus possible la venue d’un courant migratoire susceptible de briser l’équilibre des forces entre catholiques et protestants, TachĂ©, qui depuis le 23 juin 1858 siège au Conseil d’Assiniboia, appuie la Hudson’s Bay Company dans sa rĂ©sistance au commerce libre et aux menĂ©es du « parti canadien Â» [V. sir John Christian S

      TachĂ© croit le moment venu de procĂ©der Ă  l’érection du vicariat apostolique d’Athabasca-Mackenzie. Mais avant d’entreprendre les pourparlers sur cette question, il juge prĂ©fĂ©rable d’effectuer une visite pastorale des missions d’octobre 1860 Ă  fĂ©vrier 1861. Cette longue randonnĂ©e l’amène Ă  coucher 44 nuits Ă  la belle Ă©toile et parfois par des tempĂ©ratures de â€“ 40° F. De retour Ă  Saint-Boniface le 23 fĂ©vrier 1861, il trouve sa cathĂ©drale et son palais incendiĂ©s. Puis le 30 mai les dĂ©pendances de l’évĂŞchĂ© â€“ quatre grands bâtiments â€“ brĂ»lent Ă  leur tour. Sur les instances des Ă©vĂŞques du Bas-Canada, TachĂ© dĂ©cide de se faire mendiant. En juin, il quitte son diocèse et fait le tour des Ă©glises du Bas-Canada. Il profite de ce voyage pour faire endosser par l’épiscopat le projet de subdivision de son diocèse, puis il se rend Ă  Marseille participer Ă  l’élection du successeur de Mazenod et de lĂ  Ă  Rome. La Propagande se rend Ă  ses dĂ©sirs : le 13 mai 1863, elle Ă©rige le vicariat apostolique d’Athabasca-Mackenzie et nomme Faraud vicaire apostolique.

      De retour Ă  Saint-Boniface le 26 mai 1862, TachĂ© entreprend la reconstruction de son Ă©vĂŞchĂ© et de son palais Ă©piscopal. Il s’en remet Ă  Grandin pour prĂ©parer l’érection du nouveau vicariat. En aoĂ»t 1864, il fait sa dernière visite apostolique des missions oblates du Nord-Ouest. Ă€ l’automne de 1865, Faraud prend en charge son vicariat et, en 1868, Grandin s’installera Ă  Saint-Albert pour paver la voie Ă  l’érection du diocèse du mĂŞme nom.

      TachĂ© peut dĂ©sormais concentrer ses Ă©nergies sur la colonie de la Rivière-Rouge, toujours aux prises avec les sauterelles, les sĂ©cheresses et les Ă©pidĂ©mies. C’est autant pour rĂ©gler des questions administratives que pour obtenir les moyens de soulager la misère de ses fidèles qu’il se rend au Bas-Canada Ă  l’étĂ© de 1866 et en Europe en 1867. Les indices se multiplient que pointe dans l’Ouest l’aube d’une ère nouvelle. Le Canada se prĂ©pare Ă  annexer le Nord-Ouest. Le chemin de fer qui relie St Paul Ă  l’est de l’AmĂ©rique du Nord est terminĂ© en 1868. TachĂ© sent donc le besoin de faire connaĂ®tre l’œuvre française et catholique dans l’Ouest. Coup sur coup, il Ă©crit Vingt AnnĂ©es demissions dans le Nord-Ouest de l’AmĂ©rique (1866) et Esquisse sur le Nord-Ouest de l’AmĂ©rique (1869). Le premier texte, rĂ©digĂ© Ă  la demande du supĂ©rieur des oblats et dans un style Ă©pistolaire, raconte les principales Ă©tapes de l’œuvre missionnaire oblate. Le second, Ă©crit Ă  l’intention des « hommes sĂ©rieux qui pensent Ă  ce pays Â», est la somme des connaissances acquises par TachĂ© sur le Nord-Ouest, dont il dĂ©crit les conditions gĂ©ographiques, dĂ©mographiques, commerciales, administratives et politiques.

      Les inquiĂ©tudes de TachĂ© Ă  propos de l’annexion du Nord-Ouest au Canada s’avèrent fondĂ©es. S’il accepte l’Acte de l’AmĂ©rique du Nord britannique qui sauvegarde les intĂ©rĂŞts des catholiques, il se demande Ă  qui va profiter l’intĂ©gration Ă©conomique et politique de la colonie au Canada. En 1869, le gouvernement canadien nĂ©gocie avec le gouvernement britannique et la Hudson’s Bay Company l’annexion de l’Ouest sans tenir compte des populations en cause [V. sir George-Étienne Cartier*]. Les Ă©quipes d’arpenteurs employĂ©es la mĂŞme annĂ©e Ă  la construction de la route Dawson [V. John Allan Snow*], qui relie Upper Fort Garry au lac des Bois, et au lotissement des terres [V. John Stoughton Dennis*j exploitent la main-d’œuvre locale, mĂ©prisent les MĂ©tis et s’offensent de la coexistence des deux cultures. Le mĂ©contentement gronde parmi les populations locales. Le gouverneur d’Assiniboia et de Rupert’s Land, William Mactavish*, et l’évĂŞque anglican de Rupert’s Land, Robert Machray*, en informent le gouvernement canadien. En route pour Rome oĂą il doit assister au premier concile du Vatican, TachĂ©, inquiet du sort qu’on rĂ©serve aux MĂ©tis, s’arrĂŞte Ă  Ottawa. Cartier reçoit cavalièrement celui dont on dit qu’il a Ă©tĂ© achetĂ© par la Hudson’s Bay Company. Il reste sourd Ă  sa suggestion de nommer deux commissaires, l’un francophone et l’autre anglophone qui enquĂŞteraient sur les besoins de la colonie, et de laisser la population Ă©lire quelques membres du Conseil d’Assiniboia. TachĂ© fait part de ses inquiĂ©tudes aux chefs du parti conservateur â€“ Hector-Louis Langevin*, Pierre-Joseph-Olivier Chauveau* et GĂ©dĂ©on Ouimet* â€“ puis il expĂ©die une lettre Ă  Cartier avant de s’embarquer pour l’Europe, dans laquelle il rĂ©clame « dans l’administration du Nord-Ouest plus d’un Canadien français catholique et [...] des hommes d’expĂ©rience Â». Il Ă©crit Ă  Grandin d’encourager les MĂ©tis Ă  « prendre possession d’autant de terre Â» qu’ils pourront.

      Le 8 dĂ©cembre 1869, Pie IX ouvre le concile et, Ă  Upper Fort Garry, Louis Riel* installe un gouvernement provisoire. Inquiet de la tournure des Ă©vĂ©nements, le gouvernement prie TachĂ© de quitter le concile. Ce dernier est Ă  Ottawa le 10 fĂ©vrier 1870. Il rencontre le cabinet, puis s’entretient dans l’intimitĂ© avec, entre autres, le gouverneur gĂ©nĂ©ral, sir John Young*, le premier ministre, sir John Alexander Macdonald, et Cartier. L’atmosphère est Ă  la conciliation. Les ministres manifestent leur intention de veiller Ă  ce que justice soit rendue. On remet Ă  TachĂ© une copie de la proclamation de Young en date du 6 dĂ©cembre 1869 qui promettait l’amnistie Ă  tous les habitants de la Rivière-Rouge qui dĂ©poseraient les armes. Aux yeux de TachĂ©, l’amnistie de tous les chefs mĂ©tis est une question capitale dont dĂ©pend la pacification de la rĂ©gion. Il obtient de Cartier la promesse d’une amnistie totale et globale.

      Le 17 fĂ©vrier 1870, Mgr TachĂ© laisse Ottawa pour la Rivière-Rouge avec le statut de dĂ©lĂ©guĂ© du gouvernement chargĂ© de rassurer les populations et de pacifier les esprits, de faire accepter par les MĂ©tis l’annexion du Nord-Ouest par le Canada et d’afficher la proclamation d’amnistie. Il ignore cependant les arrière-pensĂ©es de Macdonald qui estime, comme il le confie Ă  sir John Rose* le 23 fĂ©vrier, que les MĂ©tis « doivent ĂŞtre tenus d’une main forte jusqu’à ce qu’ils soient submergĂ©s par l’afflux de colons Â». Selon TachĂ©, mĂŞme l’exĂ©cution de Thomas Scott*, survenue le 4 mars, est couverte par les promesses qu’on lui a faites Ă  Ottawa. Le prĂ©lat est de retour dans la colonie le 8 mars. Le gouvernement provisoire, prĂ©sidĂ© par Riel, est mĂ©fiant. TachĂ© s’entretient avec l’abbĂ© Jean-Baptiste Thibault et Charles-RenĂ©-LĂ©onidas d’Irumberry* de Salaberry, deux dĂ©lĂ©guĂ©s du gouvernement canadien. Devinant que la crainte de reprĂ©sailles alimente la mĂ©fiance des MĂ©tis, TachĂ© promet le 11 mars Ă  Riel et aux chefs mĂ©tis une amnistie sur tous les actes commis jusqu’à ce jour-lĂ . Le 14, Riel se rĂ©concilie avec TachĂ© qui, le lendemain, rencontre le nouveau conseil Ă©lu du gouvernement provisoire et le convainc que le gouvernement canadien recherche la justice, l’équitĂ© et la paix et qu’il vaut mieux reconduire le mandat de Joseph-NoĂ«l Ritchot*, John Black* et Alfred Henry Scott* Ă©lus en fĂ©vrier pour nĂ©gocier Ă  Ottawa la liste des droits. Celle-ci est remaniĂ©e par l’exĂ©cutif du gouvernement provisoire une troisième fois, sans doute sous l’influence de TachĂ© qui tient Ă  ce qu’on crĂ©e sans dĂ©lai une province rĂ©gulière avec un gouvernement permanent et responsable. Mais Ritchot possède une quatrième liste dont la clause 7, Ă  la demande de TachĂ©, spĂ©cifie un rĂ©seau d’écoles publiques dont les unes seraient catholiques et les autres protestantes.

      Pendant que les dĂ©lĂ©guĂ©s nĂ©gocient Ă  Ottawa, TachĂ© poursuit sa mission pacificatrice et contrecarre les agissements des AmĂ©ricains auprès des MĂ©tis. Le 9 juin, dĂ©sireux d’éviter une guerre civile, et avec le consentement de Thibault, de Salaberry et de Mactavish, il promet solennellement l’amnistie aux MĂ©tis. Après avoir entendu le rapport de Ritchot, le gouvernement provisoire ratifie le 24 juin 1870 l’Acte du Manitoba qui crĂ©e une province bilingue et dotĂ©e d’un rĂ©seau d’écoles publiques catholiques et protestantes. DĂ©sireux de porter lui-mĂŞme cette nouvelle, TachĂ© quitte Saint-Boniface le 27 juin pour atteindre Ottawa le 12 juillet. Il veut obtenir une promesse d’amnistie Ă©crite et presser Adams George Archibald, nommĂ© lieutenant-gouverneur du Manitoba, d’installer un gouvernement civil. Il doit encore se contenter de promesses verbales. De retour Ă  Saint-Boniface le 23 aoĂ»t, il s’empresse d’aller rassurer Riel Ă  Upper Fort Garry oĂą, le lendemain, pĂ©nètrent les troupes du colonel Garnet Joseph Wolseley* que le gouvernement fĂ©dĂ©ral avait envoyĂ©es en « mission de paix Â». Riel, après s’être rendu Ă  l’évĂŞchĂ© dire Ă  TachĂ© qu’il s’était fait avoir par les hommes politiques, s’enfuit aux États-Unis. Dans les semaines qui suivent, il y a incendie, assauts, insultes et morts d’hommes [V. ElzĂ©ar Goulet*]. TachĂ© n’en cesse pas moins de calmer les MĂ©tis. Avec Archibald qui arrive le 2 septembre, il s’efforce de maintenir la confiance de la population envers le gouvernement canadien. Ă€ la mi-octobre, le gros de la crise est surmontĂ©. L’évĂŞque a fortement contribuĂ© Ă  Ă©viter la guerre civile, mais dĂ©sormais il a une croix Ă  porter : la question de l’amnistie.

      En cet automne de 1870, TachĂ© ressent dĂ©jĂ  une certaine usure physique, mais la vie conventuelle qu’il s’impose lui permet encore d’abattre une besogne considĂ©rable. Il suit avec angoisse la situation europĂ©enne : les troupes italiennes sont entrĂ©es dans Rome et les Prussiens assiègent Paris. Les appuis extĂ©rieurs Ă  son action apostolique sont menacĂ©s. Il se rĂ©vèle un Ă©vĂŞque ultramontain typique de l’époque, très attachĂ© Ă  la papautĂ©, farouchement opposĂ© aux idĂ©es modernistes, qui se mĂ©fie des hommes politiques libĂ©raux et des laĂŻques qu’il cantonne dans son Église dans des rĂ´les d’exĂ©cution. Il partage les souffrances et les misères des peuples autochtones dont il reconnaĂ®t les droits de propriĂ©tĂ© sur leurs terres ancestrales. Il est soucieux des droits scolaires et religieux de toutes les confessions chrĂ©tiennes, mais en bon chrĂ©tien conquĂ©rant il ne tient pas compte en ces matières des droits des autochtones qu’il a mission de catholiciser et d’occidentaliser. Son Église et sa province, il entend les bâtir sur le modèle quĂ©bĂ©cois : institutions bilingues, Ă©coles catholiques et protestantes, coexistence pacifique des cultes.

      TachĂ© travaille en Ă©troite collaboration avec le lieutenant-gouverneur et avec quelques membres des professions libĂ©rales francophones qu’il a, de concert avec Cartier, incitĂ©s Ă  s’installer au Manitoba â€“ les avocats Joseph Dubuc* et Joseph Royal*, le notaire Marc-Amable Girard et Alphonse-Alfred-ClĂ©ment La Rivière*. Archibald a l’intelligence de faire appel Ă  sa connaissance du pays et Ă  son expĂ©rience des hommes. TachĂ© participe donc Ă  la dĂ©limitation des 24 circonscriptions Ă©lectorales qui enverront Ă  l’AssemblĂ©e 12 francophones et 12 anglophones, 12 catholiques et 12 protestants. Il sera jusque vers 1887 un conseiller Ă©coutĂ© des dirigeants politiques. Il dicte presque le projet de loi, adoptĂ© Ă  l’unanimitĂ© en 1871, qui amĂ©nage un rĂ©seau d’écoles publiques catholiques et protestantes. En 1877, annĂ©e de la fondation de l’universitĂ© de Manitoba [V. Alexander Morris*], il fait accepter ses vues. Par Dubuc, son porte-parole, TachĂ© a ses antennes au Conseil des Territoires du Nord-Ouest qui conseille le lieutenant-gouverneur du Manitoba dans l’administration des districts de la Saskatchewan, de l’Alberta et de l’Athabasca. Avec Grandin, il sert d’intermĂ©diaire entre les MĂ©tis et les AmĂ©rindiens d’une part et le gouvernement du Manitoba, le Conseil des Territoires du Nord-Ouest et le gouvernement canadien d’autre part. Ă€ l’automne de 1871, il encourage Riel, qui est revenu au Manitoba, et les MĂ©tis Ă  s’opposer aux fĂ©niens. En fĂ©vrier de l’annĂ©e suivante, il remet Ă  Riel et Ă  Ambroise-Dydime LĂ©pine* de la part du premier ministre Macdonald et de son commissaire spĂ©cial Donald Alexander Smith*, de l’argent pour les inciter Ă  s’exiler aux États-Unis. Il manĹ“uvre pour que Cartier soit Ă©lu dans la circonscription de Provencher en septembre 1872, mais Ă©choue par la suite Ă  convaincre Riel de rester en dehors de la politique. Il parvient Ă  maintenir les MĂ©tis en paix et, par des voies pacifiques, Ă  rĂ©gler certains de leurs problèmes mais, dans la question de l’amnistie, il essuie un Ă©chec cuisant. Ă€ l’occasion d’un voyage Ă  Ottawa en 1871, Macdonald l’avait informĂ© qu’un « gouvernement qui s’efforcerait d’accorder l’amnistie ne saurait demeurer au pouvoir Â». L’arrestation de LĂ©pine en septembre 1873, que l’on accuse du meurtre de Thomas Scott, le convainc qu’il est de son devoir de parler. Il est conscient que, « depuis quatre ans, on se sert de [lui], soi-disant pour procurer le bonheur du peuple [qu’il] aime, en rĂ©alitĂ© pour tromper ce mĂŞme peuple Â». En mars 1874, il porte la question devant l’opinion publique dans une brochure intitulĂ©e Amnistie, plaidoyer qui fait de cette cause une question d’honneur national. Du 10 avril au 20 mai, il comparaĂ®t trois fois devant un comtĂ© spĂ©cial de la chambre des Communes chargĂ© de s’enquĂ©rir des causes des troubles dans les Territoires du Nord-Ouest en 1869–1870. Son tĂ©moignage que reprend et commente la presse est accablant pour les hommes politiques. Ce comitĂ© n’a pas encore remis son rapport qu’AndrĂ© Nault* et ElzĂ©ar Lagimodière sont arrĂŞtĂ©s en septembre, et LĂ©pine condamnĂ© par la Cour du banc de la reine du Manitoba. De nouveau TachĂ© intervient en mars 1875 par une nouvelle brochure, Encore l’amnistie. Ă€ la fin d’avril, l’amnistie gĂ©nĂ©rale sans condition est accordĂ©e, sauf Ă  LĂ©pine, Ă  William Bernard O’Donoghue* et Ă  Riel. Ce dernier tiendra longtemps rigueur Ă  TachĂ© d’avoir toujours conseillĂ© aux MĂ©tis de cĂ©der aux desiderata des hommes politiques.

      Cette activitĂ© Ă  caractère plutĂ´t politique ne dĂ©tourne pas TachĂ© de ses devoirs plus impĂ©rieux : la construction de son diocèse. Le 22 septembre 1871, Rome, cĂ©dant aux pressions de Grandin, a Ă©rigĂ© Saint-Boniface en archidiocèse, avec comme suffragants le diocèse de Saint-Albert, le vicariat apostolique de Colombie-Britannique et celui d’Athabasca-Mackenzie. Mgr TachĂ© s’empresse d’obtenir la reconnaissance civile de certaines institutions. La loi de 1874 paraĂ®t rĂ©vĂ©ler une certaine mĂ©fiance Ă  l’égard des laĂŻques : elle ne prĂ©voit pas de conseils de fabrique. C’est l’archevĂŞque, le curĂ© et le vicaire gĂ©nĂ©ral qui constituent la corporation paroissiale. ArchevĂŞque de Saint Boniface et supĂ©rieur des missions oblates dans l’ensemble de sa province ecclĂ©siastique, TachĂ© a une activitĂ© multiforme. Il veille personnellement au ravitaillement des missions du Nord-Ouest et de l’Athabasca-Mackenzie. Saint-Boniface est la plaque tournante d’oĂą partent les caravanes annuelles. Il ne cesse par des lettres et par des voyages de quĂ©mander de l’aide en France, Ă  Rome et au Canada pour soutenir ses missions et ses Ĺ“uvres sociales. Il multiplie les paroisses qui de 15 en 1870 passeront Ă  40 Ă  sa mort. Il promeut l’éducation catholique et l’instruction dans les sciences profanes, et veut que les catholiques soient aussi bien prĂ©parĂ©s que les protestants Ă  accĂ©der au marchĂ© du travail et qu’ils aient une Ă©lite pour les dĂ©fendre dans les sphères politiques. En 1888, on dĂ©nombrera 74 Ă©coles dans son diocèse.

      Aux yeux de TachĂ©, le devenir de l’Église et du Manitoba impose une prioritĂ© : le renforcement de l’élĂ©ment francophone et catholique. « Le nombre va nous faire dĂ©faut, constate-t-il en juillet 1872, et comme sous notre système constitutionnel les nombres sont la force, nous allons nous trouver Ă  la merci de ceux qui ne nous aiment pas. Â» D’oĂą son souci de susciter un courant migratoire catholique et francophone pour maintenir l’équilibre culturel. Sa stratĂ©gie consiste Ă  crĂ©er, Ă  l’intĂ©rieur du bloc de terres rĂ©servĂ©es aux MĂ©tis, des paroisses francophones et catholiques, puis de lĂ  un rĂ©seau de blocs francophones jusqu’aux Rocheuses. Mais cette stratĂ©gie demeurera une vue de l’esprit qui ne dĂ©bouchera pas sur une action concertĂ©e. Lui-mĂŞme acceptera que des groupes de colons francophones s’installent lĂ  oĂą ils le dĂ©sirent et Mgr Grandin encouragera une concentration des colons francophones dans la rĂ©gion d’Edmonton. Sur les instances de Mgr TachĂ©, les Ă©vĂŞques de la province de QuĂ©bec rĂ©unis Ă  QuĂ©bec, du 17 au 24 octobre 1871, appuient timidement son projet. Ils signent une circulaire, rĂ©digĂ©e par son ami Laflèche, devenu Ă©vĂŞque de Trois-Rivières, qui invite les francophones de la province de QuĂ©bec dĂ©sireux d’émigrer de se diriger vers l’Ouest plutĂ´t que vers la Nouvelle-Angleterre. Ils votent aussi une proposition qui prie le gouvernement fĂ©dĂ©ral de nommer dans la province de QuĂ©bec des agents d’émigration et d’assister financièrement les Ă©migrants quĂ©bĂ©cois comme il le fait pour ceux de l’Ontario.

      En 1874, TachĂ© appuie fortement la mise sur pied de la SociĂ©tĂ© de colonisation de Manitoba, vouĂ©e au recrutement de colons au Canada et aux États-Unis et destinĂ©e Ă  les assister au moment de leur Ă©tablissement dans l’Ouest. Il dĂ©pĂŞche les pères Lacombe et Doucet au QuĂ©bec et aux États-Unis pour promouvoir la cause de la colonisation. La SociĂ©tĂ© de colonisation de Manitoba obtient du gouvernement canadien la nomination d’un agent de rapatriement des Franco-AmĂ©ricains. Les rĂ©sultats sont dĂ©cevants. Dans les annĂ©es 1880, TachĂ© va ainsi multiplier les agents recruteurs au QuĂ©bec et, avec l’aide du gouvernement canadien qui paie leur salaire, les missionnaires colonisateurs dans les diocèses de la Nouvelle-Angleterre et du Middle West amĂ©ricain. Il encourage les clercs d’origine française Ă  parcourir la France, la Belgique et la Suisse. Les succès sont mitigĂ©s et compensent Ă  peine le reflux des MĂ©tis vers les Prairies. L’éloignement relatif des QuĂ©bĂ©cois naturellement attirĂ©s par le Sud, les rĂ©ticences des Ă©lites quĂ©bĂ©coises Ă  encourager le « dĂ©peuplement du QuĂ©bec Â», l’image nĂ©gative d’un pays lointain, inhospitalier et dĂ©sertique que projette l’Ouest freinent l’action de TachĂ©. Les articles que ce dernier publie dans le Standard de Winnipeg, rĂ©unis plus tard en brochure sous le titre de Denominational or Free Christian Schools in Manitoba, ne font que retarder la crise qu’il pressent. Comme tous ses compatriotes de l’Ouest, il se sent abandonnĂ©, sinon trahi, par le QuĂ©bec, la mère patrie, d’autant plus que durant le boom Ă©conomique des annĂ©es 1880–1882 le dĂ©sĂ©quilibre dĂ©mographique s’accroĂ®t davantage. Dans le seul mois de mars 1882, 9 655 immigrants anglophones seraient arrivĂ©s Ă  Saint-Boniface.

      TachĂ© a encore moins de succès avec son projet d’établissement des MĂ©tis dans les Territoires du Nord-Ouest, Ă©laborĂ© en 1878 afin d’éclairer le gouvernement canadien en quĂŞte d’une politique en la matière. Il propose alors la crĂ©ation de 12 rĂ©serves, de 144 milles carrĂ©s chacune, dans lesquelles une centaine de familles mĂ©tisses recevraient chacune deux lots de 80 acres, taillĂ©s en longues bandes rectangulaires suivant l’ancienne coutume. Les MĂ©tis ne pourraient pas vendre ces lots avant la troisième gĂ©nĂ©ration. Ce projet, tout comme d’ailleurs celui de John Stoughton Dennis, alors sous-ministre au dĂ©partement de l’IntĂ©rieur, vise Ă  Ă©viter les erreurs commises au Manitoba oĂą les MĂ©tis se sont dĂ©partis Ă  vil prix de leurs terres [V. Gilbert McMicken]. IndĂ©cis quant Ă  la politique Ă  suivre, le gouvernement canadien s’en tient alors Ă  des vĹ“ux pieux.

      En mars 1882, le marchĂ© foncier s’effondre et les sauterelles envahissent les champs durant l’étĂ©. La population du Manitoba est aux abois, surtout les MĂ©tis refoulĂ©s sur les rives de la Saskatchewan et les AmĂ©rindiens qu’une sĂ©rie de traitĂ©s signĂ©s de 1871 Ă  1877 ont parquĂ©s dans des rĂ©serves. TachĂ© et le journal le MĂ©tis (Saint-Boniface) prĂ©viennent le gouvernement que le mĂ©contentement resurgit. En juillet 1884, Riel arrive Ă  Batoche (Saskatchewan) oĂą colons et MĂ©tis s’agitent. En septembre, le mĂ©contentement prend de l’ampleur. Riel prĂ©pare une pĂ©tition dans laquelle les droits de propriĂ©tĂ© tant des Blancs que des MĂ©tis constituent le principal grief. Le problème a plusieurs facettes. D’une part, le gouvernement canadien n’a pas encore appliquĂ© le Dominion Lands Act de 1872, modifiĂ© Ă  plusieurs reprises, qui l’autorise Ă  allouer des terres aux MĂ©tis. D’autre part, nombre de colons et de MĂ©tis, Ă  dĂ©faut d’un arpentage des terrains et de documents qui attestent l’extinction des droits de propriĂ©tĂ© des AmĂ©rindiens, ne disposent pas de titres incontestables sur leur propriĂ©tĂ©. MobilisĂ©s par Riel et conduits par Gabriel Dumont*, les MĂ©tis se soulèvent au printemps de 1885. Le 26 mars, ils affrontent une troupe de la Police Ă  cheval du Nord-Ouest sous les ordres de Leif Newry Fitzroy Crozier*. TachĂ© est atterrĂ©. Ă€ ses yeux, c’est bien d’une rĂ©bellion qu’il s’agit cette fois. Il ne peut approuver ce soulèvement ni le messianisme religieux de Riel qui le sous-tend. Il s’emploie donc Ă  rassurer les populations et s’empresse de mettre en garde les Ă©lites et les Ă©vĂŞques quĂ©bĂ©cois portĂ©s tout naturellement Ă  soutenir la cause de Riel. Mais bien au fait du sort rĂ©servĂ© aux MĂ©tis et aux AmĂ©rindiens, outrĂ© de l’incurie du gouvernement canadien et du fanatisme de certains immigrants, il plaide justice et clĂ©mence. Dès juin, il est Ă  Ottawa pour intercĂ©der en faveur des uns et des autres. Il ne rĂ©ussit pas, cependant, Ă  obtenir la grâce de Riel, qui est pendu le 16 novembre 1885. Le 7 dĂ©cembre, il publie la Situation, brochure inspirĂ©e « par la justice et l’humanitĂ© Â», dans l’intention de substituer la modĂ©ration et la raison au fanatisme racial et religieux. TachĂ© attribue le soulèvement des MĂ©tis Ă  l’incapacitĂ© et au mauvais vouloir des fonctionnaires fĂ©dĂ©raux dans l’Ouest, Ă  l’imbroglio des droits de propriĂ©tĂ© et de la non-allocation de terres aux MĂ©tis, et au cerveau dĂ©rangĂ© de Riel. Tardivement, le gouvernement suit la voie tracĂ©e par TachĂ©. Cependant, quand en 1886 on discute aux Communes la motion prĂ©sentĂ©e par Philippe Landry* et qui exprime le regret qu’on n’ait pas grâciĂ© Riel, TachĂ© n’encourage pas ses amis Ă  l’appuyer, de crainte d’aviver les passions ; il insiste plutĂ´t pour qu’on mette la cause des MĂ©tis au-dessus des intĂ©rĂŞts partisans. Avec Mgr Grandin et Mgr Laflèche, il estime qu’il est plus efficace de mobiliser « l’action de dĂ©putĂ©s honnĂŞtes, fermes et consciencieux Â», qui forceront le gouvernement Ă  respecter les droits des MĂ©tis, plutĂ´t que « de renverser les ministres Â». Ce plaidoyer vaudra dans les annĂ©es qui suivent une aide gouvernementale accrue aux MĂ©tis et sera peut-ĂŞtre Ă  l’origine de la nomination de Joseph Royal au poste de lieutenant-gouverneur des Territoires du Nord-Ouest.

      Au lendemain du soulèvement des MĂ©tis, la situation est radicalement changĂ©e. Les trains de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique sillonnent les Prairies. TachĂ© peut faire en 62 heures â€“ au lieu de 62 jours en 1845 â€“ le trajet de Saint-Boniface Ă  MontrĂ©al. DĂ©sormais, les protestants anglophones ont la haute main sur le dĂ©veloppement de l’Ouest. TachĂ©, qui s’accroche Ă  son rĂŞve d’une dualitĂ© linguistique dans l’Ouest canadien, est un homme respectĂ© par l’ensemble de la population manitobaine â€“ ses relations avec le lieutenant-gouverneur Schultz sont mĂŞme cordiales. Le vice-prĂ©sident de la compagnie de chemin de fer, William Cornelius Van Horne*, met Ă  sa disposition ses propres wagons. Mais TachĂ© demeure un homme dĂ©muni. Avec Grandin, il a amassĂ© un volumineux dossier sur les vexations des fonctionnaires du ministère des Affaires indiennes : nomination d’instituteurs protestants dans des rĂ©serves Ă  majoritĂ© catholique, refus de subvenir aux besoins de certains parents qui n’envoient pas leurs enfants Ă  l’école protestante, construction des Ă©coles loin des Ă©glises catholiques, interdiction de certaines rĂ©serves aux missionnaires catholiques et autres faits de mĂŞme nature. Ses remontrances auprès du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest en 1886 restent lettre morte. TachĂ© est aussi de plus en plus malade. Il connaĂ®t de longues pĂ©riodes de dĂ©bilitĂ© gĂ©nĂ©rale qui le tiennent rivĂ© Ă  sa chambre ou l’obligent Ă  des sĂ©jours prolongĂ©s Ă  l’HĂ´pital GĂ©nĂ©ral de MontrĂ©al. En 1887, il dĂ©missionne de son poste de supĂ©rieur des oblats. Il a cependant assez d’énergie pour organiser un concile provincial qui se tient Ă  Saint-Boniface du 16 au 24 juillet 1889, afin de faire le point sur le dĂ©veloppement de l’Église catholique dans l’Ouest. Les sept pères conciliaires adoptent d’importantes propositions : Ă©rection en diocèse du vicariat apostolique de Colombie-Britannique [V. Paul Durieu], division du diocèse de Saint-Albert, dĂ©signation d’un dĂ©lĂ©guĂ© oblat permanent pour les AmĂ©rindiens, dĂ©crets sur la foi, le zèle des âmes, le culte divin, l’éducation chrĂ©tienne, qui tous tendent Ă  unifier les croyances, uniformiser les pratiques et aviver l’ardeur pastorale.

      Ă€ l’évidence, les pères conciliaires ont aussi voulu consolider les positions catholiques dans l’Ouest au moment oĂą se pose la question des Ă©coles catholiques. En mars 1890, le gouvernement de Thomas Greenway*, en dĂ©pit des promesses donnĂ©es par son procureur gĂ©nĂ©ral Joseph Martin* et par Greenway lui-mĂŞme, fait adopter deux projets de loi qui restructurent le dĂ©partement de l’Éducation et abolissent le système d’enseignement public catholique et protestant au Manitoba.

      Ces mesures soulèvent l’ire des catholiques, tant anglophones que francophones. N’ayant pas rĂ©ussi Ă  persuader le lieutenant-gouverneur Schultz de ne pas sanctionner cette lĂ©gislation scolaire dont la constitutionnalitĂ© est douteuse â€“ de fait, Schultz lui-mĂŞme ne l’a d’ailleurs sanctionnĂ©e que contraint par Macdonald â€“ Mgr TachĂ©, dont la santĂ© ne cesse de se dĂ©tĂ©riorer, prend la tĂŞte du mouvement de rĂ©sistance et demeurera jusqu’à sa mort celui qui, dans le camp catholique, dĂ©cide de la stratĂ©gie Ă  suivre. Tout de suite, il essaie d’obtenir du gouvernement fĂ©dĂ©ral la non-reconnaissance du nouveau rĂ©gime scolaire. Il signe le 7 avril 1890 une pĂ©tition au gouverneur gĂ©nĂ©ral qu’il fait suivre, le 12, d’une lettre personnelle dans laquelle il rĂ©clame un remède juste et Ă©quitable. Il dĂ©pĂŞche Ă  Ottawa un dĂ©lĂ©guĂ© personnel, James-Émile-Pierre Prendergast*, pour faire des pressions en faveur de la non-reconnaissance. En mai, déçu des tergiversations du parti conservateur, mĂ©content du compromis Ă©laborĂ© par le ministre de la Justice, sir John Sparrow David Thompson, sur la question de la langue, ulcĂ©rĂ© du peu d’appuis qu’il trouve auprès des hommes politiques de la province de QuĂ©bec, il presse Mgr Laflèche de remuer ciel et terre pour amener le gouvernement Ă  refuser de reconnaĂ®tre la loi. Mais les hommes politiques, tant libĂ©raux que conservateurs, convaincus que cette question peut faire Ă©clater les partis politiques, prĂ©fèrent temporiser. PrĂ©textant la grande difficultĂ© de circonscrire les droits existants au moment de l’annexion du Manitoba, le ministre de la Justice, puis Langevin, Joseph-Adolphe Chapleau et sir Adolphe-Philippe Caron* convainquent Laflèche qu’il vaut mieux pour le moment s’en remettre aux instances judiciaires, quitte Ă  intervenir par la suite s’il y a lieu. TachĂ©, la mort dans l’âme, se rend peu Ă  peu aux arguments des hommes politiques. Il n’en dĂ©cide pas moins de maintenir le mouvement de rĂ©sistance sur un pied de guerre et de tenir la question ouverte devant l’opinion publique. Il fait convoquer en juin 1890 un congrès national Ă  Saint-Boniface, et veille cependant Ă  ce que les laĂŻques en prennent la tĂŞte. Il publie le 15 aoĂ»t une lettre pastorale, et en septembre, fait remettre au gouverneur gĂ©nĂ©ral une pĂ©tition signĂ©e par 4 266 catholiques du Manitoba. Ces documents ne demandent pas la non-reconnaissance de la loi mais pressent le gouvernement d’agir. Celui-ci remet l’affaire aux tribunaux. De son cĂ´tĂ©, TachĂ© en accord avec Laflèche reporte après le scrutin de mars 1891 son projet d’une lettre collective des Ă©vĂŞques canadiens qui aurait incitĂ© â€“ sinon obligĂ© â€“ les Ă©lecteurs catholiques Ă  voter pour des candidats favorables Ă  un redressement de la situation scolaire manitobaine. C’est sans doute la crainte de ne pas obtenir une majoritĂ© dĂ©cisive et de faire le jeu des libĂ©raux qui motive TachĂ© et Laflèche. En mars, 28 des 29 Ă©vĂŞques catholiques canadiens signent une requĂŞte collective au gouverneur rĂ©clamant justice pour les catholiques du Manitoba qui, elle non plus, ne demande pas la non-reconnaissance. Le cabinet conservateur en est tout Ă  la fois Ă©tonnĂ© et heureux, et le journaliste Joseph-IsraĂ«l Tarte* se demande par quelle voie on pourra rapidement et efficacement redresser la situation scolaire manitobaine. C’est ainsi que Tarte en viendra en 1893 Ă  conclure que durant son sĂ©jour Ă  l’HĂ´pital GĂ©nĂ©ral de MontrĂ©al Ă  l’hiver de 1890–1891 Mgr TachĂ© avait fait une entente avec Chapleau pour ne pas embarrasser le gouvernement conservateur et que, de ce fait, en cessant de rĂ©clamer la non-reconnaissance de la loi avant les Ă©lections, l’évĂŞque avait minĂ© les chances de succès de la cause manitobaine.

      TachĂ© redoutait que la politique scolaire du Manitoba fasse tache d’huile, et les Ă©vĂ©nements lui donnent raison. En Ontario, la Protestant Protective Association rĂ©clame la suppression des Ă©coles sĂ©parĂ©es et le Mail, stimulĂ© par le nationalisme ostentatoire d’HonorĂ© Mercier, continue d’afficher un anticatholicisme agressif [V. Christopher William Bunting]. La croisade anticanadienne-française qu’a menĂ©e D’Alton McCarthy dans l’Ouest trouve un Ă©cho favorable dans les Territoires du Nord-Ouest. Ă€ ce dernier endroit, le gouvernement adopte en 1892 une autre ordonnance qui rĂ©duit encore les droits des Ă©coles catholiques. TachĂ© proteste en vain. Thompson, devenu premier ministre, refuse de condamner cette politique. De dĂ©boire en dĂ©boire, TachĂ© en vient Ă  ne plus croire en la justice des tribunaux et Ă  reprocher Ă  Thompson de mal conduire le dossier scolaire. Le Manitoba’s School Amendment Act de 1894, qui assure l’application stricte de la loi scolaire manitobaine dans les districts ruraux, porte son exaspĂ©ration Ă  son comble. Pourtant, depuis la remise en question du système d’enseignement au Manitoba, TachĂ© a vaillamment combattu par sa parole, par ses gestes et par ses Ă©crits. Il a publiĂ© nombre de documents dans lesquels il pose la genèse du problème scolaire et lĂ©gitime ses positions. Il a Ă©voquĂ© six arguments fondamentaux en faveur d’un rĂ©seau d’écoles publiques catholiques et protestantes : le droit des parents de communiquer leurs croyances et leurs mĹ“urs Ă  leurs enfants ; le droit d’enseigner de l’Église catholique ; les droits historiques acquis ; les droits juridiques reconnus par l’Acte du Manitoba et par les ordonnances des Territoires du Nord-Ouest ; la compatibilitĂ© d’un rĂ©seau d’écoles publiques catholiques et protestantes avec la tradition britannique ; l’hypocrisie de la lĂ©gislation. Mgr TachĂ© accorde beaucoup d’importance Ă  ce dernier argument. Dans son opinion, Joseph Martin, qui trouvait inique d’obliger les catholiques Ă  frĂ©quenter les Ă©coles protestantes, voulait sĂ©culariser le système d’enseignement. Un tollĂ© du clergĂ© protestant l’aurait obligĂ© Ă  reculer et les lĂ©gislateurs se seraient contentĂ©s d’appeler neutres des Ă©coles qui, de fait, Ă©taient protestantes. Les nouvelles Ă©coles non confessionnelles sont simplement la continuation des anciennes Ă©coles protestantes, et TachĂ© en fait la dĂ©monstration : les administrateurs et les inspecteurs sont tous protestants ; les professeurs sont protestants ; les programmes d’enseignement religieux et moral des nouvelles Ă©coles sont exactement les mĂŞmes que ceux des Ă©coles protestantes ; on y trouve les mĂŞmes prières, les mĂŞmes passages de l’Écriture et la mĂŞme latitude accordĂ©e au libre examen. De ce fait, selon TachĂ©, ce nouveau système d’enseignement va Ă  l’encontre des principes dĂ©mocratiques et, aux yeux des catholiques, il est et sera toujours hypocrite et persĂ©cuteur.

      Les articles de TachĂ© Ă©branlent l’opinion publique, mais il n’en verra pas les consĂ©quences. Le 2 mai 1894, sa santĂ© se dĂ©tĂ©riore davantage. Il prononce le 3 juin une dernière homĂ©lie dans sa cathĂ©drale et meurt le 22 juin. Catholiques et protestants dĂ©filent devant son cercueil. Mgr Laflèche prononce son oraison funèbre. On dĂ©pose son corps dans un caveau rĂ©servĂ© aux Ă©vĂŞques, près de celui de Mgr Provencher.

      TachĂ© fut l’une des personnalitĂ©s les plus Ă©minentes du Nord-Ouest, mais sans doute aussi l’une des plus difficiles Ă  situer dans l’histoire canadienne. Plusieurs interprĂ©tations sont possibles, car le jugement historique dĂ©pend pour beaucoup des prĂ©supposĂ©s idĂ©ologiques, conscients ou inconscients, de l’historien. Sur le plan individuel, TachĂ© a pleinement vĂ©cu son dĂ©sir de travailler Ă  son salut personnel par le service auprès des plus dĂ©munis. La charitĂ©, la paix et la joie qu’il rayonnait l’ont fait considĂ©rer comme un saint par son entourage. Wilfrid Laurier*, qui le jugeait comme tel, prĂ©cisait : un saint homme mais un homme naĂŻf, autrement dit, un ĂŞtre dĂ©pourvu du sens politique. Ce jugement est un peu superficiel. TachĂ© Ă©tait issu d’un milieu oĂą l’harmonie Ă©tait sans cesse Ă  refaire entre catholiques et protestants, francophones et anglophones, vainqueurs et vaincus. Il avait Ă©tĂ© Ă©duquĂ© dans la fiertĂ© nostalgique d’une tradition familiale aristocratique, dans l’intransigeance triomphaliste d’une spiritualitĂ© ultramontaine, dans le culte de la supĂ©rioritĂ© de l’Occident. C’était donc un conquĂ©rant parti transplanter dans le Nord-Ouest la civilisation occidentale, la religion catholique et la culture canadienne-française. Ses origines et ses objectifs Ă©clairent sa vision du devenir du Nord-Ouest et dĂ©terminent son action tant apostolique que politique.

      TachĂ© a respectĂ© et aimĂ© les MĂ©tis et les AmĂ©rindiens ; il leur a communiquĂ© les lumières et les vĂ©ritĂ©s de l’Occident ; il leur a fait prendre conscience de leurs droits sur leurs terres ancestrales et sur la gestion de leur vie quotidienne. Cependant, en bon Occidental pour qui la civilisation s’arrĂŞte aux frontières de la chrĂ©tientĂ© et du rationalisme grec, il n’a jamais pris pleine conscience des droits culturels de ceux qu’il appelait ses enfants, si ce n’est les droits de la langue, de la religion et du mode de vie qu’il leur avait inculquĂ©s. De ce fait, il a, Ă  son insu, minĂ© la culture des autochtones et sapĂ© leur capacitĂ© de rĂ©sistance au front pionnier.

      TachĂ© a calquĂ© son diocèse sur le modèle de l’Église catholique quĂ©bĂ©coise : dogmatisme intransigeant, morale rigoriste, hiĂ©rarchisation rigoureuse des clercs et des fidèles, religiositĂ© dĂ©monstrative et sentimentale â€“ tout cela vĂ©cu sur le mode paternaliste. Comme tout Ă©vĂŞque canadien-français dans un front pionnier, il a Ă©tĂ© un agent de dĂ©veloppement socio-Ă©conomique et culturel. Mais il a toujours envisagĂ© les problèmes dans une perspective catholique et non ethnique. Son argumentation dans la question scolaire en tĂ©moigne, de mĂŞme que sa stratĂ©gie de mettre de l’avant des Irlandais catholiques pour contester la validitĂ© de la lĂ©gislation devant les tribunaux [V. John Kelly Barrett*].

      Alexandre-Antonin TachĂ© a vĂ©cu au moment oĂą l’émergence de l’Ouest a forcĂ© le gouvernement fĂ©dĂ©ral Ă  montrer son vrai visage d’alors : un appareil politique au service de la bourgeoisie et de la culture anglo-saxonne protestante, sous la gouverne de timoniers dont l’agir Ă©pouse les nĂ©cessitĂ©s du pouvoir. Il a vainement dĂ©fendu l’idĂ©e d’une synthèse politique harmonieuse des deux grandes traditions Ă  l’origine du Canada actuel. Il a Ă©tĂ© vaincu, mais pas par manque de sens politique. Les pĂ©ripĂ©ties de son action ne sont que le processus contingent d’un affrontement de forces inĂ©gales. Promettre ou ne pas promettre l’amnistie, s’appuyer sur les libĂ©raux ou sur les conservateurs dans la question scolaire et tant d’autres prises de position ne pouvaient Ă  long terme changer le cours des choses enclenchĂ© au moment de la ConfĂ©dĂ©ration. TachĂ© a fort bien vu que le Manitoba, cette entitĂ© politique officiellement confessionnelle et bilingue, allait succomber sous le poids du nombre et des coups de butoir d’une majoritĂ© politique intransigeante, bien dĂ©cidĂ©e Ă  crĂ©er l’Ouest Ă  son image et Ă  sa ressemblance. Ă€ long terme, sa dĂ©faite est rĂ©vĂ©latrice de l’incapacitĂ© de l’impĂ©rialisme ontarien naissant Ă  dĂ©finir une identitĂ© canadienne qui tienne compte de tous les individus et toutes les collectivitĂ©s qui cohabitent dans l’aire politique qu’elle englobe. Le Je ontarien, construit contre et non parmi les autres, n’a jamais pu devenir un Nous national mĂŞme s’il en a pris les allures. Canada First a toujours signifiĂ© pour les autres Ontario First. C’est cet Ă©chec qui a rendu d’actualitĂ© dans les annĂ©es 1970 certains Ă©lĂ©ments fondamentaux de la pensĂ©e de Mgr TachĂ© et nourrit, annĂ©e après annĂ©e, les rĂ©gionalismes sĂ©paratistes.

Jean Hamelin

Mgr Alexandre-Antonin Taché a laissé une correspondance volumineuse et variée que l’on retrouve principalement aux AAQ, aux AN, aux Arch. de l’archevêché de Saint-Boniface (Saint-Boniface, Manitoba), aux Arch. des oblats de Marie-Immaculée (Montréal), aux Arch. du séminaire de Trois-Rivières (Trois-Rivières, Québec), aux Arch. générales des oblats de Marie-Immaculée (Rome), aux Arch. hist. oblates (Ottawa), aux PAM et PAM, HBCA.

      Les lettres de TachĂ© qui ont Ă©tĂ© publiĂ©es, tout comme ses ouvrages, ont Ă©tĂ© recensĂ©s dans : J. M. Greene, « The writings of Archbishop TachĂ© Â» (thèse de m.a., Univ. of Western Ontario, London, 1953) ; et L.-M. [Parent], « Monseigneur TachĂ©, Ă©crivain Â» (thèse de m.a., univ. de MontrĂ©al, 1952).

      Canada, chambre des Communes, ComitĂ© spĂ©cial sur les causes des troubles du Territoire du Nord-Ouest, en 1869–1870, Rapport (Ottawa, 1874).— DOLQ, 1–2.— Lionel Dorge, Introduction Ă  l’étude des Franco-Manitobains ; essai historique et bibliographique (Saint-Boniface, 1973).— [J.-P.-A.] BenoĂ®t, Vie de Mgr TachĂ©, archevĂŞque de St-Boniface (2 vol., MontrĂ©al, 1904).— J.-É. Champagne, les Missions catholiques dans l’Ouest canadien (1818–1875) (Ottawa, 1949).— Paul Crunican, Priests and politicians : Manitoba schools and the election of 1896 (Toronto et Buffalo, N.Y., 1974).— T. [E.] Flanagan, Louis « David Â» Riel : prophet of the new world (Toronto, 1979).— Gerald Friesen, The Canadian Prairies : a history  (Toronto, 1984).— A.-G. Morice, Histoire de l’Église catholique dans l’Ouest canadien, du lac SupĂ©rieur au Pacifique (1659–1905) (3 vol., Winnipeg et MontrĂ©al, 1912).— Morton, Manitoba (1957).— Stanley, Birth of western Canada ; Louis Riel.— Alastair Sweeny, George-Étienne Cartier : a biography (Toronto, 1976).— L. H. Thomas, The struggle for responsible government in the North-West Territories, 1870–97 (Toronto, 1956).— Voisine, Louis-François Laflèche.— Waite, Man from Halifax.— Gaston Carrière, « Mgr Provencher Ă  la recherche d’un coadjuteur Â», SCHEC Sessions d’études, 37 (1970) : 71–93.— J.[-É.] Champagne, « Monseigneur Alexandre TachĂ©, o.m.i., organisateur de l’Église catholique dans l’Ouest canadien Â», SCHEC Rapport, 16 (1948–1949) : 13–22.— AndrĂ©e DĂ©silets, « les Relations entre Mgr TachĂ© et Hector-Louis Langevin Â», SCHEC Sessions d’études, 37 : 165–171.— Lionel Dorge, « Bishop TachĂ© and the confederation of Manitoba Â», Manitoba, Hist. and Scientifc Soc., Trans. (Winnipeg), 3e sĂ©r., no 26 (1969–1970) : 93–109.— A.[-N.] Lalonde, « l’Église catholique et les Francophones de l’Ouest, 1818–1930 Â», SCHEC Sessions d’études, 50 (1983) : 485–497 ; « l’Intelligentsia du QuĂ©bec et la Migration des Canadiens français vers l’Ouest canadien, 1870–1930 Â», RHAF, 33 (1979–1980) : 163–185.— Robert Painchaud, « French-Canadian historiography and Franco-Catholic settlement in western Canada, 1870–1915 Â», CHR, 59 (1978) : 447–466.— Albert Tessier, « Correspondance TachĂ©-Laflèche Â», Cahiers des Dix, 23 (1958) : 241–260.

Source: Dictionnaire biographique du Canada en ligne

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